Pic de l’Enfer par la crête Nord/Ouest (PD sup)
30/05/2020 : bassin d’Aixeques – col Mitja (2367m) – Refuge de la Carança – Coma de l’Infern – Crête N/O – Pic de l’Enfer (2869m) – Pic de la Vaca (2821m) – Pic Supérieur de la Vaca (2826m) – Pic de la Fosse du Géant (2799m) – Col de Nou Fonts (2652m) – vallon de la Bailette – vallée de l’Orri – bassin d’Aixeques
Sommet majeur de la haute vallée de la Carança, le pic d’Enfer ou Infern pour les Catalans, se gravit toujours après une longue marche d’approche si l’on vient par le Nord. Ce sommet fait partie des 6 plus hauts des Pyrénées-Orientales. A ce titre, il mérite toute la considération de son rang. L’accès le plus direct consiste à partir de la station de ski de Vallter 2000, en Espagne versant Sud, ce qui lui vaut la visite de très nombreux Espagnols. Mais c’est un accès « presque » trop facile, à réserver pour une découverte plus générale des sommets voisins. L’approche par le sanctuaire de Nuria est nettement plus sportive. L’accès par le versant Nord Français peut se faire selon 3 départs possibles. Depuis Thués-entre-Valls par les gorges de la Carança, c’est le plus logique bien que très long, et plutôt réservé comme itinéraire estival. Depuis le village de Mantet via le col del Pal pour rejoindre le refuge du ras de la Carança. Et enfin depuis le village de Prats-Balaguer, via le col Mitja pour basculer dans la vallée de la Carança. C’est cet itinéraire que nous emprunterons. Le but final étant d’entrer dans la Coma de l’Infern afin de prendre pied sur la crête N/W, et de gravir ce fier sommet par une voie alpine.
Départ dés 6 heures du matin avec Yannick depuis le bassin d’Aixeques, direction le col Mitja. Nous suivons le GR10 à la fraiche. D’un bon pas, nous avalons les 720 mètres de dénivelé en 1h15 ; nous passons le col à 7h15. Sans plus attendre, poursuivre le sentier du GR et descente directe au refuge du ras de la Carança. Et voilà 520 mètres de perdu en 1h57. Il est 8h01, cette fois c’est la première pause « para desayunar ». Le refuge est très propre, intérieur comme extérieur. C’est un plaisir de passer dans ce secteur très fréquenté habituellement, sans croiser âme qui vive.
Genets purgatifs en pleine floraison
Col Mitja vu depuis la Jaça dels Collets
Vue depuis le col Mitja sur la coume de Bassibes
Refuge du Ras de la Carança et la vallée éponyme
Après 30 minutes de pause, nous repartons en direction de la haute vallée de la Carança. Nous devons remonter le cours d’eau, puis entrer sur notre gauche dans la coma de l’Infern. Le débit du torrent est réellement impressionnant. Le traverser va nous poser quelques problèmes. Une heure seulement après le refuge, nous quittons le sentier. Ne maitrisant pas assez ce secteur, et ayant oublié la carte IGN, je nous engage trop tôt dans le hors sentier. Nous allons perdre un temps considérable en évoluant sur l’imposant pierrier qui descend de la face Ouest du Pic de Coma Mitjana. L’entrée de ce vallon suspendu se trouve quasiment au niveau du grand étang de Carança. Nous entrons réellement dans la coma de l’Infern à 10h55, après 4h19. Cette erreur d’aiguillage nous aura fait perdre beaucoup d’énergie, et probablement plus d’une heure. Nous décidons de prendre un vrai repas, avant d’affronter la partie réellement technique du jour.
Les eaux limpides de la Carança
Vue sur le fond de vallée depuis les contres fort du pic de Coma Mitjana
L'arête du jour se dessine enfin
Estany de Carança et pic de la Vaca
Coma de l'Infern à l'heure du repas - pic de l'Enfer au fond
Nous sommes au point le plus bas de la crête Nord/Ouest. Nous entamons la montée à 11h30. Nous prenons pied sur la crête à 11h50 [4h35]. La première partie n’est que de la randonnée. C’est idéal pour retrouver le gout du vide, tout en observant les nombreux isards de part et d’autre de la crête. Nous voilà rendu au pied de l’arête après 5 heures d’une longue approche. Les puristes feront un bivouac afin de fractionner cette course en deux journées. Mais nous avons faim de longue marche, alors au diable le purisme. Ne sommes-nous pas sur le pic de l’Enfer ! On s’équipe, et avant pour une arête. Yannick passe en tête.
L'étang supérieur de la coma de l'Infern
Vue sur la partie la plus technique de l'arête
L'arête se dessine de plus en plus
Cette première partie s’élève doucement entre quelques dièdres et dalles. On trouve les meilleurs passages sur le fil. Bien que l’arête soit très aérienne, l’impression de vide n’est pas omni présente. Nous avançons en corde tendue. Le rocher est plutôt bon, et les difficultés ne dépassent pas le III. Le plaisir de retrouver le rocher est bien là.
Yannick au départ de l'arête
Vue de dos sur le premier éperon
La même chose vue de haut
Sur le fil, "Encordé mais libre", Patrick Berhault
En cours d’évolution, changement en tête, je passe devant. Le niveau de difficulté est semblable au précédent. Les prises sont bonnes. Le vide sur notre gauche prend à présent des proportions abyssales, mais la vue moins verticale sur la droite, suffit à annuler la sensation de vertige. La crête descend légèrement jusqu’à aboutir à la sortie d’un couloir encore en neige. Puis la crête s’élève à nouveau jusqu’à la cime. Suivre exactement le fil. Quelques passages en III, puis pour finir dans du II sup, nous conduisent directement sur le sommet. La cime est gravie à 13h55 [6h27].
Seconde partie, passer légèrement sur la droite et reprendre aussitôt le fil
Vue plongeante sur la coume de l'Infern
Le sommet n'est plus très loin
Dernière dalle, dernière difficulté
Il ne reste plus qu’à profiter de l’une des vues les plus belles de ce coin de Pyrénées. Ici le combat de la glace sur la roche, a façonné des vallées glaciaires, et laissé quelques jolis lacs. Fait rare pour être souligné, la météo se dégrade versant Sud. Qu’importe, le paysage le plus fascinant se trouve au Nord. Nous prenons sur place le second repas, en compagnie de 3 jeunes hommes français. Aucun espagnol, c’est tout simplement exceptionnel. Savourons le calme d’une cime apaisée !
L'arête parcourue et étangs supérieurs de la coume de l'Infern
Vue sur la partie supérieure de la vallée de Carança et la crête frontière à gauche
Pic de l'Enfer 2869 mètres de plaisir
Etang Noir encore sous la glace
La météo s’est vite dégradée en moins d’une heure. Nous nous trouvons au point le plus éloigné de la journée, plus une minute à perdre. 14h44, une heure où d’ordinaire il faudrait être à la voiture, nous quittons l’Enfer ! Il suffit à présent de suivre la crête frontière en mettant le cap à l’Ouest. Les ondulations de la crête à plus de 2800 mètres sont un vrai plaisir. On peut rapidement dérouler les kilomètres. Nous passons sur le pic de la Vaca après 7h27, et l’orientation dans le brouillard se gâte.
Vue en arrière sur le Pic de l'Enfer
L'arête parcourue vue depuis le Pic de la Vaca
Le retour doit se faire par la vallée de l’Orri par la Bailette. Il ne faut pas basculer trop tôt en versant Nord sous peine de « tomber » dans la vallée de la Carança. De toute façon, de gros névés gelés interdisent tout accès non cramponnés. Nous jouons la carte de la sécurité jusqu’au col de Nou Fonts. Là, la visibilité nous laisse le choix entre le col d’en Bernat ou la source de la Bailette ; nous choisissons la seconde option. Nous basculons dans le planell de Nou Fonts. Nous passons à la source de la Bailette après 8h15, à 16h38 précisément. Le débit d’eau qui jaillit du sol est démentiel, telle une canalisation d’eau cassée.
Passage à suivre depuis le col de Nou Founts
La suite de l’itinéraire est balisée de cairns. Il ne reste plus qu’à se laisser guider. Les heures tournent et toujours pas de pluie, la chance nous accompagne. La confluence du torrent de la Bailette avec celui descendant de l’Estanyol, formant ainsi le torrent de la Riberola, est un bouillonnement d’eau pure. Le traverser à cette époque de l’année sans se mouiller, est un vrai défi. Une fois sur le bon sentier de la vallée, tout s’accélère. Nous en refermons cette fantastique boucle à 18h54, après 10h22. La montagne nous aura offert une journée d’une telle richesse qu’il est difficile d’en faire une liste exhaustive. La faune d’abord, avec de nombreuses biches sur la route, puis des isards par dizaines, et les marmottes craintives ; les airs ensuite avec un gypaète barbu, suivra un couple d’aigles, puis les immanquables vautours, et pour être complet les acrobatiques chocards. Des lacs ensuite, en eau ou encore sous la glace, chacun a son charme ; du soleil brulant au froid vif du brouillard, la météo aura joué sur toute la gamme des sensations. Deux belles vallées et une arête d’initiation esthétique et minérale à souhait. Je crois que ça ce sent, je suis un fan éternel de ces montagnes catalanes.
Cascade de la Bailette
Tracé du jour sur carte :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 10h22 pour 26 km à 2,5 km/h
Temps pour faire l’arête : 1h27
Dénivelé positif total : 1960 m – Autant en négatif
Point culminant : 2869m
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