Crête des Besiberris – Traversée Nord / Sud (PD sup)
10/09/2022 – Jour 1 : Tunnel de Vielha – étang de Besiberri – refuge de Besiberri
Un peu d’histoire en préambule : Les Bésiberris ne furent découverts que 57 ans après l’Aneto et 43 ans après les Posets. Historiquement, les premiers récits de la découverte côté français de cette région, remontent à 1881, avec un texte publié dans le « Bulletin de la société Ramond ». Les cartes de l’époque parlent alors de Terra Incognita. De nos jours, ils sont réputés et visités régulièrement.
Avec mon ami Joël, nous parlions depuis quelques années de la crête qui unifie les Besiberris, avec un vrai désir de la parcourir. Elle est la crête la plus prestigieuse de Catalogne, l’une des plus longues avec une altitude toujours proche des 3000 mètres. Le week-end s’annonce sous des conditions météo idéales pour enfin tenter l’aventure. Départ à 14 heures depuis le parking du refuge de Conangles. Le parking est plein, il déborde même ; cela promet du monde dans les environs. Nous suivons le sentier du vall de Besiberri. Le sentier balisé en jaune coupe une piste forestière pour s’élever un peu plus vite. Nous profitons de l’ombre appréciable apportée par les arbres, car la chaleur est excessive. Comme nous le présentions, le sentier est très fréquenté par des chercheurs de champignons, mais également des familles qui ont passé la journée à l’étang. Dans le sous-bois, seules des cascades viennent casser la monotonie de cette montée. Nous arrivons à l’étang de Besiberri à 15h30, pour 1h30 d’ascension. L’essentiel du dénivelé de la journée est pris. La vue s’ouvre enfin sur le haut de la vallée, mais également dans notre dos.
Cascade la plus basse dans le barranc de Besiberri
Au troisième plan le pic de la Forcanada
Arête entre le Besiberri Nord et le Besiberri del Mig
Gros plan sur le Besiberri Nord et le Besiberri del Mig
Gros plan sur la face ouest du Besiberri Nord
Estany de Besiberri vu vers l'aval
Après 15 minutes à contempler ce décor imposant que ne connait pas encore Joël, et nous repartons en direction du refuge. Le contournement de l’étang est un peu encombré de gros blocs de granit, mais la montée finale jusqu’au refuge ne pose pas de difficulté. Nous arrivons au refuge à 16h32 en 2h17. Le refuge propose 9 couchages, or il y a déjà 8 personnes, plus nous cela fera dix. Trois autres arriveront plus tard et ce sera à 13 que l’on occupera ce petit espace de moins de 9m². Dans cet espace exigu, le plus simple sera de manger à l’extérieur, d’autant que les conditions météo s’y prêtent parfaitement. Puis nous irons tous nous coucher à 20h30, la nuit sera courte.
On aperçoit le refuge entre les pins dans l'ombre
Vue depuis le refuge sur la vallée suspendue d'où nous venons
L'Estanyet de Besiberri sous les contreforts de la Punta Senyalada
Punta Senyalada
Le soleil se couche sur le refuge
11/09/2022 – Jour 2 : Refuge de Besiberri – Besiberri Nord (3008m) – Besiberri del Mig (2995m) – Besiberri Sud (3024m) – collada d’Abellers (2885m) – refuge de Besiberri – Tunnel de Vielha
A l’aube de cette course dont j’ai souvent rêvé, je voudrais rappeler comment l’illustre Gorges Véron parlait de ce secteur dans son premier opus « 100 sommets des Pyrénées » : « Dans ce qui est considéré comme le plus beau massif granitique des Pyrénées, une crête alpestre, au nom en dents de scie et à l’accent pointu, aligne du Nord au Sud des prestigieux « 3000 ». A la jonction de trois arêtes, dominant le splendide estanh de Mar, la fière pyramide du Bésiberri Nord est le 3000 le plus redoutable de tous ». Les Besiberris se défendent bien, c’est une course longue et difficile qui se propose à nous. Nous voilà prévenu. Levés à 5 heures, nous quittons au plus vite le refuge pour laisser dormir les autres occupants, et partons para desayunar à l’extérieur, où la température est agréable. Nous nous mettons en marche à 5h50. Nous suivons le balisage qui indique la direction du Besiberri Sud. C’est une presque pleine Lune qui brille au-dessus de la vallée, et c’est une chance pour nous aider à trouver les meilleurs passages dans un dédalle de roches moutonnées. Connaissant le secteur après y avoir passé du temps en 2019 et 2020, j’évolue avec plus de facilité dans ce qui peut vite devenir un casse pattes. Il faut éviter d’aller trop proche de la base du Besiberri del Mitg, et laisser le balisage pour s’élever plein Est en écharpe. Je trouve sans grandes difficultés les passages clés pour arriver au plus direct au pied du petit couloir, , plus au nord de la cime. Nous y parvenons à 7h25, pour une approche de 1h35.
Lever du jour sur le massif de l'Aneto
Tosal dels Estanyets sur notre gauche
Besiberri Nord en ombres chinoise
Gros plan vers l'Ouest sur le pic d'Aneto plein centre
Nous nous accordons 15 minutes de pause avant de se lancer dans la muraille. Pas assez attentif, je m’engage dans le couloir trop à droite de l’entrée principale. Je ne sais pas encore que c’est une petite erreur, mais qui n’a aucune incidence pour la suite. Ce départ demande à s’élever à l’aide des mains, rien de trop technique, mais très engagé tout de même. C’est une excellente préparation pour l’arête qui nous attend. A mi hauteur dans le couloir, après avoir dépassé une sangle sur la droite, quitter le couloir par une vire sur la droite. Suivre alors un système de vires, ce n’est plus que de la randonnée. Inutile de préciser qu’il ne faut tout de même pas trébucher. Suivre les cairns jusqu’à la crête. Cela débouche à peine au sud de la cime. Le Besiberri Nord est atteint à 8h12, pour un total de 2h15. Heureux que nous sommes !
Ne pas oublier d'utiliser les mains
Pic d'Abellers (2982m) à gauche et Punta Senyalada (2952m) à droite
Sortie du couloir où l'on croise un anneau de corde
Gros plans sur l'anneau de corde
Suivre aussi les vires caillouteuses, rocher suspendu au fond en point de mire
Il faut se rendre à gauche du rocher suspendu
La crête à quelques mètres de la cime
Besiberri Nord 3008 mètres
Lac de Mar et l'Obaga de Lac de Mar (vallon menant à la brèche Peyta)
L'ombre du Besiberri Nord s'étire vers l'Ouest
Punta Senyalada avec au fond El Turbón
A présent demi-tour vers le sud à 8h35, où d’autres réjouissances nous attendent. Avec l’excellent topo en poche de Florian Jacqueminet, nous avançons confiants. Le départ de l’arête est un peu effilé, et il faut parfois passer sous le fil par le versant Ouest, donc côté refuge de Besiberri. Toutes les difficultés trop techniques peuvent s’éviter versant Ouest, en suivant de petites vires, toujours proches du fil de l’arête. C’est rapide et efficace. On rencontre ensuite dans une brèche, un mur à remonter, impossible à éviter ; c’est la brèche Jaume-Oliveras. Nous nous équipons, Joël passe en tête pour sécuriser ce passage technique et extrêmement exposé. Il y a un piton planté à mi hauteur qui est le bien venu, car l’engagement est total. Bravo mon ami, ce n'était pas simple !
L'un des passages sur vires
La pointe du Besiberri Nord d'où l'on vient peut impressionner
Escalade pour s'extraire de la brèche Jaume-Oliveras
Très peu de possibilités de protéger le mur
Une fois en haut du mur, la suite qui nous attend n’est qu’une succession de vires jusqu’à arriver à un rappel inévitable qui débouche dans la brèche Salles. Ce rappel est donné pour 12 mètres ; il s’agit du plus long que l’on puisse trouver. Un autre rappel tout proche, un peu plus court, permet de descendre une cheminée et mettre pied au fond de la brèche. Ce rappel est pour moi le passage le plus ludique.
Voilà ce qui nous fait face, Bessiberi del Mig au centre
Le même rappel avec un autre randonneur proche de nous
Une fois au fond de la brèche, il faut immédiatement reprendre de la hauteur, à nouveau par un mur à escalader. Nous nous concertons pour décrypter l’obstacle et Joël, toujours dans son élément, se lance dans la muraille. Techniquement ce ne sont que des pas en III sup, mais là encore, toute chute est interdite. Un petit pas sur la gauche du mur pour passer un bloc, puis une cheminée terminent cet exercice d’escalade. Pour la suite, nous progressons en corde tendue, mais les difficultés réelles sont de grades inférieurs. Tantôt sur le fil, tantôt sous l’arête, nous parvenons au Besiberri del Mig 2995m à 11h28 ; cela nous aura demandé 4h43. Ce pic est également nommé Pic Jolis. Les manipulations de corde nous aurons fait consommer du temps, mais c’est à ce prix que l’on avance en sécurité. C’est à ce point que les difficultés majeures cesses. Un tour d’horizon, et l’on enchaine sans plus attendre.
Passage pas si simple
Besiberri Nord vu depuis le Besiberri del Mig
A gauche le proche pic d'Abellers, à droite la Punta Senyalada, au fond le massif du Turbón
Gros plan au loin sur El Turbón
Besiberri Nord et Besiberri del Mig
Il nous faut descendre ensuite dans un col nommé Pas de Trescazes ; ce n’est plus que de la randonnée. Une fois au col, suivre l’itinéraire qui arrive depuis le barrage de Cavallers, sur le versant Sud/Est. C’est toujours de la randonnée, où il faut parfois poser les mains. Le Besiberris Sud est face à nous. Il faut remonter en écharpe tout le long de cette face Est, jusqu’à trouver un couloir d’éboulis évident. Le couloir est très raide et demande son comptant d’énergie pour se hisser vers le haut. Une courte cheminée bien étroite termine la montée, et débouche ainsi pratiquement au sommet. Nous voilà au sommet du Besiberri Sud à 12h40. Il était temps, il se fait faim. Cela aura demandé 5h45 pour parvenir au point culminant du jour. Marcher de façon concentré à presque 3000 mètres, ça ouvre sérieusement l’appétit.
Besiberri Sud vu depuis la cime du Besiberri del Mig Pic Simo
Quelques connaissances vers le N/O
La suite l'arête avec le Pas de Trescazes au point bas
La Punta Alta sur notre gauche à l'Est
Gros plan sur le refuge de Ventosa y Calvell au dessus de l'estany Negre et sous l'estany de Travessani
Gros plan sur le Montardo et dernier plan le Mont Valier
Le Besiberri del Mig d'où nous venons
Joël au pied du couloir terminal
L'ultime cheminée se défend vraiment bien
Joël au débouché de la cheminée
La vue depuis le débouché de la cheminée
La crête vue du Sud vers le Nord
Les Estanys Gelats au Sud/Ouest
Le repas en terrasse est recommandable
Gros plan dans l'ombre sur le Pic de Ratera, dans le fond le massif de la Pique d'Estats
Nous avons pendant un temps, le sommet pour nous seuls. Le marcheur solitaire que nous avions vu au rappel ne tarde pas à nous rejoindre. Il est Français. Bien que résidant proche de la ville de Pau, il connait très bien les sommets locaux et nous « jouons » à les reconnaitre. Puis arrivent la dynamique famille de catalans avec qui nous avons partagé la nuit dans le refuge. Ils ont évité l’itinéraire du col d’Abellers car ils ont jugé trop difficile. Ils ont donc emprunté un couloir tout aussi dangereux qu’ils ne sont pas prêts d’emprunter à la descente. Nous les laissons reprendre leurs esprits, et à 13h35, nous prenons le chemin du retour, cap sur le collada d’Abellers à l’ouest. La descente immédiate n’est autre que la voie normale en provenance du village de Caldes de Boí. Nous croisons d’ailleurs de nombreuses personnes qui sont en route vers le pic. Lorsque nous nous présentons en au haut de la collada d’Abellers pour basculer en versant Nord, nous restons un moment interrogatif sur la possibilité de descendre dans ce couloir effrayant. Rien ne tient vraiment sur un sol fortement incliné recouverts de fines roches, telles des billes. Je considère qu’il est criminel d’indiquer cet accès aux randonneurs, pour atteindre le Besiberri Sud par ici. Ce sera le moment le plus dangereux de toute la journée. Pratiquement sans respirer, nous descendons avec une extrêmement prudence ce mauvais moment. Tout devient plus simple une fois sortis du couloir.
Collada d'Abellers dans le creux face au Pic d'Abellers
La descente de la voie normale, vue depuis le col
Besiberri del Mig vu depuis la collada d'Abellers
Le couloir de la collada d'Abellers, un entonnoir vers le néant
Terrain pourri, cuidado, mucho cuidado
La suite de la journée va consister à perdre du dénivelé. Un cheminement plus ou moins évident est balisé de jaune dans le champ de roche sous le col. C’est l’itinéraire qui conduit au refuge. Cela passe sous le pilier Ouest du Besiberri del Mig, avant de tourner dans les banquettes herbeuses et rejoindre le refuge. Nous ne faisons que passer à 15h30 [7h33]. La partie finale, nous la connaissons, c’est la montée effectuée 24 heures plus tôt. Le terrain ne permet pas de descendre beaucoup plus vite que la montée. Un peu de patience, beaucoup d’enjambées, et à 17h21, nous retrouvons le parking terminal. Une très belle journée conclue en 9h24. Une arête esthétique, pas la plus technique mais sur la longueur la difficulté est réelle. Comme un gâteau d’anniversaire, l’arête des Besiberris se partage entre amis.
Le col s'éloigne vite malgré un cheminement chaotique
Le vallon de Besiberri, chemin du retour
Les deux étangs pratiquement dans le même alignement
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 9h24 pour 13,3 km à 1,4 km/h
Dénivelé positif total : 1050 m – Dénivelé négatif total : 1715 m
Point culminant : 3024 m
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