Périple aux deux pics de Coma Mitjana depuis Mantet
10/06/2017 : Mantet – vallon de Caret – Pic de l’Orry (2040m) – coll del Pal (2294m) – GR10 – Refuge de la Carança – Coma Mitjana – Refuge Matutano – Pic de Coma Mitjana (2732m) – Pic du haut de Coma Mitjana (2753m) – col de Coma Mitjana (2704m) – Pic du Géant (2881m) – col du Géant ( 260m) – Pic de la Dona (2702m) – porteille de Mantet (2412m) – GR10 – refuge de l’Alemany – Mantet
Je vous présente là une des crêtes les moins visitées des toutes celles que l’on peut trouver dans la haute vallée de Carança, je veux parler des sommets jumeaux de Coma Mitjana. D’où que l’on vienne par le Nord, l’approche est interminablement longue. Comme souvent dans les Pyrénées, il est plus direct de passer par le Sud. Dans notre situation géographique, un départ d’Espagne depuis la station de Vallter 2000 est le plus indiqué. Mais ces deux sommets étant intégralement en France, je trouvais logique de les aborder par le Nord. L’étude de la carte offre 3 départs possibles : Thuès-entre-Valls, Prats-Balaguer ou Mantet. Ce sera par le village de Mantet que je choisis d’aller à leur découverte. Ce point de départ bien qu’excentré mais haut, attenu le dénivelé car on débute la marche à 1580 mètres. Je n’ai trouvé aucun topo français, aucun site internet qui parle des deux sommets de Coma Mitjana. Seul le guide « Muntanyes de Nùria, Carançà i vall de Ter » par l’excellent Pako Sanchez y fait référence. J’ai alors imaginé un parcours exigeant, mais je l’ai voulu aussi élégant, en faisant la part belle aux diverses crêtes. Il ne reste plus qu’à le mettre en pratique à l’occasion d’une belle et longue journée, pour profiter au maximum de la lumière du jour. Aujourd’hui, jour d’anniversaire des 11 ans de mon petit Florent sera la bonne occasion.
Après une nuit pas triste au son des cloches des vaches au col routier de Mantet, je me mets en marche à 5h50. Il faut laisser la voiture au parking de l’entrée du village. Le sentier descend jusqu’au cours d’eau, le franchit par un passage à gué ou une passerelle, et laisser les balises du GR10, afin de descendre le torrent sur une centaine de mètres. Pour le réveil musculaire c’est idéal, je viens de perdre 140 mètres de dénivelé. On trouve après deux minutes, sur la gauche, le torrent de Caret. Entrer dans ce vallon caché et suivre alors la pseudo sente qui conduit au cortal de Corralots, entièrement en ruine.
Passerelle pour enjamber le Caret, 17 minutes après le départ
Cortal de Corralots, vestiges d’une agriculture de montagne révolue
Ici tout est à l’abandon, c’est à se demander qui a bien pu emprunter la sente très floue qui arrive jusque là. Il faut la suivre encore au milieu des orties, jusqu’à trouver une jasse à l’abandon. Cette fois il faut quitter l’axe du vallon et prendre pleine pente sur la droite.
La pente est très raide, la végétation luxuriante a envahi ce versant Sud. Il n’y a pas de meilleure solution que de grimper droit devant, méthode classique : cerveau dans bocal, bocal dans sac, azimut sanglier ! Et que c’est dur l’azimut sanglier ! J’ai la chance d’être encore à l’ombre, c’est déjà ça. Quelques coscolls viennent me redonner de l’énergie.
Coscoll sitôt cueilli, sitôt englouti
Pic de l’Orry, 2040 mètres, première cime du jour à 7h23. Que d’efforts pour s’offrir cette cime insignifiante, perdue dans un ensemble de sommets plus imposants. C’est un sommet appartenant à la réserve naturelle de Nyer, d’où il domine de plus de 700 mètres les gorges du Mantet. Le versant Nord est entièrement boisé ; les pins arrivent même jusqu’au point culminant. 5 minutes de pause et je repars vers le col 2018m tout proche. Je vais faire une rencontre étonnante avec un solitaire comme moi.
Cabane au niveau du col
Rencontre furtive mais appréciée
Pic de l'Orry sur fond de Canigou
Je prends pieds sur une croupe débonnaire. Il faut mettre le cap Sud/Ouest en forêt, afin de se rendre au col del Pal. A ma grande surprise, je trouve immédiatement un sentier parfaitement tracé et non balisé. Il faut remonter mais la pente est toute en douceur. Rapidement le col del Pal est rejoint après 2h21 ; il est 8h20. On y arrive par cet accès de niveau, ainsi il est moins impressionnant.
Le pic de l’Orry en contre bas s’éloigne vite
Col del Pal en vu, au loin le pic du Haut de Coma Mitjana
Gros plan sur le pic du Haut de Coma Mitjana
Pic de Coma Mitjana et pic de Racò Petit depuis le col del Pal
Panorama vers l'Ouest depuis le col del Pal
A présent, j’engage alors la descente en suivant les balises du GR10. Prendre directement en face, car dans ce sens, les balises rouges et blanches du GR ne sont pas visibles. On trouve rapidement une source, premier point d’eau du parcours. Suivre sans réfléchir le GR10.
Versant Nord du pic de Serre Gallinière
A l’approche du refuge du Ras de la Carança, il faut laisser la première combe sur la gauche, pour aller chercher la combe suivante toujours sur la gauche. Ça c’est la théorie, car il n’y a aucun point d’entrée visible, si bien que je vais aller jusqu’au refuge sans m’en rendre compte. Il est 9h29, et voilà 3h36 de marche. Je m’accorde 12 minutes de pause repas, j’ai besoin d’énergie. Je remonte donc les 70 mètres perdus, et au GPS je m’engage dans un sous bois de résineux, très sale et dense. Mode sanglier sauvage à nouveau. Je colle à la trace existante sur la carte IGN grâce au GPS, mais qui visiblement n’est pas à jour avec le terrain. Je vais perdre du temps à évoluer sur ce terrain instable, et comme par miracle après environ 500 mètres linéaires, je vais tomber sur le sentier. Je suis bien incapable de savoir d’où il arrive, mais il existe et il est précieux. C’est avec un grand soulagement que j’arrive à la petite prairie où se trouve la cabane Matutano, appartenant au PGHM. Impossible de l’utiliser elle est fermée à clef. Il est 10h37 et déjà 4h21 de marche.
En bas du vallon de la Coma Mitjana avec le pic Haut en point de mire
Cabane Matutano
La pente verte m'attend droit devant
Je vais faire à nouveau le plein d’eau au torrent de Coma Mitjana, et en avant pleine pente dans le gispet. C’est un mur vert de 210 mètres de haut. Cela me rappelle la montée en vélo du plateau de Beille en Ariège, les cyclistes comprendront. C’est une ode à l’endurance, c’est un hymne à la volonté. Il n’y a pas à réfléchir, il faut juste monter encore et encore. En prenant pied sur la crête, la pente s’assagit soudain, mais la fatigue m’interdit de suivre chaque point culminant. Je vais aller au plus direct, et à 11h52, après 5h18 de réels efforts, je me suis hissé sur le pic de Coma Mitjana, celui-là même que j’ai tant regardé avec curiosité depuis la crête Ouest qui lui fait face, il y a un an ( https://randoludo.blog4ever.com/les-pics-de-raco-petit-et-raco-gros-en-traversee-nordsud ). Je me sens très faible. Il est l’heure du repas. Mais pourquoi cette fatigue inhabituelle après un peu plus de 5 heures ? L’âge ? Certainement. La chaleur ? Peut-être. Mais la vérité viendra de l’altimètre : 1801 mètres de dénivelé positif cumulé. Voilà qui en dit long sur ce qui attend celui qui veut s’offrir ce belvédère sur les étangs de la Carança, de Coma Mitjana et de la Coma de l’Infern. Puisqu’il est l’heure, alors à table ! Le sommet est envahit de mouches, beurrrk.
Le sommet est tout au fond
Au sommet du pic de Coma Mitjana
Gros plan sur la face Nord du pic de l'Enfer
Etang de la Carança
La crête à suivre, au premier plan le pic Haut, au fond le pic de l'Enfer
Il reste encore beaucoup de chemin, je ne traine pas et remets la machine en action à 12h26. Il faut suivre la crête qui ondule jusqu’au sommet suivant. Cette crête ne présente aucune difficulté, juste vertigineuse mais jamais piégeuse. Un point bas, une petite côte d’un peu plus de 100 mètres et à 13h01 en 5h53 me voici sur le faîte du pic Haut de Coma Mitjana, culminant à 2753 mètres. Avec l’ascension de ce pic du Haut de Coma Mitjana, je termine ma connaissance des sommets majeurs Français (comprendre plus de 2700m), allant du massif du Canigou au sommet du Puigmal. Une vraie satisfaction, mais pas un aboutissement pour autant. Il y en a tant d’autres encore à découvrir par delà la frontière.
La crête suivit et le pic de Coma Mitjana déjà loin
Au sommet du pic du Haut de Coma Mitjana
Etang de la Coma Mitjana sous le pic du Géant
Initialement, j’avais imaginé poursuivre cette crête jusqu’au sommet du pic de l’Enfer, mais la météo s’est très vite dégradée, et je ne suis qu’à la moitié de ce périple. La solution est vite trouvée, un échappatoire facile dans le grand plat supérieur de la Coma Mitjana. On y trouve de nombreux névés alimentant la source du torrent. Nouveau point d’eau facile. Puis je vise le col de Coma Mitjana entre le pic de Fresers et le pic du Géant. Trouver son chemin dans ce pierrier n’a rien de complexe, et pour simplifier la chose, de nombreux cairns balisent cet accès. Etonnant itinéraire qui doit certainement être peu fréquenté.
Une fois sur la crête frontière, il n’y a plus qu’à la suivre cap à l’Est. La jambe gauche en France, la droite en Espagne, chevaucher cette crête est un vrai plaisir. Il est toujours impressionnant de comparer la géographie des deux versants, l’un tout en rondeur fait de verdure au Sud, et l’autre fracturé et recouvert de glaciers rocheux au Nord. Un résumé rapide des Pyrénées. Pic du Géant 14h06 en 6h47 pour 2203m de dénivelé. La fatigue semble m’avoir quitté, j’ai des ailes sous mes chaussures. Est-ce dû au brouillard ? Le sommet du pic du Géant ou Bastiments est plein d’Espagnols bruyants (pléonasme), mais celui-ci est suffisamment étendu pour y trouver un peu de quiétude. Je m’accorde une ultime pause entre les deux cimes. Le plus dur est fait pour moi, je connais parfaitement la suite.
Versant Sud Coma de Freser
Versant Nord
Sur la crête
Sommet Ouest du Géant
Sommet Est du Géant
Pour une fois, le mauvais temps vient d'Espagne
Malgré le brouillard qui enveloppe à présent la crête frontière, je sais que je ne peux pas me perdre. Sur ce surprenant altiplano je me sens chez moi. L’énergie est retrouvée, je vis pleinement cette boucle grandiose. Je franchis le pic de la Dona 15h15 en 7h45 dans le brouillard total ; je ne fais que passer. Plongée directe sur la Porteille de Mantet. Chose faite à 15h40 [8h09], il ne me reste plus qu’à descendre la jolie vallée de l’Alémany. Le soleil est de retour, la visibilité aussi. Cette charmante vallée est l’un des nombreux petits bijoux cachés des P.O.
Borne frontière à la porteille de Mantet
La vallée de l'Alemany d'où l'on voit le village de Mantet
Parterre de gentianes de Koch
Drapeau catalan végétal
Source du torrent Alemany, quatrième point d’eau du jour.
Au passage de la cabane de l’Alemany, toujours en très bon état, je retrouve les balises du GR10. Le sentier reste dans l’axe du vallon, pas de question à se poser. Au niveau du torrent le Mantet et son passage à gué, je referme cette longue boucle sauvage. Il ne reste plus qu’à remonter le village pour retrouver le point de départ. Chose faite à 17h33, après 9h56 de marche réelle pour un peu plus de 2400 mètres de dénivelé. Quelle sacrée journée mémorable ! Un proverbe chinois nous dit : « L’important n’est pas le but mais le chemin », aujourd’hui j’ai eu les deux.
Si c’était à refaire à la journée, l’idéal serait d’aller dormir au refuge de l’Alemany. Pour les moins endurants, c’est une boucle qui peut et doit se faire en deux journées, en faisant une halte nocturne au refuge du ras de la Carança. On peut aussi simplement suivre intégralement le GR10 sur la première journée. Malgré les crêtes, cet itinéraire présente l’avantage de ne jamais manquer d’eau.
Je dédie cette journée exceptionnelle à mon petit Florent. Puisse-t-il un jour lui aussi s’offrir des escapades sauvages comme celle-ci.
Tracé du jour sur carte IGN 1/25000
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 9h56 pour 32,4 km à 3,2 km/h
Dénivelé positif total : 2410m – Autant en négatif
Point culminant : 2881m
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