Crête du Pico de la Pez au Pico Marcos Feliú par la vallée de la Pez
02/10/2021 : Pont du Prat (1261m) – cabane Jean Forgues – Vallée de la Pez – Port de la Pez (2451m) – Pico de la Pez (3022m) – Pico del puerto de la Pez (3018m) – Pico Marcos Feliú (3051m) – Pic de l’Abeillé (3029m) – vallon d’Aygues Tortes – refuge de la Soula – gorges de Clarabide – Pont de Prat
Départ à 5h35 sous un ciel étoilé et pas un souffle d’air. Les conditions semblent toutes réunies pour passer une belle journée en altitude. Traverser les habitations de la centrale électrique de Tramesayges et entrer dans le bois en suivant l’itinéraire 19. Dans l’obscurité du sous-bois, les nombreux panneaux de signalisation sont les biens venus. En cette saison automnale, le brame du cerf retentit avec force dans les bois. Ce râle roque est lugubre, sinistre, presque effrayant, de quoi inciter à allonger le pas. Apparait rapidement une bifurcation, prendre le sentier qui part à droite. On progresse en pente douce jusqu’au pont de Lespitau, où le terrain se cambre soudainement pour arriver à la cabane Jean Forgues. C’est une cabane pastorale fermée au public. Débute ici le vallon de la Pez.
On fait d’agréables rencontres en forêt
Le sentier se perd un peu sur ce grand plat de verdure. L’obscurité n’aide pas à trouver la sente dans la pelouse. Cela passe pourtant partout sans grande difficulté, même si parfois il faut composer avec le lit torturé du ruisseau. Cela dénivèle très peu jusqu’à 2000 mètres. Puis le terrain s’incline brutalement, c’est un mur vraiment impressionnant qui se dresse sur la voie. Vu d’en bas, cela parait improbable de se hisser dans un tel terrain. Mais le jour vient de se lever et m’apporte la clarté nécessaire pour trouver le sentier.
Lever du jour sur le vallon de la Pez
Le voile se lève
Premiers rayons sur le versant sud du Pic de Lustou
Ça montre très fort, brutalement, sans répit, dévoilant dans mon dos une belle vallée typiquement glaciaire en forme de U. Je franchis le port de la Pez à 8h39, après une ascension de 2h56. Je suis accueilli par un vent du sud très violent et glacial. Il est urgent que je sorte la carapace de textile pour faire face à ce à quoi je ne m’attendais pas. Tapi au ras du sol, je prends un rapide petit-déjeuner.
Vue sur les proches sommets français
Port de la Pez et sa corde à linges
Je repars à 8h58 en entrant en Espagne. Immédiatement sur la gauche, il faut passer un rognon rocheux sans difficulté. Puis s’ouvre la vue sur los picos de la Pez et del puerto de la Pez, ainsi qu’une longue crête. Il est possible de remonter sous la crête frontière une masse de roche décomposée jusqu’à atteindre l’un des deux sommets. Mais je choisis une autre option, celle d’entreprendre la crête Est-Sud/Est qui me paraît être une façon moins cavalière de gravir ces hautes cimes. J’observe que cela doit passer partout pour prendre pied sur ladite crête. Glisser peu à peu dans l’Omprio de la Pez. Une source improbable coule dans ce terrain de roche fragmentée ; je fais le plein du précieux liquide. Puis, par un système de petits gradins faciles, on accède au départ de l’arête.
Passage du rognon rocheux, Pic du port de la Pez tout à gauche
Le brouillard matérialise bien le courant d'air au port de la Pez
Itinéraire suivi pour se hisser sur la crête Est-Sud/Est
Port de la Pez ça souffle toujours autant
Ibón bajo de Bachimala
Départ de la crête Est-Sud/Est menant au pic 2934 mètres
L’arête n’est pas bien complexe, et malgré une roche assez friable, la progression est agréable. Les meilleurs échappatoires se trouvent en versant Sud. De proche en proche la crête prend de la hauteur. Le vent souffle à quelques 60 km/h mais reste encore gérable sur cette crête. Proche de la pointe la plus haute se trouve le passage que je n’attendais pas. Je me trouve au pied de hautes dalles que j’estime hautes de 15 mètres. Il me semble que l’escalade est possible, mais il y a le vent ; j’évalue le niveau de difficulté à du IV, c’est sérieux. Pour de l’escalade pure, c’est enfantin, mais seul, sans corde, avec un vent constant de plus de 60 km/h, cela donne à réfléchir. Il me vient à l’esprit une citation de l’illustre reine Elisabeth 1ier « Si tu ne peux éviter un obstacle, embrasse-le ». Il n’y a plus qu’à ! Je me lance et je pense aussitôt à Joël. Mon ami, Joël, où es tu ? Je t’aurais assuré d’en bas, tu aurais fait un relai et tu m’aurais hissé en toute sécurité, mais je suis seul. Je passe le premier obstacle, il y a une terrasse pour reprendre ses esprits, puis un second obstacle et l’on finit par un troisième. Enfin, le premier sommet de la crête est gagné ainsi. Le sang plein d’adrénaline, je me sens capable à présent de beaucoup plus, plus de crête, plus d’altitude. Euphorie quand nous tiens ! Il est alors 10h36, et 4h21 pour 1680 mètres d’ascension.
L'arête à suivre
Los ibones de Bachimala se dévoilent un à un sur la droite
Lointain pic de Néouvielle, premier plan le pic d'Aret
A gauche du pic de Lustou se devine le pic du Midi de Bigorre
Gros plan sur le pic du Midi de Bigorre semblable à un volcan
Sur la cime de la pointe 2934 mètres, la crête à suivre
Le bout de crête qui se poursuit est nettement plus facile. Ce serait de la balade s’il n’y avait pas ce vent omniprésent. Sur la crête je croise deux jeunes espagnols un peu circonspect sur la suite à donner à leur excursion. Le décor austère ne les rassure pas. Ils vont me suivre à une bonne distance afin d’observer la faisabilité de la crête. Sans histoire, je parviens au pico de la Pez à 11h09 pour 4h46 depuis le départ. Premier sommet du jour dépassant les 3000 mètres.
Un passage plus impressionnant que difficile
Grand Bachimala (3177m) et son étang éponyme - je ne verrai rien de plus de ce haut sommet
Vue vers le nord depuis le pico de la Pez
La crête à suivre vue depuis le pico de la Pez
Sans plus tarder j’enchaine sur le sommet suivant. Il est si proche qu’il est offert ; deux 3000 mètres pour le prix d’un, ça ne se refuse pas. Seulement 5 minutes séparent ces deux cimes. La différence d’altitude n’est pas flagrante, car il faut descendre puis remonter. Je ne fais donc que passer sur el pico del puerto de la Pez. Ayant l’idée de faire une boucle, je jette mon dévolu sur le pic de l’Abeillé que j’évalue à une heure de crête de là.
La crête parcourue depuis le port de la Pez
Regard sur el pico de la Pez
Gros plan sur le pic de Hourgade (?!? à confirmer par un spécialiste)
La suite de la crête est du même niveau de difficulté. Il faut rester le plus longtemps possible sur le fil, et contourner tous les gendarmes. Tous les échappatoires de la crête se trouvent en versant espagnol. Il y a également quelques bêches impressionnantes qui demandent juste de grandes jambes ; ça tombe bien, j’ai ce qu’il faut sur place. Puis arrive un rognon tout en dalle. Cette fois je ne m’y risquerais pas, surtout avec le vent qui ne fait que se renforcer. En cherchant à passer sous les dalles je perds tellement de dénivelé que je renonce à remonter dans un terrain trop exposé. D’autant plus que j’ignore si cette cime que j’évite est réellement le pic de l’Abeillé. Je vois en face une autre pointe nettement plus accessible, ce sera donc la suivante à visiter. Malgré un terrain décomposé, la marche reste correcte, est après une ultime grimpette, me voilà sur le Pico Marcos Feliú culminant à 3051 mètres. Je constate ma légère erreur, et décide de prendre le repas sur place. Il est 12h27, pour 5h54 de marche soutenue.
Vallon de la Pez et pic d'Arrouyette ou pic d'Estos (2803m)
Passage de cette bosse en mode gecko
Gros plan sur la partie en desescalade
La même vue d'un peu plus loin
Pico Marcos Feliú sous la brume
Haut du vallon d'Aygues Tortes
Le pic de Hourgade se voile
Le vent est insoutenable, impossible de trouver un peu de repos. Le froid est mordant. Il fait à cet instant 3,8°C. J’avale à la hâte quelques bouchées et j’observe le haut du vallon d’Aygues Tortes qui doit me ramener au point de départ. Mais avant cela, il est obligatoire de passer par le pic de l’Abeillé. Je vise une langue de roche grise sous cette cime et je prends cela comme point de repère, évitant de remonter sur la crête. Je me remets en action à 12h45. J’avais vu juste puisque une sente venant des étangs vient buter sur cette longue langue de roche fine. La solution était facile à trouver, avec un peu de recul. Quatrième sommet du jour à 13h02 après 6h12. Au sommet du pic de l’Abeillé, la force du vent atteint son paroxysme. Les rafales se renforcent obstinément. La nature est en délire, elle est quasi hystérique. Je titube cela devient pénible. Je dois vite me mettre à l’abri, si abri il y a. La suite de la descente est conditionnée par une bonne visibilité, hors la brume joue avec mes nerfs. Tu y verras, tu n’y verras pas ! Mais avec ce que j’ai vu, j’en sais assez pour fuir les hauteurs, et partir dans le vallon français à l’abri.
Le mur de roche fine menant au sommet du pic de l'Abeillé, quelle ambiance !
Etang de l'Abeillé où il faut se rendre
Il faut s’engager sur la crête frontière direction Est et à la première occasion quitter le fil de l’arête. Il faut gagner un couloir caractéristique de pierres fines. Une fois dans le couloir, prendre l’étang comme point de repère et descendre le vallon. Le vent est moins présent, la marche devient plus agréable. Le cours d’eau va servir de fil d’Ariane si le brouillard tombe, mais il ne viendra finalement pas.
Etang de l'Abeillé source du ruisseau d'Aygues Tortes
Source proche de l'étang avec vue sur la crête d'où je viens
Dans l'échancrure du port d'Aygues Tortes apparait le massif des Posets
Gros plan sur le Pic des Posets 3ième plus sommet des Pyrénées
Après l’étang de l'Abeillé, s’écarter doucement sur la rive droite du torrent, qui a formé une gorge et un ressaut d’eau. Par de larges pelouses, on parvient sur le plancher des étangs d’Aygues Tortes. Se dessine alors un sentier, celui emprunté par les marcheurs de la HRP allant ou venant du port d’Aygues Tortes. C’est alors totalement balisé et absent de tout obstacle. La marche peut prendre une autre cadence. Cette partie du vallon est très ample et a une allure d’amphithéâtre minéral. Après la retenue sur le ruisseau apparait la cabane de Prat Caseneuve, ouverte aux randonneurs. Il est 15h05, et déjà 7h58.
Le sentier passe totalement à droite de la photo
Vue vers l'Est sur la Fourche de Clarabide
Vallon supérieur d'Aygues Tortes
Puis le sentier quitte les pelouses pour perdre du dénivelé par paliers. On suit alors la neste de Clarabide. C’est parfaitement bien tracé. Malgré une marche facile et rapide, cela ne semble jamais finir. La vallée est interminable, jolie, mais épouvantablement longue. Passage au refuge de la Soula à 16h06, en 8h55.
Ce n’est pas fini pour autant. Il reste encore à franchir les gorges de Clarabide. Un sentier en corniche a été taillé pour faciliter le désenclavement de la partie supérieure de la vallée. Cette partie ne dénivèle quasiment pas, accentuant cette impression de vallée interminable. Après un observatoire à la sortie de la corniche, la perte de dénivelé sera continue. On retrouve alors le sentier matinal et le brame du cerf, infatigable. Fin de la boucle à 17h24, pour un total de 10h12 et bien peu de pauses. Journée exceptionnelle dans un secteur que je découvre à peine. J’ai profité pleinement d’une journée d’automne, elles sont rares. Et pour finir je citerai Mazouz Hacéne : « Chaque jour la vie recule et la mort avance. Alors profitons-en ».
Sentier en corniche taillé dans la falaise
La vallée en corniche d'où je viens
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 10h12 pour 26,8 km à 2,6 km/h
Dénivelé positif total : 2200 m – Autant en négatif
Point culminant : 3051m
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