Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

El Malaza par le couloir CRS58 (PD+)

26/02/2017 : Planès – sentier de l’étang de Planès – couloir CRS58 – Descente dans un couloir par erreur – retour sur Planès par le même itinéraire.

 

Acte 2 d’un très beau week-end d’alpinisme en Catalogne. Cette fois ce sera dans mes Pyrénées-Orientales et plus précisément dans la vallée de Planès sur la redoutable face Ouest du Roc del Boc nommé aussi El Malaza. Cette face est entièrement rayée de couloirs difficiles voire très difficiles. Nous allons à la découverte du plus accessible de tous, celui du CRS58. A 8h10, Yannick et Laurence se joignent à moi. Nous prenons le départ au niveau de l’église du village de Planès. Le ciel est déjà bleu, le vent absent, le froid pas trop vif, conditions idéales. Il faut suivre le sentier plein Sud, balisé de jaune, à la sortie du village. Le sentier monte immédiatement en forêt et après seulement 10 minutes, nous devons chausser les crampons. Le sous-bois est en neige dure, pratiquement de la neige de printemps. Le sentier coupe une route forestière qui arrive du village, puis l’on quitte rapidement cette piste pour reprendre le sentier sur notre gauche. Il n’y a plus qu’à le suivre pour se rendre au pied de la face.

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Le long sentier d'approche

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En fond de vallée le couloir NW de la Tour d'Eyne, ce n'est pas le couloir du jour

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Gros plan sur le couloir NW de la Tour d'Eyne

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Sous le pic de l’Orri, les arbres sont de plus en plus clairsemés. C’est ici que commence le glacier rocheux. Il est très déstructuré par de nombreuses dépressions thermokarstiques. Afin d’éviter de monter et descendre sans cesse ces dépressions, il faut pousser la marche assez haut sur la gauche, sous le Serrat de les Esques. On coupe une coulée d’avalanche de moins d’une semaine.

 

Il faut tourner à gauche

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Le couloir vu une semaine plus tôt depuis la cime du Cambre d'Ase

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Nous faisons une traversée pour nous rendre au plus haut sur le cône de déjection de notre couloir. Le CRS58 est l’un des premiers couloirs quand on arrive de Planès. L’entrée est invisible, masquée par un bel éperon ; mais il y a une belle virgule de neige qui souligne sa présence. C’est ce vers quoi il faut tendre. Il est 11h12 quand nous y parvenons, après 2h36 d’approche. Cette approche est longue, trop longue pour Laurence en ce jour. Elle nous accompagne donc jusqu’au cône, nous donne le maximum de conseils pour éviter les pièges à la montée comme à la descente, et nous met sur orbite. Bon retour Lolo et merci pour tout.

 

Remontée du cône

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Entrée du couloir

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Avec Yannick, nous nous engageons rapidement dans le couloir, il n’y a aucune trace. La première surprise est la qualité de la neige : béton ! La seconde surprise est l’inclinaison du couloir, vraiment très raide. Le couloir est coudé sur la droite, il est entièrement recouvert de neige, aucun bloc coincé visible. Il n’y a plus qu’à monter sur les pointes avant. Et dans cet exercice on va faire parler la puissance. Ça chauffe dans les mollets, les bras travaillent autant que les jambes tant la pente est verticale. Dans son milieu on atteint les 55°, regarder vers le bas donne des frissons, glissade non acceptée. Le couloir se referme sur un étranglement où se trouve un bloc invisible ce jour. On le franchit sans difficulté.

 

La verticalité est visible sur l'ancrage des crampons

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Yannick dans le raide

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Goulet d'étranglement du bloc coincé invisible

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Juste à la sortie du goulet

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On sort ensuite sur de larges pentes où l’inclinaison est encore soutenue mais la qualité de neige est moins bonne. C’est crouté, moins portant, plus éprouvant.

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La sortie s’approche mais c’est une illusion, un nouveau ressaut vient se dresser devant nous. Ce couloir ne laisse aucun répit, l’attention doit être constante et la forme physique au rendez-vous. Enfin la sortie est imminente avec plusieurs choix. Nous prendrons l’option totalement à droite, et même s’il n’y a aucune corniche, il faut malgré tout un dernier coup de rein pour se hisser sur l’arête sommitale. Chose faite à 12h36, en 1h16 pour 300 mètres de couloir. Cela représente déjà 3h52 de marche. J’ai eu le plaisir d’avoir tracé entièrement de bas en haut, ce couloir bien raide. L’arête est étroite, très peu de place pour se mouvoir. Mais pour l’heure, c’est ici même que nous prendrons le repas. On se pause sur des dalles sèches, au soleil face à la longue vallée de l’Orri. Il faut reprendre des forces, nous en aurons besoin pour le retour.

 

Si proche et encore si loin de la sortie

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Yannick à la sortie du CRS58

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Le couloir vu de haut, en fond le Cambre d'Ase

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Le bout d'arête à la sortie du couloir, on laissera le Roc del Boc dans notre dos

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Panorama sur la vallée de l'Orri, pic Nou Founts à droite, pic Rodo plein centre

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A l'heure du repas

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C’est à 13h30 que l’on reprend la marche en direction du Nord, laissant le sommet du Roc del Boc dans le dos. A droite les pentes plongeantes vers l’Orri, à gauche des sorties de couloirs sombres et froids. En équilibre sur ce fil, on cherche un échappatoire. Laurence nous a bien dit que le couloir de descente est parfaitement évident et sans encombre. L’arête si petite par endroit que seuls les crampons accrochent. Il nous tarde de quitter ce fil d’équilibriste. Le premier couloir qui semble correspondre aux recommandations de Laurence à notre validation. Il faut malgré tout un peu de désescalade pour y rentrer mais il est évasé et sans « trop » d’obstacles.

 

Panorama vers le Nord, pic de l'Orri tout proche et Madres en fond

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Sur l'arête avant de basculer à gauche

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La photo écrase mais c'est totalement vertical sur 5 mètres - le couloir est accueillant mais il ne le restera pas

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Au point rouge Yannick, cela donne un aperçu de l'inclinaison

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Jusque là tout va bien

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On voit loin vers le bas, et la perte de dénivelé est rapide. Cela forme un entonnoir qui vient mourir dans un étranglement. Il y a soudain comme un malaise dans de Malaza. On se souvient avoir vu un panneau de glace proche du CRS58. Je descends jeter un œil pendant que Yannick m’attend plus haut et en effet, lorsque je m’approche de ce piège, c’est bien un mur de glace qu’il y a sous mes pieds. Quelle erreur ! Nous n’avons pas de corde. Pas le choix, il faut remonter, or la neige s’est ramollie considérablement. Pas question de remonter 200 mètres de dénivelé ! Alors à la première possibilité, on bascule sur notre gauche dans le sens de la montée. On entre dans un nouveau couloir et l’on semble tirés d’affaire.

On descend plus bas que précédemment mais un nouveau ressaut de 3 mètres verrouille l’accès. Cette fois l’échappatoire est sur la droite dans le sens de la descente. On vise à vue la coulée d’avalanche croisée quelques heures plus tôt et nous voilà enfin tirés d’affaire. Nous avons manqué de discernement sur la crête, mais avec un peu de flair et beaucoup de chance, nous avons déjoué les pièges de la mâchoire du monstre Malaza.

 

Notre échappatoire au bord du pin

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Yannick dans l'échappatoire à gauche, un beau ressaut à éviter à droite

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En rouge notre itinéraire, à gauche le véritable couloir de descente

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On est franchement soulagé de retrouver de la stabilité et de ranger le cerveau dans le sac. Il n’y a plus qu’à suivre nos traces du matin. Or, la neige fond rapidement et de traces il n’y en a point. Qu’importe, il n’y a plus le moindre doute pour le chemin du retour. C’est droit vers le Nord. Et toujours sous un ciel bleu de cinéma.

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Nous quittons rapidement les crampons au profit des raquettes qui n’avaient pas encore été utilisées jusque là. Sur cette neige molle, ceux sont les meilleurs outils. A grandes enjambées comme à son habitude, Yannick prend les devants et donne un tempo soutenu à ce retour triomphal vers Planés. Proches du village, nous quitterons les raquettes, puisque la neige du matin a totalement disparue en quelques heures. Le printemps semble déjà installé, ce qui est encore un peu tôt. Il est 16h10 quand nous terminons cette belle journée, en 6h13 de pur effort.

Pour un couloir en PD+, c’est certainement le plus physique qu’il m’ait été donné de gravir. Il ne faut pas le prendre à la légère : vallée sauvage, couloir sauvage, et de la solitude. De plus, la marche en ligne de crête est un exercice qui demande une attention constante ; novice s’abstenir. Et dire que c’est le couloir le plus facile du Malaza, c’est dire toute la technicité que demande cette face d’une beauté sauvage.

 

Trace GPS : http://www.openrunner.com/index.php?id=7088484

Fichier GPX à télécharger

 

Tracé du jour sur carte IGN 1/25000

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Les chiffres de la journée:

Temps de marche total 6h13 pour 12,7 Km à 3,3km/h

Temps pour faire le couloir : 1h16

Dénivelé positif total : 1174 m – Autant en négatif

Point culminant : 2689m



06/03/2017
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