Cambre d’Ase – couloirs du Vermicelle (PD+) et Bougnagas (AD inf)
24/02/2018 : station d’Eyne – pied du cirque – couloir du Vermicelle – sommet du Cambre – grande cheminée – couloir du Bougnagas – sommet du Cambre – grande cheminée – station d’Eyne
Depuis le début de l’hiver, les très nombreuses chutes de neige ne m’ont pas encore permis de gravir le moindre couloir, puisque les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. Malgré une dernière livrée de poudre mercredi matin, toutes les conditions semblent enfin au rendez-vous. Je jette mon dévolu sur le célèbre cirque glaciaire du Cambre d’Ase. Ce sera le couloir du Vermicelle qui servira d’entrée en matière, en espérant enchainer un second couloir. Yannick m’accompagne dans cette entreprise hivernale ; voilà 4 ans qu’il n’a plus gravi le Vermicelle, une sorte d’éternité. Parking de la station de ski d’Eyne, -9°C, ça pique déjà ; mais les conditions climatiques sont parfaites puisqu’il n’y a pas de vent sous un ciel bleu sans nuage. Nous nous mettons en marche à 8h25, directement les raquettes aux pieds. Nous suivons la piste damée. Petit raccourci immédiatement sur la droite, première montée sèche dans la poudreuse, et l’on retrouve la piste de ski qui nous conduit au pla du Cambre. Nous y sommes à 8h50.
Gros plan sur les pics de Coll Roig et pic Carlit face Sud
Gros plan sur les pics Péric
Pla du Cambre
Vermicelle en rouge, Bougnagas en mauve totalement masqué
On remonte le tire-fesses des pioches pour quitter le domaine skiable, et l’on poursuit l’approche plein Sud au milieu des pins à crochets clairsemés. Il y a en ce jour de nombreuses traces de ski de randonnée, preuve s’il en est que les couloirs ont déjà été visités depuis mercredi. Nous évitons le goulet bien raide de gauche, pour monter en zigzag sur la droite. Cette option à l’avantage de nous déporter directement dans l’axe du Vermicelle, couloir le plus à droite du cirque. Nous parvenons au pied du « Vermi » à 9h52 après 1h27 d’approche.
Au pied du cône de déjection
Le temps consacré à quitter les raquettes pour chausser les crampons est toujours un moment difficile pour la gestion du froid, principalement aux mains. Si en marchant, nous supportions aisément les -13°C dans ce congélateur géant, il en est autrement en phase statique. La neige que l’on touche distille son froid givrant jusqu’au plus profond de mes phalanges. Le froid est mordant, pénétrant, cruel, mais un mal nécessaire pour gravir en toute sécurité les couloirs qui nous attendent. Pour ne pas se surcharger, raquettes et bâtons resteront sur place. 10h15 on s’engage sur le cône de déjection du Vermicelle, c’est parti pour le grand frisson.
Entrée du couloir
C'est plus vertical qu'il n'y parait, massif de Madres à droite
La première épaisseur de neige se compose de 20cm de poudre qui ne porte absolument pas, la dépense énergétique est importante pour s’extraire à chaque enjambée. La remontée est usante. Nous mettons nos pas avec bonheur dans des traces de skis, pas l’idéal mais c’est mieux que rien. Nous retrouvons les deux skieurs à l’entrée du Vermicelle. Ils sont plus jeunes que nous, plus rapides, ils ne vont pas tarder à nous distancer. Nous allons ainsi profiter de leurs traces. Yannick n’est pas en grande forme, il reste dans mon sillage, incapable de me relayer devant. Qu’importe, j’ai la forme pour deux aujourd’hui. Si ce n’était les douleurs du froid aux extrémités, tout serait parfait pour moi. Aujourd’hui Yannick va travailler non pas la vitesse comme de coutume, mais la volonté, l’abnégation.
Le couloir se grimpe aisément malgré une neige encore très poudreuse. Les piolets s’enfoncent jusqu’aux panes. La couche est profonde. C’est seulement dans le dernier tiers que l’on trouvera de la neige béton, nettement meilleure pour ancrer nos piolets et cramponner solidement. Un skieur de rando nous double ; il n’a ni crampons aux chaussures, ni piolet, seulement une paire de bâtons. Comment est-ce possible ? Qu’adviendrait-il en cas de chute ? A chacun son approche de l’alpinisme ! Nous aborderons la sortie du couloir sur la gauche, la partie est qui déjà tracée. Les corniches dans l’axe central ne nous incitent pas à faire du zèle pour y creuser notre trace. Le couloir est gravi à 11h38 après 2h51. Première rencontre avec les rayons chauds du soleil. La bataille contre le froid vient de basculer à notre avantage. Il est également temps de prendre des forces. Mais avant cela, un tour d’horizon s’impose pour admirer ce que l’on a durement acquis.
La sortie s'approche
Sortie du Vermicelle
Vue sur la droite de la sortie
Vue sur la gauche de la sortie
Vue sur la station de la Tosa d'Alp et un bout de la Sierra de Cadì
Yannick a refait le plein d’énergie, la motivation est intacte, alors à 12h14, nous décidons unanimement d’enchainer un nouveau couloir. En parcourant le faîte du Cambre, on peut admirer les sorties des autres couloirs. Le Bougnagas sera le suivant, sa sortie est d’ailleurs tracée. La sortie de l’Eclair est toujours aussi verticale, cornichèe, terrifiante, aucune trace. La sortie du Gigolo est également sévère, nous ne nous y risquerons pas. Nous plongeons dans la grande cheminée, où de nombreux skieurs la remontent. Rencontre insolite entre alpinistes et skieurs de rando !
Dans la Grande Cheminée
Pour aller chercher le couloir suivant, le Bougnagas, il faut longer le bas de la paroi à notre gauche, et perdre le moins de dénivelé possible, afin de limiter la remontée du cône de déjection. Nous profitons ainsi du gain de dénivelé de la première ascension. Le cône de déjection de l’Eclair et du Bougnagas est commun au deux, mais l’entrée du Bougnagas est totalement invisible depuis le bas du cirque. Elle se trouve totalement à droite de celle de l’Eclair. Nous y parvenons à 12h44. Le bout de cône restant n’est même pas un sujet, mais la partie mixte qui verrouille l’entrée du couloir en est autrement. A présent, l’engagement est tout autre.
Cône de déjection commun à l'Eclair et Bougnagas
Nous parvenons jusqu’au ressaut où il faut poser un relais afin de faire sauter le verrou. Je passe en tête, les manips de corde ne sont pas aussi fluides qu’avec le maître Nico, mais il faut un début à tout. On arrive à ancrer solidement les piolets pour se tracter, et en trois pas sur la gauche, on bascule dans le couloir. Un relais composé de deux pitons, deux cordelettes et un mousqueton à vis, est là à demeure. Je fais venir Yannick qui efface cette difficulté avec aisance, et c’est en corde tendue que l’on remonte le Bougnagas.
Yannick dans le mixte avant le ressaut
Au ressaut
Au relais 0
Au relais 1
Plus aucune difficulté ne viendra entraver la remontée. D’ailleurs le couloir à proprement parler est extrêmement court. Après le ressaut mixte, il n’y à gère que 15 minutes à gravir. C’est le plaisir total ! Je savoure pleinement ce moment où tout paraît facile, où le froid n’est plus qu’un souvenir, où je fais corps avec mon environnement. Je suis en osmose avec ma pratique, en symbiose avec ce qui m’entoure. Un pur moment de grâce. Pour corser un peu la sortie, nous irons chercher une faiblesse dans la corniche, sur l’extrême droite du couloir. Malgré la presque verticalité de l’obstacle, ça passe bien. 13h52 et de deux ! 4h32 de grimpe et de plaisir.
Le bout du couloir restant
La sortie à droite
Yannick sous la corniche
La même vue de dessous
Vers le Sud le pic de La Tour d'Eyne
Dans la Grande Cheminée
Retour pour la seconde fois par la grande cheminée. En effet, il faut encore se rendre à la dépose des raquettes avant de mettre le cap définitivement vers la station. Nous retrouvons aisément le matériel laissé le matin, et l’on chausse à nouveau les raquettes pour un retour, par le même itinéraire, au parking à 16h04. On boucle cet agréable enchainement en 6h01. L’enchainement de ces deux couloirs est un bel d’exercice d’initiation à ce type de pratique.
Dernière vue sur la Grande Cheminée
Trace sur carte IGN sur les 2 couloirs
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 6h01 pour 11,4 km
Temps pour faire le Vermicelle : 1h23
Temps pour faire le Bougnagas : 1h08
Dénivelé positif total : 1185 m – Autant en négatif
Point culminant : 2715m
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