Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic de Camp Colomer par le couloir de l’Entonnoir (PD sup)

20/02/2020 : Grau Roig – col 2792m – portella blanca d’Andorra (2517m) – couloir de l’Entonnoir – Pic de Camp Colomer (2869m) – couloir Nord – portella blanca d’Andorra – col 2751m – Grau Roig

 

Qui a déjà entendu parler du pic de Camp Colomer, nommé aussi Tosseta de l’Esquella ? Pourtant, il est le sommet le plus haut de son secteur, après les 2900 que sont le Campcardos Franco-espagnol à l’Est, et le Tossa Plana de Lles hispano-andorran à l’Ouest. Sa silhouette mollassonne ne laisse pas présager un versant Nord abrupt et tailladé de couloirs. J’ai aperçu ce couloir depuis le pic Nègre d’Envalira il y a 10 jours, mais il reste inconnu dans ma base de connaissance écrite, tout comme celle d’internet. Il m'a apparu pourtant comme une évidence. Certainement trop à l’écart des couloirs du Pas de la Casa ou de Grau Roig, il ne reçoit pratiquement pas de visite. D’autant que sa situation géographique loin de tout parking, ne facile pas une approche rapide. Il a donc tous les atouts pour me plaire.

 

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Pour limiter le dénivelé positif, je choisis une nouvelle fois un départ en altitude, depuis la station de ski de Grau Roig. Autre départ possible, le Pas de la Casa par le col des isards. Néanmoins, le sommet se trouvant dans une vallée opposée, il faut franchir un col. La météo clémente du jour m’impose de partir le plus tôt possible. L’adage « le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt » prend ici tout son sens. Car l’ennemi numéro un sera la chaleur qui fera fondre la neige, donc à moi de réduire le temps passé au soleil. Je me mets en marche à 5h53 sous un ciel étoilé sans Lune, sans vent, par -2°C. Marcher dans l’obscurité la plus totale, dans une station de ski, est une expérience étonnante. Car l’on croise au hasard d’une piste, les lumières des dameuses, ou les canons à neige qui crachent des flocons artificiels. Une fois hors de la station, la course commence réellement. Je décide de franchir le col entre les deux têtes du Pic Nègre d’Envalira. Je me présente au pied de ce que l’on peut nommer un couloir à 7 heures, pour 1h06 de mise en jambe.

 

Première pente en neige dure

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Il n'y a qu'à suivre les traces à droite
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Le temps de m’équiper, prendre une barre de céréales, je me lance dans ce premier couloir à 7h17. A mon grand étonnement, il fait très froid, cruellement froid. Heureusement, le couloir est tracé ce qui me permet de grimper sans effort dans une neige bien dure. Je ne monte pas aussi vite que ce que j’espérais, le froid au pied me brûle littéralement les extrémités des orteils. C’est atroce, j’ai hâte de voir le soleil. Je sors à 2792 mètres de ce premier obstacle à 7h51, après 1h40 de marche. Ça c’est fait !

 

Le jour se lève sur l'Andorre
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Gros plan sur le Pic de Serrére au centre droit
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Il y a pire comme début de journée
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Le pic de Calm Colomer me fait face
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Je réalise que l’approche ne sera pas aisée. Je suis pratiquement à l’altitude du sommet que je convoite, mais la dépression qui me sépare de la base du couloir, est composée de nombreux creux, telles des dunes blanches. C’est typiquement le type de terrain pour un skieur, que je ne suis pas. J’analyse la meilleure façon d’arriver au pied de la face Nord, et en avant toute. Les premiers rayons du jour ne sont pas assez puissants pour ramollir la neige, mais suffisamment chauds pour faire disparaitre toute morsure du froid. Je récupère un bout de crête frontalière franco-espagnole, puis j’avance le plus haut possible en dévers, sur une neige béton. Cette technique va m’éviter une trop grande perte de dénivelé, et m’amène quasiment au départ du cône de déjection, sans rebond inutile. C’est efficace, ça me plait ! Il est 8h52 et l’approche totale m’aura finalement demandé 2h34.

 

Un bout d'arête à suivre, puis à gauche versant français dans le dévers

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Sur ma droite la vallée d'Engaït en Espagne
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Coma de Campcardos avec le Canigou dans le lointain
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Face Nord du pic de Calm Colomer
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Le couloir tel que je l'ai imaginé
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Il y a plusieurs entrées possibles dans le couloir ; l’accès le plus étroit aura ma préférence. Pourtant, une fois in-situ, ce passage n’est pas si étroit que cela, et la pente avoisine les 60°. C’est du raide pour commencer, le ton est donné. La neige est de qualité inégale, parfois béton, et parfois la croute glacée se brise. Toutefois, cela porte convenablement bien. A moi alors de choisir où poser mes pas pour ascensionner de façon efficace. Une fois le resserrement franchi, on entre totalement dans le couloir, et la pente s’assagit pour un temps.

 

Plus on s'approche, et plus le profil change

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A la base du couloir
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Ici la pente avoisine les 60°
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Le col d'où je viens
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La première partie vue de dos
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A présent, tout devient plus confus. Le couloir que j’avais imaginé est totalement invisible. Je me fixe comme cible un gros bloc droit dans l’axe, en pensant pouvoir tourner ensuite sur la gauche. Or, il y a des langues de neige cachées par de nombreux éperons rocheux. Impossible de lire clairement la suite sans une prise de risque. Je ne reconnais rien. Alors je choisis de grimper à vue en allant au plus simple. Une sortie se dessine enfin sur ma droite.

 

Une fois dans l'entraille de l'Entonnoir

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C'est par où la suite ?
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Jusque là c'est encore confus et la pente se cambre à nouveau
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Enfin on y voit plus clair, la sortie est tout à droite
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A ma grande surprise, je grimpe avec aisance malgré l’inclinaison de la pente. J’enchaine pas après pas sans relâchement, je gère parfaitement ma cadence pour ne pas avoir froid, tout en évitant de transpirer. Tout se passe à merveille. Faire une trace en solitaire n’est pas chose aisée, mais quelle satisfaction, c’est très intérieur. J’ai faim de couloirs, j’avale sans retenue, je dévore la pente jusqu’à satiété. Et l’inclinaison ne faiblit pas jusqu’à la sortie, une sortie à 60°. Et soudain, 10h08, le plateau sommital. Quel choc de découvrir qu’un terrain de sport entier pourrait contenir sur cette cime. Fin de la partie après 3h47. Le sommet est atteint 5 minutes plus tard, en 3h52. Il ne reste plus qu’à contempler.

 

Cette fois la pente ne plaisante plus

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Ça penche fort quand on se retourne
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La sortie vue d'en haut

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Qui a raboté la cime ?

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Vue vers le Sud/Est

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Vue vers le Sud sur le cirque des Engorgs - au loin la Tossa d'Alp

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Vue rapprochée vers l'Ouest

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A tout seigneur tout honneur, gros plan sur le toit des Pyrénées
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Gros plan sur le toit de l'Andorre

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Pic Carlit toit des Pyrénées-Orientales
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Pause face au Pic de Campcardos
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Après avoir déambulé sur cette cime plate totalement hors norme, et pris une dose de plénitude contemplative, j’engage le retour à 10h50. Il va s’en dire que je n’ai vu personne, ni homme, ni bête. Le couloir du retour se trouve un peu plus à l’Est du sommet, au point le plus bas entre deux pointes. Les premiers mètres sont très raides, mais rapidement la marche peut se faire face à la pente. Le retour va consister à retrouver les traces matinales en essayant de brasser le moins possible. Par chance, la neige s’est ramollie mais garde une bonne cohésion pour ne pas s’enfoncer. Je rattrape la portella blanca d’Andorra pour suivre la crête partiellement déneigée. Cela permet de gagner avec un minimum d’effort l’ultime remontée au col. Je marche à cheval entre France et Espagne, avant de basculer à nouveau en Andorre. Trois nations sur un si petit périmètre est assez cocasse. Je pousse la marche jusqu’au col à l’Ouest du pic Nègre d’Envalira, afin d’y prendre le repas. Il est 12h50 quand j’y parviens [5h57]. En versant Sud, face au soleil, je vais cuire tout en mangeant. Durant le repas, j’aurai tout loisir d’analyser le couloir tel que je voulais le faire, et tel que je l’ai fait.

 

Le couloir de descente appelée couloir Nord, et je dois encore me rendre en face

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Entrée joliment dessinée du couloir Nord
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Les différentes entrées du couloir de l'Entonnoir
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Portella blanca d'Andorra, le col à franchir est visible au centre
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Belle arête à suivre

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Regard en arrière

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Le couloir réellement gravi dont une partie invisible sur cet angle
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13h27, ultime partie pour un retour sur la station de ski. La neige est encore bien dure en versant nord, puis final en raquettes par les pistes de ski. Attention aux skieurs et surfeurs qui filent à vive allure. Fin de cette très belle course à 14h18, pour un total de 6h40. Le compteur du dénivelé positif dépasse les 1300 mètres, ce qui n’est pas l’exploit de l’année, mais le fait d’enchainer les fortes pentes ajoute de la fatigue à la course elle même. Ce n’est pas banal de gravir un premier couloir avant d’accéder au couloir convoité. Je réalise combien j’ai encore la chance d’encaisser ce genre parcours, entre froid intense et soleil brulant. Ce couloir méritera une nouvelle visite pour mieux en connaitre ses recoins, mais certainement par un autre accès. Par contre, à la journée, je ne vois pas mieux.

 

Plongée vers la station

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Regard en arrière

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Trace du jour :

 

 

Partie du couloir sur carte IGN :

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 6h40 pour 14 km

Temps pour faire le couloir : 1h13

Longueur du couloir : 250 m

Dénivelé positif total : 1320 m – Autant en négatif

Point culminant : 2869m

 



22/02/2020
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