Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Enchainement de tous les 3000 Ariégeois à la journée

11/08/2015 : Orris du Carla – vallon de Riufret – Etang de Riufret – Etang de Canalbonne – Port de Canalbonne – Pic Rodó de Canalbonne (3004m) – Pointe Gabarró (3115m) – Pique d’Estats (3143m) – Pic de Verdaguer (3131m) – Pic du port de Sulló (3072m) – Pic du Montcalm (3077m) – col de Riufret – Etang de Riufret – Orris du Carla

 

Après avoir gravi par plusieurs voies différentes les sommets majeurs de plus de 3000 mètres les plus à l'Est de la chaine, j’avais envie cette fois de gravir tous les 3000, principaux et secondaires en une seule fois. En effet, ils sont tous concentrés au même endroit. Pour réussir ce petit challenge, il fallait trouver un itinéraire qui évite des allers/retours pour optimiser le temps et le dénivelé. Il y a deux sommets particulièrement difficiles à atteindre : le Pic Rodó de Canalbonne et la Pointe Gabarró. C’est donc par eux qu’il va falloir commencer cet élégant enchainement. Le point de départ évident se fera depuis l’étang de Soulcem, car cela va réduire notablement le dénivelé à gagner. Yannick se joint à moi pour partager une journée d’une rare intensité.

 

Le pic de la Madelon se réveille

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Après avoir passé la nuit sur place, nous démarrons donc des orris de Carla à 6h53. Le jour est déjà levé. Nous suivons un court instant le sentier des étangs de la Gardelle, puis on longe la retenue d’eau de Soulcem. On coupe le torrent venant de la Gardelle, puis au torrent suivant, il faut s’engager dans le redoutable vallon de Riufret. Il est 7h18. Il y a d’abord une sente et quelques cairns. Ça monte immédiatement et de façon brutale. En montée, ce sentier ne pose pas de réelles difficultés, les bâtons sont là pour soulager les quadriceps. Il y a de temps à autre des vieilles traces de peinture rouges.

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Malgré l’inclinaison de la pente dans le gispet, le dénivelé se gagne rapidement.  On reste loin du torrent, le plus à droite possible jusqu’à passer le verrou de l’étang du Riufret. On trouve alors un petit replat bien venu.

 

L'étang de Riufret en contre bas du sentier

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Le sentier reprend à nouveau de la hauteur brutalement, toujours rive gauche du torrent. Nous avançons jusqu’à trouver sur notre gauche le torrent issu de l’étang de Canalbonne. Il y a là un névé entièrement glacé que nous traverserons un pied dans la rimaye, l’autre sur la paroi rocheuse. Il faut remonter un verrou où coule le torrent. De prime abord ce n’est pas très fréquentable, mais il suffit de monter sur les banquettes rocheuses de gauche pour s’élever au dessus du verrou et voir apparaitre aussitôt le très bel étang de Canalbonne. Et quel bel étang ! Il est comme suspendu dans un mini cirque et son vert sombre cristallin tranche avec les roches rouges qui l’entourent. Il est 9h48 quand nous parvenons sur ses rives ; on en profite juste pour remplir les gourdes, car la suite va manquer d’eau pendant quelques heures, et l’on engage la montée du port de Canalbonne.

 

Le col au fond

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Le Montclam et le col de Riufret que nous descendrons au retour

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L'étang vu durant la montée

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C’est un immense tas d’éboulis semblable à un cône de déjection de couloir glaciaire, et en l’absence de neige, rien ne tient sous nos pas. S’engage alors une épreuve de force contre la gravité. Je choisis d’aller chercher des appuis sur la paroi à droite du couloir, tandis que Yannick choisit celle de gauche. Nos deux options nous mènent au même moment au col de Canalbonne à 10h25. Cela nous aura pris 3h08 depuis le départ. Et la vue depuis ce col frontalier est une vraie récompense. L’horizon vers l’Ouest est grandiose allant des sommets des Encantats, de la Punta Alta jusqu’à l’Aneto. Juste sous le col, à moins de 5 minutes, se trouve un minuscule étang répondant au nom évocateur d’Estanyet de la Conca Gelada. Si l’étang de Canalbonne est serti de roches, celui-ci perché 200 mètres plus haut a droit à un coin de pelouse. Vive la douceur des pentes Espagnoles ! Le temps d’avaler une barre énergétique et l’on se lance sur la crête frontière, cap vers le Nord.

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Estanyet de la Conca Gelada

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Le col et l'arête à suivre

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L’arête se pratique sans problème, et même si l’on pose un peu les mains car c’est raide, il n’y a aucune difficulté notable. C’est si facile que l’on va passer sur le premier 3000 du jour, le Pic Rodó de Canalbonne culminant à 3004 mètres sans s’en rendre compte. C’est une bosse sur la frontière, sans aucun caractère. On avance droit sur la Pointe Gabarró nettement plus imposante. Il y a un vague sentier en contre bas de la crête sur le versant espagnol, mais nous restons sur le fil tant c’est ludique d’évoluer avec l’à-pic vertigineux du versant Français sur notre droite. Nous atteignons les 3115 mètres la cime de la Pointe Gabarró à 11h11.

 

Vue depuis l'antécime de la pointe Gabarró

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Sommet de la Pointe Gabarró

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Il y a une borne géodésique et un pilier de béton comme on trouve en Andorre sur la Coma Pedrosa. Le point de vue depuis ce sommet donne une nouvelle perspective à la Pique d’Estats toute proche, mais aussi au pic du Port de Sulló. A présent, la crête est un peu plus effilée. On descend jusqu’à une brèche où l’on trouve le passage le plus technique, et ça remonte comme sur une échelle. On se croirait dans la partie finale de la cheminée du Canigou, on s’en amuse même. Cette courte partie qui remonte sera une formalité et à 11h32 nous voilà rendu au point culminant de la Catalogne. Cela nous aura pris 3h59 pour atteindre les 3143 mètres où trône ostentatoirement la croix sommitale de la Pique d’Estats. Il y a beaucoup de monde et nombreux sont ceux qui sont étonnés de nous voir arriver d’un endroit en apparence inhospitalier.

 

Yannick dans le dernier pas avant le sommet

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La crête parcourue

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Le panorama je le connais déjà, grandiose, exceptionnellement beau, mais je ne boude pas mon plaisir de jeter un œil sur le Carlit et encore plus loin le Canigou qui ferme l’horizon à l’Est. Oui, la Catalogne est bien sous nos yeux. A présent, je peux identifier parfaitement le pic de Roca Blanca découvert un mois plus tôt depuis le port de Salau. Avec Yannick, nous venons de parcourir la moitié de la course du jour, en complétant notre connaissance sur ces hautes crêtes. Quel plaisir ! Quelle joie ! Nous ne restons pourtant pas longtemps sur le point culminant du jour, trop de monde, trop de tumulte. Nous poursuivons cet enchainement par ce qui est certainement le plus facile de tous en venant de l’Estats, le Pic Verdaguer, atteint à 11h55, portant notre temps de marche à 4h04. C’est ici que nous nous posons pour prendre le repas de midi ; ce n’est pas tous les jours que l’on prend son repas à 3131 mètres. De plus, le monde ne s’attarde pas sur ce sommet considéré à tort comme secondaire.

 

Pique d'Estats vue depuis le Verdaguer

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Il est 12h35 quand nous quittons cette cime pour aller vers les deux sommets aux antipodes l’un de l’autre. Le plus logique est de descendre en direction des étangs de la caumette d’Estats, ce qui nous fait perdre un précieux dénivelé. Puis, on passe sous le pilier Nord du Verdaguer où l’on rencontre un névé permanent, et l’on remonte en direction du port de Sullò. Sans passer par ce col, nous engageons un court instant la remontée vers le pic du Port de Sulló, puis l’on récupère la crête Sud/Est venant du col. Cette crête est large et semble être le meilleur itinéraire pour se rendre au sommet en venant par ce versant. En effet, on évite les pierres croulantes qui chutent régulièrement dans la voie normale, en pleine face. La crête se grimpe en deux phases, la première arrivant sur une plate forme en terre qui rejoint le chemin classique. Mais nous reprenons le fil de la frontière, pour la seconde phase qui mène exactement au sommet. Voilà une nouvelle arête découverte et adoptée pour une fois prochaine. Il est 13h42 quand nous avons le plaisir de découvrir le panorama du Pic du port de Sulló depuis ses 3072 mètres d’altitude. Il nous a fallu une heure depuis le sommet précédent pour se hisser sur celui-ci (5h02). Cela fait 2 fois que je gravis ce sommet en moins de 10 jours et le plaisir reste le même. La nature a joué ici avec subtilité sur une palette de couleurs alternant les rouges ocre des roches ferrugineuses au gris du granit, les verts clairs des pelouses et le bleu profond des nombreux étangs du versant Sud. Avec le bleu clair du ciel et le blanc des névés, la montagne fait étalage de ce qu’elle a de plus beau. C’est une symphonie de couleurs. On s’avance sur une antécime en direction de l’arête Sud pour voir les étangs supérieurs de la Coma de Sulló. Je constate également que cette arête doit être praticable, une idée pour une nouvelle venue sur ce sommet.

 

Vue vers le Sud

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Tous les 3000 en une photo depuis l'antécime

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Peu après 14h, nous reprenons la descente par la voie normale, et direction du Montcalm. A présent, nous empruntons le chemin traditionnel qui arrive du refuge du Pinet, rien d’original, juste de la distance. Il fait chaud et la soif se fait sentir. Il y a bien de l’eau qui coule sous les névés mais l’endroit est tellement fréquenté qu’il n’est pas indiqué de s’hydrater ici. Il faudra entendre la prochaine source. On perd du dénivelé rapidement, on croise de nombreux espagnols qui s’en retournent de leur pèlerinage à la Pica comme ils disent, puis l’on gravit seuls les dernières rampes nous menant au 3077 mètres du Montcalm. A 15h30 c’est fait ! Nous venons de réaliser un strike, Le Strike parfait. Tous les sommets de plus de 3000 mètres en une seule journée et par beau temps. Pour parfaire cette journée, nous sommes seuls au sommet du Montcalm. Quelle récompense. Les jambes sont lourdes après 6h20 et plus de 2200 mètres de dénivelé positif, mais quoi de plus normal. Alors on s’accorde une longue pause sur le seul sommet parmi les 6 du jour, totalement en territoire français. Pas un souffle de vent, un plafond anticyclonique très haut, la vue dégagée loin vers la plaine Ariégeoise, que du bonheur.

 

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A 15h55 nous quittons le ciel pour redescendre sur terre par le vallon de Riufret.

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Il nous reste qu’à dévaler plus de 1500 mètres, mais quelle descente ! On trouve immédiatement de l’eau pour étancher une soif tenace, puis, on va utiliser la neige souple du névé permanent au niveau du verrou de la vallée, pour faire quelles glissades. Cette partie est des plus agréables car ce qui nous attend sera un véritable supplice. Jusqu’aux abords de l’étang de Riufret, ça passe plutôt bien et l’on retrouve l’itinéraire du matin. Mais ensuite la pente dans le gispet est trop inclinée pour rendre la marche sûre et rapide. Chaque pas doit être mesuré, assuré par les bâtons, c’est éprouvant. C’est tellement incliné qu’on manque de glisser à plusieurs reprises et toute chute est évidemment interdite. Vivement le plancher des vaches !

 

Le lac de Soulcem se rapproche

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Ce vallon de Riufret n’est pas conseillé en descente et objectivement, par temps de pluie ou de brouillard c’est accidentogène. C’est pourtant le plus direct. Nous arrivons enfin à 18h57 avec encore de l’énergie à donner s’il avait fallu. On boucle ce prestigieux parcours en 9h10.

C’est un parcours que je conseille à tous montagnards qui aiment la solitude des vallons suspendus, la roche délitée du Vicdessos et la collection des 3000 mètres. Mais au-delà des altitudes, c’est l’originalité des accès aux différents sommets qui rend cet enchainement si singulier. Par contre, à part un bivouac à l’estanyet de la Conca Gelada, il n’est pas possible de le réaliser sur deux jours. On peut également réussir cet enchainement en partant du versant Sud depuis le pla de Bouet en Espagne.

Merci Yannick de m’avoir accompagné dans ce fabuleux secteur. Quelle journée, quelle belle journée !

 

La partie du tracé concernant les 6 sommets

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Tracé complet sur carte espagnole

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 9h10 pour 20 km à 2,6 km/h

Dénivelé positif total : 2235 m - Autant en négatif

Point culminant : 3143 m

 



13/08/2015
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