Pic Péric par le couloir parallèle Nord (PD+)
10/03/2018 : station de Formiguères – Serra de Mauri (2428m) – Etangs des Camporells – couloir Nord – Pic Péric (2810m) – Petit Péric (2690m) – retour par le couloir du Patou – refuge des Camporells – Serra de Mauri – station de Formiguères
Le Capcir, paradis blanc et glacial des Pyrénées-Orientales, offre des paysages somptueux dans son manteau hivernal. Du blanc à l’infini où dorment de nombreux étangs, formant des étendues horizontales, s’opposant ainsi à la verticalité des cimes qui les dominent. Un an jour pour jour après avoir gravi le Petit Péric par une goulotte de glace, c’est vers le grand Péric que je vais me diriger cette fois. Et une nouvelle fois, mon fidèle Yannick m’accompagne dans ce périple hivernal. Départ à 7h35 de la station de ski de Formiguères, raquettes aux pieds. Il est possible d’utiliser les télésièges de la station pour 8€ en 2017, permettant de se hisser sans effort sur la Serra de Mauri. Nous allons remonter à pied le télésiège. La station de ski dort encore.
En haut du télésiège, il suffit de suivre la piste bleue jusqu’à quitter la station de ski.
Sur notre gauche le pic du Pam
Dans notre dos, grosse nappe grise sur le massif du Madres
Un vent puissant s’invite et apporte avec lui un froid piquant. Ce vent va déplacer de gros nuages du Sud et masquer le bleu du ciel. Mais je citerai William Arthur Ward : « Une journée nuageuse ne peut rien contre un tempérament radieux ». Nous parvenons au bout de la Serra de Mauri à 9h15, en 1h40. Il faut à présent descendre vers les étangs des Camporells pour aller chercher le pied de la face Nord du pic Péric. Un gros rapace traverse notre ciel : un gypaète. Que celui qui n’a jamais vu ce bel oiseau visite nos montagnes. On le croise à chacune de nos sorties.
Sur la Serra de Mauri
Sur notre droite les sommets dominant la vallée du Galbe, face sèche du pic de Baxouillade
Puig del pla d'en Bernat
Site des Camporells
Gros plan sur le couloir parallèle Nord
Descente sans difficulté au travers des pins à crochets. Puis il faut louvoyer, entre dépressions et congères jusqu’à atteindre le pied du couloir. Le vent a forci, le froid n’en est que plus mordant. Il nous aura quand même fallu 1h10 depuis la Serra de Mauri. Il est 10h32 et pratiquement 3 heures d’approche [2h50], quand nous nous présentons au pied du couloir. Il faut être vaillant ou jeune, ou les deux à fois, pour tenter de tels couloirs dans ce secteur. Il est temps de reprendre des forces et s’équiper en matériel technique.
Le Petit Péric est impressionnant vu d'ici, le Pic Péric encore bien loin
Le couloir parallèle Nord
Gros plan sur la goulotte de sortie
11h10 on s’engage pour les 310 mètres du couloir. Particularité de ce couloir : le cône de déjection est très long. On laisse sur notre gauche l’entrée du couloir Nord et il faut remonter plus à droite jusqu’à la face rocheuse. Sans être gelée, la neige porte plutôt bien. Et nous sommes à présent à l’abri total du vent. Il n’y a aucune difficulté technique, mais c’est plaisant de ne jamais se sentir en danger. Pourtant des blocs de glace gros comme le poing tombent en permanence, nous heurtant tantôt au genou, tantôt sur la main. Il fait presque trop chaud pour décrocher ainsi ces gros glaçons.
Dans l'axe du couloir
La sortie se rapproche
La goulotte de sortie que nous emprunterons se trouve immédiatement à droite au croisement
Nous quittons l’axe principal du couloir, afin d’aller chercher une variante de sortie. L’ultime goulet de sortie est la partie la plus spectaculaire. Nous pouvons parler d’une ode à la verticalité. C’est aussi la partie qui ne voit pratiquement pas le soleil, donc la neige n’est pas transformée. C’est profond et sans consistance. Pour se hisser dans ce sucre en poudre, il faut une grosse dose de volonté et beaucoup d’abnégation. C’est certes très court, à peine plus de 10 mètres, mais la neige ne m’aide pas. Heureusement que la sortie s’infléchit un peu, et n’oppose aucune corniche. Je pose le pied sur l’arête à 12h26. Il n’y a pas plus gratifiant que d’avoir fait sa trace de bout en bout dans un couloir vierge. Le top ! Par contre pour le panorama, il faudra patienter !
Large vue sur notre gauche
Ode à la verticalité
Survient alors sur notre gauche à la sortie, un mur de roches glacées, un véritable obstacle. Haut d’à peine plus de 2 mètres, ce bout d’arête nous barre l’accès au sommet. En conditions sèches, ce ne serait même pas un sujet, mais aujourd’hui l’engagement est total. C’est le point clé de notre couloir. Ce passage n’existe pas pour celui qui ne prendrait pas la variante de sortie. Pour être en condition de sécurité maximale, il faudrait une corde et des broches à glace que nous n’avons pas. Donc prudence et maitrise de soi seront nos arguments à opposer à cet obstacle. Je passe à nouveau en tête et efface la difficulté. Un bon ancrage des piolets est indispensable. Yannick à son tour franchira le pas, soulagé d’en finir avec « ces conneries ». A nous enfin la plénitude d’une crête débonnaire et d’un sommet vide de tout bipède.
L'obstacle à ne pas sous estimer
12h40, après 4h20, sommet du pic Péric dans le brouillard total
A l’abri relatif du vent, nous prendrons le repas. A notre grand étonnement, nous allons voir surgir de nulle part un skieur espagnol, puis un second puis un troisième et puis d’autres. Ils arrivent du col entre les 2 pics Péric et les discussions vont bon train sur la suite de notre itinéraire dans ce brouillard. Le vent, toujours lui, va lever nos doutes et balayer l’horizon, dévoilant enfin le panorama que nous attendions.
Arête Est reliant les deux pics Péric
Le lac des Bouillouses dans sa version hivernale
Sculptures éphémères au sommet
Rassurés de savoir où nous allons, nous quittons le sommet du Péric à 13h52 en direction de son petit frère. Il n’y a plus qu’à suivre l’arête reliant les deux sommets. C’est plus impressionnant que difficile. Sommet du Petit Péric à 14h28, en 4h56, nous ne faisons que passer.
Petit Péric droit devant
La descente du Péric dans notre dos
Sommet du Petit Péric
Le retour va s’effectuer par le couloir du Patou, un très large couloir mais bien raide. La neige botte sous nos crampons ; les pointes ne mordent pas. Avant même de m’en apercevoir, je fais un plongeon que j’enraye très vite avant de prendre trop de vitesse. Très bon exercice de réflexes ! Il faut donc effectuer une désescalade sur la partie la plus raide. Quand la pente s’infléchira, une descente sur les fesses est même possible, méthode aussi efficace que ludique. Fin des crampons, nous repassons aux raquettes.
En direction du Patou
Désescalade dans le Patou
Serra de Mauri et refuge des Camporells (non visible car partiellement sous la neige)
Dans notre dos
Le chemin du retour n’est qu’une question de patience à présent. Nous reprendrons l’itinéraire aller, mais en sens inverse. La montée sur la Serra de Mauri est un dernier obstacle insignifiant, tant la forme est au rendez-vous. De plus, le vent qui nous fouette le visage n’incite toute fois pas à lézarder. 16 heures sommet de la Serra. On rattrape rapidement les pistes de ski, qui cette fois sont occupées par les skieurs de la station. Nous allongeons le pas, la fin de journée est proche. Nous arrivons au parking à l’heure de fermeture de la station de ski, c'est-à-dire 17 heures. Quelle sacrée journée !
Couloir sans difficulté technique mais qui a le rare avantage de nous hisser sur un sommet de plus de 2800 mètres, ce qui n’est pas si fréquent. Pour les novices, je ne conseille pas de quitter l’axe du couloir ; pour les autres, la variante apporte un supplément de plaisir.
L'ensemble des couloirs du secteur
Tracé du jour sur carte IGN 1/25000
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 7h04 pour 17,8 km à 2,5 km/h
Temps pour faire le couloir : 1h16
Dénivelé positif total : 1520 m – Autant en négatif
Point culminant : 2810m
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