Pic du Canigou en hivernale à la journée par la brèche Durier (AD inf) (2022)
29/01/2022 : Los Masos de Valmanya – Bois de Patriques – ras del Prat Cabrera – refuge des Cortalets – cirque glaciaire – brèche Durier - Cheminée – Pic du Canigou (2784m) – refuge des Cortalets – ras del Prat Cabrera – GR10 – Abri du Pinatell – Los Masos de Valmanya
Tel un pôle magnétique, le Canigou attire irrésistiblement les marcheurs vers sa cime, par tous ces itinéraires, en toutes saisons. Classique catalan de l’alpinisme hivernal, la brèche Durier au Canigou est devenue un incontournable. Après une année blanche pour moi sur ce sommet, je compte effacer cette absence par une belle journée d’hiver. En ces temps perturbés où il faut se méfier de tout et de tous, je décide donc de tenter cette ascension à la journée, en évitant la traditionnelle veillée au vétuste refuge hivernal des Cortalets. Dans cette entreprise improbable, mes deux vaillants camarades Joël et Sébastien se joignent à moi. Départ 2h30 pétantes depuis Los Masos de Valmanya. Il fait 8°C au moment où l’on se met en marche, une température excessivement élevée pour la saison. La prise de dénivelé ne tarde pas à nous faire transpirer à grosses gouttes. Mais la prise de hauteur se fait efficacement, dans des bois de Patriques lavés de neige. Nous arrivons sans efforts excessifs sur la piste du Llech. Là encore, la neige n’est pas bien abondante, en tout cas, cela ne nécessite pas l’usage de raquettes ou de skis, pas plus que celui des crampons ; c’est du jamais vu pour moi en 25 ans que je parcours ce massif en hiver. La neige est dure ça passe très bien, et dans le calme de cette belle nuit, nous arrivons à 5h30, soit en 3 heures, au refuge des Cortalets. Voilà 1100 mètres de dénivelé effacés.
Scintillements de la plaine du Roussillon
Pause desayuno indispensable avant de poursuivre. Nous chaussons les crampons et nous repartons à 6h07. Suivre le sentier jusqu’à l’estagnol, puis traverser les clots dels l’Estagnol. La neige est de très bonne qualité, l’approche vers la brèche Durier s’en trouve grandement facilitée. Mais l’heure avance, à présent c’est un défi contre le froid et le sommeil. Il faut être attentif aux diverses bosses pour lisser au mieux la prise de dénivelé. Le jour pointe déjà les premières lueurs lorsque nous nous présentons au pied de la brèche à 7h34. C’est donc une approche de 4h27 ; quand on aime, on ne compte pas.
Brèche Durier
Le jour se lève à pas de velours
Les conditions du jour sont exceptionnellement parfaites. La neige est dure comme on en rêve toujours. Il ne reste alors qu’à s’élever dans le couloir jusqu’au bloc coincé. Avec de telles conditions, c’est une formalité. Le bloc est même absent, et la partie mixte visible depuis le bas n’est autre que la sortie de la brèche. Une formalité avalée avant même d’avoir commencé à transpirer. Et une fois hors du couloir, un flot de lumière d’or nous saute au visage. Cette lumière est unique, nous sommes bénis. Par contre impossible de trainer, le vent du sud apporte un froid polaire.
La sortie est déjà visible
Sébastien en sortant dans le mixte
L'arête Quazémi colorée d'or très photogénique
Le pic et la cheminée en neige
La traversée pour se rendre au pied de la cheminée se passe sur une fine pellicule de neige glacée. La neige travaillée par le vent a une dureté incroyable. La cheminée nous attend, bien verticale, nettement plus agréable qu’en version été. Nous profitons pleinement de ces instants rares où tout semble facile en apparence, dans un décor d’exception. Le sommet est atteint à 8h47 après 5h27 d’ascension. Toutes les conditions étaient réunies pour accomplir cette ascension sans faux pas. Nous venons de concrétiser un petit rêve, celui de gravir le Canigou à la journée par une belle course alpine hivernale.
La dentelle de Quazémi sous un autre angle
Le gardien de la cheminée à gauche
Bonne ambiance dans la cheminée
C'est notre test PCR Purée C'est Raide !
Les ultimes marches avant la cime
Ce cadeau, on ne nous le prendra pas. C’est la 34ième fois que touche cette célèbre croix. Alors profitons de la vue et la lumière du jour. Pourtant le vent glacial de l’hiver souffle à cette altitude. Le nez est en souffrance, mais l’euphorie du moment fait fi de la morsure du froid. Un tour d’horizon et quelques clichés s’imposent.
Vue vers le Sud
La mer prend feu vers la baie de Rosas
Des connaissances vers le Capcir
Secteur Vallter 2000 les faces Nord sont sèches à pleurer
Gros plan sur le Costabonne
Vue sur le pic Carlit plein centre
L'ombre du Canigou sur le Conflent
Massif du Madres à gauche, pic de Dourmidou à droite
Nous ne sommes qu’à la moitié de la course, et chacun sait que la descente est toujours un moment à ne pas négliger. Il est 9h10 lorsque nous basculons sur l’arête de la perdrix. Les premiers pas se font sur le fil de l’arête mais rapidement il faut s’engager dans la face Ouest. La neige est totalement en glace, desescalade obligatoire avec les doubles piolets tractions. Puis il est facile de rattraper le sentier d’été jusqu’au col 2461m avant de basculer directement vers l’estagnol. Nous voici de retour au refuge des Cortalets à 10h46 [7h02]. Repas en terrasse face à la majestueuse face Est, pass vaccinal non obligatoire.
L'arête à descendre
Désescalade dans la face Ouest
Estagnol et refuge des Cortalets
Comme tous les bons moments ont une fin, nous quittons la place à 11h40 pour un retour par la traditionnelle piste. Nous croisons une connaissance qui va passer la soirée au refuge et faire la brèche le lendemain. La voie est toute tracée. Nous passons au ras de Prat Cabrera à 13h10 après 8h12. Pour varier le retour et faire durer le plaisir du moment, nous ferons un détour par l’abri du Pinatell.
Vue sur la Serra del Roc Négre depuis ras del Prat Cabrera
En versant Sud la chaleur est vite insupportable, même à cette altitude. Le sentier en balcon est agréable mais par endroit piégeux, prudence donc. Ce sentier rallonge le retour mais offre des vues uniques sur le cirque de la Lentilla dominé par le Puig Sec. Passage au refuge du Pinatell à 14h30, après 9h25. Plongée directe pour finir au parking à 15h36 après une journée exceptionnelle de 10h27.
Passage du ravin Prat del Prior
Merci les copains pour m’avoir suivi dans la montagne qui nous a vus naître. Ne nous y trompons pas, même si ce type de course demande de l’expérience, cela n’a rien à voir avec les conditions des hivers des années 80, où ce genre d’entreprise n’était réservé qu’à une élite. Le climat n’étant plus ce qu’il était, cela ouvre des ambitions à presque « tout le monde ». A la vitesse où va le réchauffement général, dans 20 ans, ce type de course ne sera plus possible.
Trace du jour :
La journée en chiffres :
Dénivelé positif total : 1751 m – Autant en négatif
Temps de marche 10h27 pour 27,6 km à 2,6 km/h
5h27 pour atteindre le sommet, 2h27 depuis le refuge
Point culminant 2784m
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