Pic du Canigou par la boucle royale
11/11/2016 : Los Masos de Valmanya – Bois de Patriques – Ras del Prat Cabrera – refuge des Cortalets – Pic du Canigou – cheminée – Porteille de Valmanya – crêtes du Barbet – Ras del Prat Cabrera – Bois de Patriques – Los Masos de Valmanya
La météo et la montagne sont intimement liées. Si l’on pouvait choisir, ce serait bien agréable de ne sortir que par beau temps, mais il y a trop de paramètres à prendre en compte que le plus simple est encore de prendre ce qui vient. Quand on aime la montagne, on en accepte ses excès. En ce jour particulier qui m’a vu arriver dans ce monde il y a déjà 44 années, j’ai envie d’aller immortaliser cela dans le massif qui m’a vu naitre en tant que modeste montagnard. Mon idée première est de gravir le pic du Barbet en aller retour fast hiking. C’est à la lueur d’une aube naissance que je me mets en marche à 6h35 depuis Los Masos de Valmanya.
L’avantage d’emprunter les bois de Patriques en sont aussi les inconvénients. C’est brutal dès le départ ! L’avantage : ça dénivèle fort ; mais l’inconvénient c’est un effort immédiat sans échauffement. La température corporelle monte vite malgré les 5°C ambiants. Peu à peu le décor qui compose le théâtre de ma journée se dévoile. Des couleurs flamboyantes embrasent la Méditerranée et déjà le cirque du Puig Sec apparaît dans son premier manteau blanc.
Pic de Néoulòs et chaine des Albères
Cirque du Puig Sec au centre
Quand on marche seul, on est forcément plus centré sur soi, son souffle, son propre rythme, et naturellement on avance plus vite. A 7h52 me voilà au ras del Prat Cabrera, en 1h11 seulement. Que faire ! Monter toute crête sur le Barbet ou aller au Canigou ? La météo parait acceptable, ce sera le Canigou. D’autant plus que si j’allonge encore un peu le pas, je devrais retrouver mes 2 compagnons Nicolas et Jean-Louis qui sont partis pour un tour du massif en 4 jours, et qui ont passé la nuit au refuge. Je prends donc l’itinéraire long et monotone de la piste.
Les crêtes du Barbet au soleil
Ras del Prat Cabrera
Il n’y a pas de neige à cette altitude, seulement un sol gelé. J’avance vite, en silence, en harmonie avec cette nature qui m’entoure. Trois isards vont couper ma route à 10 mètres seulement. Une rencontre furtive mais qui montre que la vie suit son cours malgré le froid et le ralentissement du cycle végétal. Au ras dels Cortalets le Canigou, par sa face Est, apparaît enfin. La cime est sous les nuages mais cela n’a rien d’extrêmement préoccupant pour le moment.
Il est 8h45 quand j’arrive au refuge des Cortalets. Il m’aura fallu seulement 2 heures de marche pour avaler les 1000 premiers mètres de dénivelé ; le temps normal est de 3h30. Pas mal pour un « vieux » en grosses chaussures d’alpinisme hivernal. Comme espéré, je retrouve Nico et Jean-Louis au refuge, autour du poêle. Le temps d’un café vite échangé avec un vacher qui s’est installé ici, et nous prenons le sentier du pic à 9h20.
L’Estagnol des Cortalets
La neige est présente mais en quantité insuffisante pour nécessiter un quelconque équipement. Nous suivons donc le sentier de la voie normale.
Un regard sur la plaine du Conflent
Le sentier porte les stigmates des récents travaux de captage d'eau à la fontaine de la perdrix
Versant Nord/Ouest, le sommet tout au bout
Il n’y a plus qu’à suivre le sentier et prendre de la hauteur. Parfois un vent d’Est vient nous fouetter le visage, mais il n’est pas assez puissant pour nous ralentir. Le sommet nous tend les bras, à nous de le saisir.
C’est chose faite à 10h53, pour 3h36 depuis la voiture. Je viens de m’offrir un cadeau d’anniversaire haut de 2784 mètres, et sans les touristes bruyants et agités. Un Canigou comme on l’aime. A notre grande surprise, il n’y a pas le moindre souffle d’air au sommet. Tant mieux car la température est de -1°C. L’ambiance est vraiment hivernale. Hélas pour le panorama, nous en serons privés.
Nous quittons le sommet un peu après 11h, pour s’engager dans la cheminée. Nico passe en tête pour sonder la neige. Le constat est glacial, une couche de glace se cache sous la poudre blanche. Il nous faut passer sans crampons. La technique éprouvée de la reptation fessière fera des merveilles. Inutile de préciser que toute glissade serait fatale. Une par une, on efface les difficultés et déjà le bas de la cheminée se profile. C’est une réussite.
Départ de la cheminée
La partie supérieure de la cheminée
On ne voit toujours pas le bas
Le gardien en sucre glace
Fin des difficultés
On enchaine sans attendre la suite de l’itinéraire qui nous conduit au niveau de la brèche Durier qui commence à accumuler la quantité de neige nécessaire pour la gravir durant l’hiver. Il est 12h03 quand nous arrivons au croisement de nos chemins respectifs. Nico et Jean-Louis poursuivent la descente vers Mariailles tandis que je remonte en direction du Barbet. A bientôt les compères, et bonne route !
J’entame là ce qui est appelé la boucle royale. Gravir le Canigou depuis le refuge par la voie normale et revenir par la crête du Barbet. Une originale boucle pour deux sommets. Cette courte remontée qui ne devrait être qu’une formalité, ne sera pas sans difficulté. Le vent d’Est me frappe de plein fouet, la neige me cingle le visage. La cagoule est de sortie, ainsi que les lunettes. Je ne crains à présent plus les éléments en furie. L’effet venturi au niveau de la porteille de Valmanya atteint son paroxysme. Les 70 km/h annoncés sont bien supérieurs ; je suis chahuté de toute part, mais aujourd’hui j’ai des jambes de feu et un moral énorme. Il en faudra plus pour m’empêcher d’avancer. Je ne crains ni le vent, ni le froid, ni l’absence de visibilité, je suis euphorique, je suis vivant tout simplement. Les conditions météo se dégradent encore et il se met à neiger au moment où j’aborde la crête du Barbet.
C'est bien par ici que ça se passe
En pratique il faut garder à main droite le vide du versant Sud/Est. Mais pour un temps, on peut suivre le sentier venant du refuge. Il faut néanmoins être attentif au moment où la crête se divise en deux parties. C’est à 2450 mètres, alors qu’il est 12h51 et qu’il neige encore, je trouve un abri relatif dans une dépression, pour prendre mon repas. Cela fait 5h20 que j’arpente le massif. La pause sera courte car la météo ne me laisse aucun répit, donc à 13h09 je poursuis ma longue descente. Le décor change brutalement, passant des dalles minérales à des genets et autres rhododendrons. C’est moins facile pour s’extraire de cette végétation collante. Un isard croise mon chemin. Il ne semble pas effrayé, tant mieux, cela me laisse le temps de l’immortaliser.
Un solitaire comme moi.
Je retrouve non sans mal une clôture qui sert de fil d’Ariane pour me conduire sur le GR10. Cette fois c’est gagné, mais avec la perte de dénivelé c’est la température qui remonte et donc la neige se transforme en pluie. J’arrive au ras de Prat Cabrera à 14h22. Je termine ainsi la boucle royale. Il serait élégant de suivre le GR10 jusqu’à la cabane de Pinatell, mais cela rallonge d’une heure et sous cette pluie, cela ne présente plus aucun intérêt. Alors c’est par l’itinéraire matinal que je rentre. Les bois de Patriques sont efficaces pour rentrer vite. Néanmoins, on ne descend guère plus vite que ce l’on monte à cause du sol glissant. Donc je ne mettrai qu’une heure pour rentrer et à 15h22 j’ai regagné le point de départ. Une sortie rondement menée en 7h30. La vue plongeante vers la plaine n’aura pas été au rendez-vous du sommet, mais le plaisir de le gravir en bonne compagnie l’a compensé grandement. Cher Canigou, rendez-vous est pris en 2017 pour ma 30ième ascension.
Trace GPS : http://www.openrunner.com/index.php?id=6769282
Tracé de la boucle
Dénivelé positif total : 1905m – Autant en négatif
Temps de marche 7h30 pour 22,5 km à 3,9 km/h
Point culminant 2784m
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