Pic de Mil-Menut – Couloir de l'Astronaute (PD sup)
04/05/2019 – Jour 1 : barrage la Riète – pont du Pas de la Crabe – cabane de Quioulès – coume de Seignac – cabane de Bela
Pour gravir des couloirs cette saison, il faut avoir envie de faire un peu de distance, et surtout être opportuniste. L’Ariège n’a pas révélé tout son potentiel en alpinisme hivernal, d’autant que l’hiver n’a pas encore cédé la place au printemps. Dans l’Aston, il y a une multitude de hauts sommets frontaliers qui ne demandent qu’à être visités. Nous reformons l’équipe du « Faustin », Jean-Marie en moins, et malgré une météo incertaine, nous forçons la chance. Quand nous prenons le départ à 11h15, le ciel finit sa purge matinale et nous gratifie de quelques gouttes.
Nous nous garons au niveau du barrage de la Riète. Le sentier se trouve en amont de la retenue d’eau ; un pont permet immédiatement de passer rive gauche orographique du ruisseau de Quioulès. Remonter alors le cours d’eau par un bon sentier, quelque peu encombré par des roches glissantes. Il faut dire que l’eau coule de toute part, et principalement sur le sentier. Après 52 minutes, le sentier change de rive par le pont du Pas de la Crabe, où il n’y a qu’à poursuivre la remontée. Nous faisons la halte repas à 12h52, à la sortie de la forêt, après 1h33. Le temps reste sec, malgré de gros nuages sur toutes les cimes.
Retenue d'eau de la Riète
Ambiance toujours humide en Ariège
En sortant de la forêt, contrefort du pic de Riet
Très beau parterre de Narcisses
L’itinéraire du jour doit nous conduire à la cabane de Bela où nous devons passer la nuit. Nous reprenons notre cheminement à 13h38. Le sentier est à présent matérialisé par des cairns et nous mène à la cabane de Quioulès en 2h08 [14h12].
Cabane de Quioulès
Pour aller dans la coume de Seignac, il faut suivre la rive droite du ruisseau de Quioulès, cap au Sud. 15 minutes après la cabane de Quioulès, on trouve une passerelle qui permet de franchir le ruisseau de la coume de Seignac, et l’on trouve aussitôt un bon sentier. Après une courte pente raide, on arrive sur une prairie où se trouve la cabane de Bela. Il est 15 heures, fin de cette petite journée d’approche qui n’aura demandé que 2h48.
Passerelle enjambant le ruisseau de la coume de Seignac
Jasse de Bela
Nous prenons place dans ce palace de moins de 6 m², faisons une courte sieste, et partons faire du repérage pour le lendemain. Le ciel tarde à se dégager pour laisser apparaitre la paroi Nord du pic Mil-Menut. Retour rapide et repas pris à l’extérieur de la cabane, nous nous couchons à 20 heures pour emmagasiner le plus de repos possible.
Cabane de Bela
Intérieur minimaliste mais bien isolé
Première vue sur le couloir que l'on devine
Tracé du jour
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 2h48 pour 8,5 km à 3,1 km/h
Dénivelé positif total : 758m – Dénivelé négatif total : 45m
Point culminant : 1788m
05/05/2019 – Jour 2 : cabane de Bela – goulotte des Catalans – crête frontière – cabane de Bela – cabane de Quioulès – barrage de Riète
Après une nuit où mes partenaires ont ronflé à tout rompre, et moi à compter les heures du cadran, nous mettons le nez hors des plumes à 5 heures. Comme annoncé par les prévisions météo, le vent c’est levé durant la nuit, et 5 centimètres de neige fraiche recouvrent les abords de la cabane. Le ciel n’est pas encore totalement dégagé de nuages quand nous nous mettons en marche à 6h20. Le froid est déjà bien mordant, -5°C. Il faut remonter la coume de Seignac, jusqu’à ce que cette dernière oblique vers l’Ouest. On se trouve précisément sous la face Nord/Ouest du pic Mil-Menut. Il s’agit alors de remonter une bonne rampe jusqu’à trouver une dépression. On accède ainsi au pied du couloir. Il est 8h20, l’approche est de 1h53.
Le couloir fin octobre tel que je l'avais découvert
Le couloir tel qu'il se présente à nous en ce jour
Il ne manque que le vent pour apprécier le froid à cet instant
Le couloir est invisible mais on distingue la sortie
Col de l'Homme Mort, au Nord du pic de Mil Menut
Pic de la Coume de Seignac face Est
Le vent souffle très fort, il nous offre un ciel bleu inespéré, mais au prix d’un froid intense. L’entrée du couloir est seulement visible par des coulées d’avalanches qui en émanent, et une rupture de plaque. Que nous réserve la suite ? Il faut s’équiper intégralement et ne laisser aucun bout de peau à la morsure du froid ; masque obligatoire. A 8h46 on s’engage vers l’inconnu. La traversée du cône de déjection, totalement obstruée par les résidus d’avalanche, est un moment fort désagréable, car la neige n’a aucune cohésion. Chaque pas s’enfonce jusqu’à plus de 30 centimètres. On s’engage alors dans le couloir où le vent du Nord nous attend pour mettre à l’épreuve notre volonté. L’effet Venturi fonctionne à plein régime, la neige arrachée tourbillonne de toute part. Le couloir ne présente pas de difficulté technique dans la première partie visible, alors nous poursuivons. Nous ne sommes pas trop de trois à nous relayer pour faire une trace. La neige n’est absolument pas transformée.
L'entrée très large du couloir
La rupture de plaque est haute de plus de 1,50m
De dos la vue s'ouvre
Gros plan sur le pic de Thoumasset
La partie déjà gravie avec le torrent qui serpente sous le pic de l'Estagnol
C’est toujours plaisant de découvrir un couloir, d’autant que ce dernier se dévoile au fur et à mesure que l’on prend de la hauteur. Il tourne légèrement sur la gauche, puis revient à droite. Quoique soutenue, la pente n’est jamais extrême. Mais impossible de trainer, car un écoulement constant de neige fine coule sous nos pas. Le vent est d’une rare violence ; nous n’avons jamais connu un tel froid durant tout l’hiver. Les conditions climatiques sont dantesques. Le seul point positif est d’avoir le vent le plus souvent dans le dos. Mon thermomètre affiche -12°C, et avec l’effet windchill par vent à 60 km/h, le ressenti est de -25°C. C’est trop, Yannick fait une hypoglycémie. Le plus sportif de tous est à terre ! Nous voilà bien à présent !!! Pourtant pas l’un de nous ne regrette d’être là, et même si le vent est un compagnon de trop, la montagne nous gratifie d’un décor de cinéma. La sortie est proche, Joël assure la trace, je seconde le petit frère pour le remettre sur pied, et nous sortons du couloir à 10h36, pour 3h37 d'ascension. Soudain les rayons du soleil et ça change tout, la vie revient.
Le couloir tourne sur la gauche
La sortie du couloir vue de dos
Le couloir débouche sur la crête franco-andorrane. La chaleur arrive vite et en faisant quelques pas vers le Sud, nous sommes même sous le vent. On se pose pour admirer la vue étendue sur les montagnes de la principauté. Le pic de Mil-Menut se trouve plus à l'Est sur notre gauche, précisément où se dresse un gros bastion rocheux, battu par le vent rageur. En temps normal, ce serait un bon exercice de mixte, mais avec les rafales incessantes, il faut se résoudre à changer de direction. Le partie droite est nettement plus accueillante, c’est par ici que nous chercherons l’itinéraire du retour. Yannick reprend des forces, nous poursuivons vers l’Ouest.
Sur la gauche de la sortie, ce bastion rocheux mène au sommet du pic de Mil-Menut
Vue étendue vers le Sud sur les montagnes d'Andorre
Vue vers l'Est, sommet du Mil-Menut au second plan
Sans difficulté technique, mais secoués par le vent, nous avançons sur la crête jusqu’à s’engager dans la première pente blanche. En quelques pas, nous sommes à l’abri du vent et la perte de dénivelé est rapide. Il y a quelques barres rocheuses à éviter dans la partie basse de la face, mais ça passe partout. Nous retrouvons le plancher du vallon, où nous allons chausser pour la première fois du week-end les raquettes. Puis nous partons d’une traite jusqu’au refuge pour y prendre le repas. A 13h18, après une matinée de 5h36 de marche, nous pouvons enfin nous restaurer à l’abri, tout relatif, du vent.
Pic de Serrere au fond, ce n'est pas floue c'est juste la neige qui vole
Le plancher de la coume de Seignac
L'imposante face Ouest du Mil-Menut
Gros plan sur la face Est du pic de la coume de Seignac
Dernier regard sur notre couloir
Le torrent est partiellement glacé
A l'heure du repas, les conditions météo sont plus clémentes
A 14h14, nous repartons par le même itinéraire de la veille. Le sentier en forêt est particulièrement glissant et ne permet pas de faire un retour rapide, d’autant qu’il est en plus encombré de rochers de toutes tailles. Le vent froid ne nous aura pas totalement quittés, mais nous aura offert un ciel bleu très pur. Fin de la journée à 16h25, après 7h45 de réels efforts. Nous sommes heureux et fiers d’avoir réalisé ce couloir totalement inconnu, et dans de telles conditions. Après infos, ce couloir avait un nom étrange pour un tel endroit. Merci à Yannick et à Joël pour m’avoir secondé dans cette entreprise un peu folle.
Descente vers la jasse de Quioulès
Tracé de la cabane au couloir
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 7h45 pour 18,1 km à 2,3 km/h
Temps pour faire le couloir : 1h44 – longueur du couloir : 270m
Dénivelé positif total : 1041m – Dénivelé négatif total : 1779m
Point culminant : 2747m
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