Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Balaïtous par le glacier et la cheminée de Las Néous (D inf)

09/04/2023 – Jour 1 : Plaa d’Aste – Lac de Suyen – Refuge Ledormeur

 

Le pic de Balaïtous est le point culminant du premier noyau de plus de 3000 mètres le plus à l’Ouest des Pyrénées. Il est avant tout un redoutable sommet qui ne s’offre pas, quelles que soient les saisons. Michel Angulo le définit comme un massif complexe, de caractère manifestement alpin, constitué de sept crêtes fortement découpées. La voie la plus classique en condition hivernale est celle du glacier de Las Néous. C’est ce que me proposent les dynamiques et inusables Joël et Sébastien en ce week-end Pascal. Une cordée entre amis pour une découverte d’un sommet majeur, il n’en faut pas plus pour me combler de joie.

 

Point de départ depuis la maison du parc

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Départ du sentier
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Nous suivons un très bon sentier, d’abord en forêt, puis à découvert, presque de niveau, cap au Sud. Le lac de Suyen arrive très vite, un très bel endroit qui attire naturellement les familles. Le sentier s’élève doucement pour prendre de la hauteur, et dévoile peu à peu la beauté de la haute vallée du gave d’Arrens. Au niveau d’un replat, nous tombons presque nez contre museau avec une dizaine d’isards. Ils broutent paisiblement sans se soucier de nous, ou si peu. Nous sommes dans le parc national des Pyrénées, ils ne sont pas chassés, ceci expliquant certainement cela. Nous quittons le sentier principal qui conduit au port de la Peyre St Martin au bout du plat, sur notre droite, pour prendre brutalement de la hauteur. Efficacement, en quelques mètres linéaires, nous prenons 200 mètres de dénivelé. Nous voilà au refuge Ledormeur à 14h45, pour seulement 1h45 de promenade.

 

Petit Balaïtous
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Lac de Suyen

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Vue arrière sur le lac de Suyen
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Cherchez les isards !
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Comptez les isards ! IMG_0858.JPG

 

Quelques gros plans
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Vue en direction du glacier (invisible sur la photo) depuis le refuge
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Nous arrivons les premiers au refuge, même il y a deux couchages déjà occupés. Bien nous en a pris, car le refuge peut accueillir 10 personnes, 12 en se serrant. Une famille de 6 personnes se présente en suivant, puis un homme seul et à nouveau 4 skieurs. Les 2 couchages se libèrent, mais il n’y aura pas de la place pour tout le monde. Les 4 skieurs sont aguerris à dormir dehors, tout le monde trouvera moyen à passer la nuit, courte pour nous.

 
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Refuge Ledormeur, 10 places
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Vue d'où nous venons, depuis le refuge

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 1h45 pour 4,47 km à 2,55 km/h

Dénivelé positif total : 455m – Dénivelé négatif total : 12m

Point culminant : 1911m

 

10/04/2023 – Jour 2 : Refuge Ledormeur (1911m) – glacier et cheminée de Las Néous – Balaïtous (3144m) – Refuge Ledormeur – Plaa d’Aste

 

Levés à 3 heures du matin, nous quittons le refuge endormi à 3h45. Nous voilà partis pour quelques 1230 mètres de dénivelé. Le regel nocturne est correct sans pour autant être exceptionnel, car la température est quand même de 5°C. Nous rencontrons la neige dans les premiers instants, mais en quantité anecdotique et cela ne freine en rien la progression jusqu’à l’étang de La Pacca. La suite va se compliquer passablement. Il s’ensuit une longue traversée légèrement ascendante vers le Sud où la neige ne porte absolument pas. La croûte superficielle de neige casse systématiquement pour plonger le pied dans du sucre en poudre. Chaque pas est un effort. Nous avons fait le choix de se passer des raquettes, c’était une erreur que nous commençons à regretter. Avant de buter sur la face Nord de la Pointe de la Défaite et d’entamer de très fortes rampes, cap à l’Ouest. Sébastien est découragé par les efforts immenses qu’il faut déployer pour s’extraire de ce sucre en poudre. Nous ne serons pas trop de trois pour faire la trace et partager le poids de la corde de 70 mètres, ainsi que la somme des efforts à consentir. Un premier mur est franchi, puis un second, et le jour arrive sur la pointe des pieds. Le troisième mur nous dépose sur le glacier de Las Néous, et la face Est du Balaïtous apparait enfin dans sa totalité. Nous semblons enfin toucher au but, mais les efforts à fournir encore seront considérables, usants, éreintants. Nous aurons tout de même le plaisir d’arriver les premiers au pied de la cheminée de Las Néous à 8h13, pour une approche qui aura demandé 4h18, pour seulement 1040 mètres de dénivelé. La barre symbolique des 3000 mètres est déjà franchie. Les skieurs qui ont dormi à la belle étoile ne tardent pas à nous rejoindre. Natifs des douces Pyrénées de l’Est, nous ne sommes pas habitués à engager les difficultés majeures d’une course à cette altitude-là, et la suite du programme va nous montrer que l’on ne s’improvise pas spécialiste de la glace comme ça.

 

L'horizon s'embrase

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Peu à peu la nuit cède le pas au jour
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Sébastien fendant l'obscurité
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Cheminée de Las Néous

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Si proche et pourtant nous mettrons plus de 45 minutes
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Nous n'avons jamais été aussi proche du pied de la voie
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Le glacier de Las Néous
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Le temps de s’équiper techniquement, de mettre en place la cordée, et l’on engage la cheminée à 9 heures. Joël passe en tête pour la première longueur. Il s’agit d’un passage en mixte avec quelques pas athlétiques, puis un passage sur une dalle déversante, avec un final fortement incliné, le tout dans une neige partiellement glacée. Je passe en second et Sébastien ferme la cordée. C’est déjà un franchissement technique qui demande de la lucidité. Nous retrouvons Joël au relai, au pied de la seconde longueur.

 

Relai 0, pied de la cheminée

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Sébastien dans la première longueur
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Dans la première longueur

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Sébastien me suit tout proche
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Relai 1, le passage clé !
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Nous sommes au pied d’un mur totalement vertical de 4 mètres de glace vive. Or, comme le couloir est orienté plein Est, les premiers rayons du jour font déjà couler de l’eau sous la plaque de cette petite cascade de glace. Joël engage la difficulté sur la gauche, pendant que les skieurs nous rejoignent. Notre premier de cordée vient vite buter sur un bombement qu’il n’arrive pas à dépasser, les crampons ne mordent pas, chutant même (merci la broche à glace qui n’a pas faibli). Il va s’épuiser vainement sans pouvant franchir l’obstacle. Retour au relai sans dommage. La première cordée des skieurs va nous montrer comment utiliser la corde à nœuds en place à demeure, en prenant directement de face le mur de glace. Cela paraît si facile que je m’enhardis à passer en tête. L’exercice est technique et demande du sang froid pour utiliser efficacement les pointes avant. Je monte au premier point où je pose une dégaine, je passe la corde, puis mes crampons ripent et retour au sol sans dommage. Il ne faut pas s’avouer vaincu, je remets ça. Il y a 4 boucles sur la corde pour sortir en haut du mur. La seconde boucle va me demander à nouveau des efforts sous l’effet du stress, puis au prix d’une énergie folle et dans un style peu académique, je me hisse enfin jusqu’au relai. Me voilà en sécurité, ainsi je peux faire monter mes partenaires. Je ne retire aucune satisfaction d’avoir passé l’obstacle majeur tant ce fut comme un cochon, mais cela ouvre définitivement la porte vers la cime.

 

Au pied du mur de glace

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Joël n'ira pas plus haut
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Le mur de glace vu depuis le relai
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La suite du couloir après le relai du mur de glace
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Je fais monter Sébastien qui est surpris à son tour par la réelle difficulté que représente cet exercice sur glace. Une fois qu’il me retrouve au relai, je peux laisser retomber le niveau de stress, et je mange un peu pour effacer un début d’hypoglycémie. J’ai vidé mes glandes surrénales, et l’adrénaline coule à flot dans mon système vasculaire. Sébastien met en place un mouflage. A deux, nous aidons Joël à nous rejoindre à son tour, mais quelque chose ne fonctionne pas car il n’accroche pas sur la glace. Il a perdu un crampon qui a chuté au pied du couloir, si bien qu’il lui est impossible de poursuivre. Nous devons faire demi-tour pour lui venir en aide, mais il nous offre gentiment le sommet, en se proposant de nous attendre sur place puisqu’il est en sécurité. Merci Joël ! Nous irons au sommet pour toi.

 

Le passage après le relai de la glace

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Un dernier pas en dévers sur de la glace juste après le relai va m’inciter à passer en tête en étant assuré par Sébastien, jusqu’à un nouveau proche relai éloigné de 15 mètres. Sébastien me rejoint à son tour en toute sécurité, pour enchainer la suite en corde tendue. C’est un couloir à plus de 50° d’inclinaison, mais nous savons faire, et le tout dans de la bonne neige. Un dernier passage en glace sur une pente qui se couche enfin ne posera pas le moindre problème. Le couloir sort exactement au point sommital, c’est l’avantage majeur de cette voie. Nous atteignons la cime à 11h18. Nous aurons mis 6h36 pour atteindre le point culminant. Immense bonheur devant l’immensité des sommets qui nous entourent. « La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne. » Proverbe chinois. C’est bien de volonté dont il a fallu user pour faire de cette ascension une réussite.

 

Droit devant à présent !

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Toujours aussi relevé mais praticable
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Regard en arrière
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Encore un peu de glace à 5 minutes de la cime
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Nous ne tardons pas à être 6 au sommet, tous heureux et conscients d’avoir réalisé une ascension qui compte dans un carnet de courses hivernales. Absence de vent, vue dégagée, soleil efficace, c’est un bonheur que de découvrir ce belvédère dans ces conditions. Il y a du beau monde sur le tour d’horizon, que des sommets majeurs, une foison de cimes culminant à plus de 3000 mètres dont je suis encore incapable de les nommer toutes. C’est une mer de pics et abimes qui s’étire d’Est en Ouest. Nous pourrions rester là, contemplatifs encore de très longues minutes. Pourtant, il ne faut pas oublier Joël qui nous attend dans le froid du couloir.

 

Vue vers l'Ouest

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Gros plan sur l'OssauIMG_0911.JPG

 

Vue vers l'Est

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Gros plan sur le massif du Vignemale versant Espagnol
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Vue vers le Nord/Est

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Vue vers le Sud/EstIMG_0917.JPG

 

Vue vers le Sud/Ouest
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Gros plan sur le pic de Néouvielle
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Vue sur la vallée du Gave d'Arrens avec le lac du Tech au bout
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11h40 retour dans la cheminée. La partie la plus haute s’effectue en désescalade jusqu’à trouver un relai sur corde. Nous allons enchainer pas moins de 5 rappels. Pour descendre efficacement, nous allons partager nos cordes avec les skieurs. L’entente est parfaite et cordiale. Cette coopération nous aura permis de limiter la perte de temps dans les manipulations de corde, et d’arriver au pied de la cheminée à 13h30 quand même. Je suis le dernier à arriver au pied. Joël a retrouvé son crampon et nous attend au soleil. Sans plus tarder, nous engageons le chemin du retour par l’itinéraire matinal baigné d’une lumière étincelante. A 14h07, nous tombons de fatigue au pied du glacier, pour prendre le repas au soleil. Il y a 9h04 que l’on s’active, cela demande une certaine quantité d’énergie qu’il faut compenser.

 

Départ du premier rappel

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Dernier rappel, celui de la cascade de glace
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Le glacier de Las Néous à redescendre

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Nouveau regard sur la cheminée

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En rouge la première longueur, en jaune la cascade de glace
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Gros plan sur la cascade de glace
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La vallée blanche de Las Néous
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La pause sera brève et à 14h47 nous enchainons. Etonnamment, la neige chauffée par le soleil n’est pas pire à la descente qu’à la montée ; c’est une bonne nouvelle qui nous permet d’avancer correctement sans grande perte de temps ni d’énergie. Nous marchons d’une traite jusqu’au refuge où nous parvenons à 15h49, et 10h06 de marche effective.

 

On devine les méandres de l'étang de La Pacca

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Le refuge sur son promontoire
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Nous retrouvons là les 4 skieurs qui s’étaient délestés comme nous des effets du couchage. Le temps de rassembler tout le matériel et de réorganiser les sacs, qu’il est 16h20. Nous plongeons enfin dans le fond de vallée par le même itinéraire que la veille. Nous passons une nouvelle fois devant les 10 isards paisibles qui broutent sans se soucier des bâdeurs que nous sommes. Le sentier étant agréable, il permet d’avancer d’un bon pas et de retrouver un allant perdu dans la neige mollassonne. Fin de cette journée dantesque à 17h28, après 11h14 de marche et grimpe. Le val d’Azun est vraiment très beau et demande à se que l’on s’y attarde de nouvelles fois pour en apprécier ses cimes et nombreux étangs. Nous venons de graver dans nos mémoires un souvenir impérissable. Sans raquettes et surtout sans skis c’est une folie. « C’est parce que nous ne savions pas que c’était impossible que nous l’avons fait » Mark Twain.

 

Au dessus du lac de Suyen

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Trace 3D du refuge au sommet :

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Trace du jour :
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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 11h14 pour 16,47 km à 1,5 km/h

Dénivelé positif total : 1335 m – Dénivelé négatif total : 1790 m

Point culminant : 3144m



13/04/2023
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