Pic du Canigou par la voie CAN-I-GO (AD sup)
10/10/2015 – Jour 1 : Parking de Mariailles (1718m) – col Vert (1861m) – Refuge Arago (2123m) – Gourgs de Cady
C’est l’un des derniers week-ends automnaux où les voies estivales sont encore praticables avant l’arrivée de la neige. Je pars à la découverte d’une nouvelle voie sur la face Est du Canigou. Les voies sont si difficiles pour mon niveau sur cette face que je profite enfin d’une voie à ma portée qui vient d’être ouverte. Tout comme moi, Nico va découvrir cette ligne pas encore intégralement équipée.
Nous partons du parking de Mariailles à 14h40 sur le sentier du GR10 tout coloré par les couleurs de l’automne.
Pic des Sept Hommes
Nous passons au col Vert en 35 minutes et sans marquer de pause, nous poursuivons notre approche.
Quazémi de Dalt
Nous traversons le torrent du Cady après 1h04 et l’on poursuit notre marche jusqu’à la cabane Arago. Nous y parvenons après 1h26 ; elle sera occupée et pleine pour ce soir (seulement 4 places), mais nous avions prévu cela en emportant une tente. Après une courte pause, nous prenons alors la direction du plat de Cady où l’on quitte l’itinéraire allant sur la porteille de Valmanya, pour dévier notre marche sur la droite jusqu’à trouver le premier étang du Cady. C’est sur cette berge que l’on va poser notre campement et passer la nuit. Il est 17h lorsque nous y parvenons en 2 heures de marche.
Le cadre est idéal pour un bivouac et l’absence de Tramontane rend l’endroit encore plus paisible. Sous la face Ouest du Puig Sec, face à la haute vallée du Cady, on regarde tomber la nuit sur les hauts sommets du Capcir, avant de se mettre au chaud dans nos couchages.
La face Sud du Canigou se mire dans le gourg du Cady
Le bivouac sous le Puig Sec
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 2h00 pour 6,8 km à 3,4 km/h
Dénivelé positif total : 607m – Dénivelé négatif total : 58m
Point culminant : 2282m
11/10/2015 – Jour 2 : – Gourgs de Cady – Brèche Durier – cirque glaciaire – voie Can-i-Go – Pic du Canigou – Cheminée – Plat du Cady – Refuge Arago – parking de Mariailles
Réveil à 5h30, la nuit a été bonne. Départ à la frontale à 6h30, le fond de l’air est bien frais, entre 0° et 5°C. On rattrape rapidement le sentier allant à la porteille, et l’on profite du passage à la fontaine de Font Nostra pour faire le plein d’eau pour la journée. On avale quelques lacets et il est 7h23 quand nous arrivons à la brèche Durier. Cette courte approche de 48 minutes nous aura bien réchauffés. C’est par la brèche que nous allons changer de versant, et pour descendre on va faire un rappel. Il y a sur le mur de droite le nécessaire pour poser le rappel. Je me lance le premier pour un rappel de 50 mètres. Le départ est totalement vertical, puis arrive aussitôt le bloc coincé. Il est vraiment haut par rapport au sol, impossible de le passer sans corde. Tout s’écroule sous mes pieds. Ça parpine de partout, chaque pas fait dégringoler des dizaines de kilos de roche dans le couloir. Un bloc se détache et heurte mon tibia droit avant qu’il n’ait eu pris de la vitesse ; le choc est douloureux mais supportable. Puis le parpaing prend de la vitesse et va frapper ma corde jusqu’à la sectionner ! L’ambiance dans la brèche est vraiment sinistre. Quel contraste avec l’ambiance hivernale que l’on connait en janvier.
La brèche vu d'en haut
La brèche vu d'en bas
Nicolas au bloc coincé
Je me sécurise loin de l’axe du couloir et je donne le signal à Nico pour qu’il me rejoigne. Son rappel est propre, normal j’avais dégagé le terrain ! Puis l’on finit de descendre cette pente croulante en gardant nos distances. Je ne connais rien de plus dangereux que ce bout de pente en roche instable. On longe ensuite le pied de la face Est pour trouver le pied de la voie Can-I-Go bien au fond à droite. Nous la trouvons facilement alors qu’il est déjà 8h45.
Le glacier rocheux et l'estagnol
Isard sur le glacier rocheux
Juste le temps de s’équiper, de changer nos grosses chaussures par des chaussons, et à 9h05 Nico se lance sur le rocher. Nous sommes encore à l’ombre, le froid nous mord les doigts. Cette première longueur n’est pas trop technique, juste ce qu’il faut pour bien commencer.
Départ de L1
La longueur suivante a un passage un peu plus relevé, mais ça passe sans difficulté, d’autant qu’au relais, nous avons rendez-vous avec le soleil.
Toujours L1 vu d'en haut
Les deux longueurs suivantes passent sur des dalles inclinées où l’on n’a jamais la sensation de vide. C’est un régal.
L'Estagnol des Cortalets dans notre dos
A partir de là, la suite est plus confuse. On ne trouve pas la suite des plaquettes, c’est plus de la randonnée dans des rampes de gispet que de l’escalade. Nico trouve le relais après un passage bien plus technique que tout ce que nous avons passé jusqu’à présent. Et pour le final il n’y a plus rien. On cherche entre les stalactites de glace où se trouverait la prochaine longueur, mais il n’y a que gispet et dalles.
Alors, par dépit et poussés par la fatigue, nous passons en corde tendue jusqu’à la première sortie possible sur l’arête de la face. Il est 12h15. On surplombe le sentier venant du refuge des Cortalets. Le sommet est proche, plein de monde. On quitte les chaussons, et sans plus attendre on rattrape le sentier puis l’on atteint le sommet du Canigou à 12h27. Quelle foule en ce jour, quelle agitation et quel contraste avec notre approche solitaire par la face Est.
La cheminée crache un flot ininterrompu de marcheurs sur le sommet. Quand cela va-t-il s’arrêter ? Combien sommes-nous déjà au sommet ? Il en arrive autant par la voie des Cortalets. Impossible de se rapprocher de la croix, c’est Disneyland à 2784 mètres. Et je n’ai pas encore tout vu. Sur plus de 200 personnes, 90% sont des Espagnols, comme partout dans les Pyrénées d’ailleurs. N’ont-ils pas assez de sommets sur leur versant ? Je suis las de cette invasion bruyante et indisciplinée, vivement l’hiver pour que le Canigou retrouve son calme.
Nous quittons la cime à 13h05 et c’est la queue pour s’engager dans la cheminée. Il y a un couple de Français qui patiente depuis plus de 20 minutes. Nous n’allons pas attendre autant de temps qu’eux et nous forçons le passage. On trouve une espagnole totalement tétanisée par la peur qui se fait guider et conseiller pour descendre en désescalade un escalier. Quand je disais que je n’avais pas tout vu !
Le gendarme garde toujours le haut de la cheminée
Le plat de Cady vu depuis la cheminée
On quitte bien vite la cheminée pour prendre la direction de notre campement. Le cortège de prétendants au sommet ne faiblit pas, et dans cette foule on va croiser un père et son jeune garçon avec un bras dans le plâtre qui s’apprête à s’engager dans la cheminée. On atteint ici le comble de l’insécurité ! On se met des œillères et on plonge vers notre tente, en prenant l’itinéraire le plus court. Nous arrivons au bord de l’étang à 13h55 sous un soleil de plomb. Quel contraste avec notre départ nocturne ! Le temps de tout rassembler et nous prenons le chemin du retour à 14h25.
Dernier regard dans notre dos
Depuis l’étang il n’est pas utile de revenir sur le sentier, il suffit de prendre à travers les genets les sentiers de vaches et cela amène pratiquement au niveau de la cabane Arago. Cette fois nous sommes sur le sentier, long, long, bien long qui va nous conduire à notre point de départ. Malgré quelques raccourcis de-ci de-là permettant de couper quelques lacets, cela parait interminable. A 16h nous arrivons au parking de Mariailles, terminant ainsi une journée de 6h50 ponctuée de marche, et d’escalade.
On regrette que la voie ne soit pas équipée totalement jusqu’à la sortie, mais elle a le mérite d’exister pour effectuer une première découverte dans cette difficile face Est. Il n’y a jamais de sensation de vide, ce qui rend moins stressante la progression.
Carte IGN de la partie entre le camp et la voie
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 6h50 pour 12,5 km à 3,2 km/h
Dénivelé positif total : 679m – Dénivelé négatif total : 1244m
Point culminant : 2784m
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