Pic d’Areste et Pic de l’Estany Fondo depuis les orris du Carla
28/06/2020 : Orris du Carla – Etang de Roumazet – Port de Roumazet (2571m) – Barranco del Port Vell – Solana d’Areste – Pic d’Areste (2802m) – Estany Fondo – Pic de l’Estany Fondo (2814m) – Estany d’Estats – Estany de Sotllo – Barranco del Port Vell – Port de Roumazet – Orris du Carla
A l’ombre des grands 3000 Ariégeois, se trouvent de nombreux hauts sommets qui méritent aussi que l’on s’y intéresse. D’abord parce qu’il n’y a pas que des 3000 dans les Pyrénées, et justement parce que ces sommets dit « secondaires », offrent une autre prespective sur les « géants ». Précisément, on trouve regroupée dans ce secteur, la plus forte densité de cimes de l’Est de la chaine Pyrénéenne, dépassant les 2800 mètres. La marche va m’amener par-delà la frontière à la rencontre de deux d’entre eux, et pas les plus connus. Comme souvent dans ce secteur, l’itinéraire sera ponctué de nombreux étangs. Afin de profiter des longues journées estivales, et de subir le soleil le plus tard possible, un départ matinal s’impose. Je quitte les orris du Carla à 4h35 sous un ciel constellé d’étoiles. C’est devenu si rare de nos jours, que cela surprend immédiatement. Direction l’étang de Roumazet. Je suis venu ici même il y a une semaine, alors autant avancer vite. Le jour va se lever durant la montée, et il fera suffisament clair pour éteindre la frontale bien avant d’arriver à l’étang.
Aurore naissante
Au premier plan pic de l'Etang Fourcat, au fond pic Tristagne
Passage rapide à l’étang de Roumazet en 1h15, je mets le cap sur le port de Roumazet. Il faut suivre les balises jaunes. Le balisage est au top, et un cheminement se faufile parfaitement dans le grand pierrier qui descend du col. Un balisage pratiquement tous les mètres est exceptionnel dans le secteur, car bien souvent en Ariège, c’est une balise tous les 500 mètres (!). En cas de brouillard, il vaut mieux trop que pas assez. Je parviens au Port de Roumazet à 6h41, après 2h07 d’ascension continue. Effet venturi oblige, il ne fait pas bien chaud, je ne fais que passer. Ce col frontalier ouvre la porte vers le Vallferrera. C’est un contraste entre le versant Est rocailleux et ce versant Ouest verdoyant. L’autre contraste est l’absence de balisage et de réel sentier, tout au plus quelques cairns épars ; cependant il n’y a pas de grande difficulté pour parcourir la partie supérieure de ce vallon. Je fais une courte pause pour prendre un petit-déjeuner, et je repars pour le fond du vallon.
Port de Roumazet droit devant
Lever de soleil depuis le Port de Roumazet
Pic de Norrís à gauche, Monteixo à droite
Ce vallon est surprenant par la richesse de la végétation qui le colonise. C’est un jardin botanique d’altitude. J’ai devant moi en toile de fond, le versant Ouest du pic d’Areste, ma destination. Je repère un cheminement possible sur cette face herbeuse, avant de perdre toute notion de cheminement. En s’approchant de la partie inférieure du vallon, un sentier se dessine plus distinctement.
Première vue sur le pic d'Areste
Vautours attendant des courants ascendants
Torrent du barranco de Port Vell
A la confluence du barranco del Port Vell et du barranco d’Areste, je traverse aisément les cours d’eau et je change de vallon. C’est parti pour la seconde montée du jour. Cette fois, c’est du hors sentier sur de la pelouse, mais sans grande difficulté technique. Par contre, c’est du raide, du très raide même. Et il se met déjà à faire très chaud. Il n’y a qu’une chose à faire à présent : cerveau dans bocal, bocal dans sac. Ne pas penser, juste s’élever, souffler, casser la pente par de petits virages, et marcher encore. La prise de hauteur permet d’élargir le paysage, ce qui brise la monotonie de l’ascension. Ce cheminement conduit sur la partie terminale de la crête, une partie facile qui ouvre enfin le sommet à 9h42. Pour gagner cette cime il m’aura fallu 4h28 et surtout 1524 mètres de dénivelé. Pour citer J. R. R. Tolkien, je nomme ce sommet «Mon précieux» tant il m’aura coûté cher en énergie.
Dans mon dos quelques hauts sommet du Vallferrera
Dans mon dos Pic de la Rouge et vallon d'où je viens
Ultimes mètres au point culminant
Vue vers le Nord sur la Pique d'Estats dans les nuages
Panorama depuis le sommet
Gros plan sur le pic de l'Estany Fondo et son étang éponyme
Vue vers l'amount de l'Estany Fondo
Etang d'Areste, Pointe de Roumazet à gauche, pic de la Soucarrane (ou pic de la Rouge) à droite
Je quitte ce sommet à 10 heures. L’objectif suivant est tout proche, à un battement d’aile de vautour. Pour cela il faut se rendre sur la berge de l’estany Fondo. La descente le long de l’arête Nord est sans risque. Pour gagner du temps, je vais pourtant la quitter pour suivre quelques névés. La descente est alors rapide. Les abords de cet immense plan d’eau sont vraiment accueillants, pourtant il y a fort à parier qu’il ne vient pas beaucoup de monde. C’est l’occasion pour moi de faire le plein d’eau, et repartir dans la troisième ascension du jour.
Pic de l'Estany Fondo objectif droit devant
Le pic d'Areste parait bien plus loin qu'il ne l'est, depuis l'Estany Fondo
Dernier regard sur le pic d'Areste
Un long et profond couloir raye la face. C’est cette cheminée que je vais emprunter. On accède rapidement à la base de la cheminée, mais il y a trop de neige dure ; impossible de passer sans crampons. Néanmoins, on peut escalader la rive gauche de la cheminée par de petits pas de III. Par contre, je sais d’avance qu’il n’y aura pas moyen de redescendre par là. Ça monte bien et rapide, sans gros efforts. La sortie de la cheminée se termine sur un grand plateau herbeux faiblement incliné. Ouf le plus dur est fait ! En portant mon regard en direction du point culminant, je découvre un troupeau d'isards en quantité incroyable. Quel spectacle que de les voir gambader ! Ils plongent aussitôt en face Est à travers un complexe de barres rocheuses, totalement impraticables pour un bipède. C’est fascinant à observer. La cime n’est plus qu’à quelques enjambées, et à 11h25, j’atteins mon objectif, le tout en 5h50.
Le couloir en neige que j'ai suivi
La cheminée à gravir
Etang médian de la coume de l'Estany Fondo
Le sommet est au fond, remarquer les isards sur la crête
Je suis attendu au sommet
Ce sommet est au centre d’un complexe de hautes cimes. Tous ces hauts sommets ont un aspect austère, incroyablement impressionnant. Je comprends la présence des isards en découvrant que le sommet est une grande pelouse plane. Etonnante création de la nature ! La météo n’annonce rien de bon pour la suite de la journée. J’avais envisagé d’accéder à la frontière par le col au Sud du Rodó de Canalbonne (3004m), en traversant la face Ouest du Grand pic de Canalbonne (2960m), or ce versant est entièrement couvert de neige. Sans crampons, je ne peux me risquer dans cette entreprise. J’ai comme la mauvaise impression d’être dans une souricière, pris au piège. Il ne faut pas prendre de décision hâtive le ventre vide, alors je me pose pour refaire le plein d’énergie, et analyser froidement la situation. Froidement est le mot juste, il fait à cet instant 3°C ; je dois me tapir au ras du sol pour m’abriter du vent.
Port de Sotllo et étang d'Estats
Etang de Sotllo et pic de Baborte au centre
Combe en neige sous le Grand canalbonne
Après avoir analysé toutes les options en fonction des conditions du moment, la seule raisonnable consiste à gagner la voie normale de la Pique d’Estats, et ainsi cheminer sur un bon sentier en cas d’orage. Dès midi, je quitte le point culminant du jour en suivant sur quelques mètres la crête Est, et je bascule facilement dans la première combe en neige dure. Le piolet va sécuriser la descente rapide jusqu’à l’estany d’Estats [12h30]. Cette fois, il ne reste plus qu’à suivre le sentier et rentrer par le port de Roumazet.
Estany d'Estats vu vers l'aval
Estany d'Estats vu vers l'amont
La Pique d'Estats sort enfin la tête des nuages
Le sentier est parfaitement balisé puisque c’est la voie normale de l’Estats. Depuis mon dernier passage, je constate quelques aménagements en bois à travers les zones les plus humides. Sans erreur possible, je me rends au croisement du sentier venant du refuge de Vallferrera à 13h53. A cet instant, il me reste encore 500 mètres à gravir.
Contrefort Ouest du pic de l'Estany Fondo
Etang de Sotllo vu vers l'aval
Estany de Sotllo avec la Pique d'Estats en fond
Gros plan sur la cascade de plans de Sotllo
Cette portion de sentier semble moins fréquentée, mais reste propre et évidente. Une passerelle permet de traverser le torrent et entrer dans le barranco de port Vell. Je connais la suite à présent, il ne reste plus qu’à rentrer. Ce vallon est aussi agréable à la montée qu’à la descente. Il vaut à lui seul le déplacement. Je marche sans arrêt jusqu’à venir à bout de mon content d’énergie. Il est 15h09 quand je passe pour la seconde fois de la journée le port de Roumazet [8h46]. J’ai effacé les 500 mètres de dénivelé en 1h16, et le moteur tourne encore bien. J’avale quelques provisions et je plonge en versant Est vers la France.
Vallon à remonter sous la Pica Roja ou Pic de la Soucarrane
Vue vers l'Est depuis le Port de Roumazet
Le final peut paraitre long mais jamais monotone. Le vallon de Roumazet est fréquenté par de nombreux randonneurs qui parcourent la boucle des étangs. Il semble évident que j’ai échappé à la pluie. Je termine alors ce périple à 17h01, en 10h27. J’aurais aimé avoir une meilleure météo, mais cela m’a peut-être évité de me mettre en difficulté sur la crête des Canalbonnes. Dommage que le Vallferrera soit si loin car les possibilités de randonnées semblent illimitées. Je dédie cette sortie à mon père qui a quitté ce monde il y a 26 ans jour pour jour. Il avait posé les jalons d’une passion pour la montagne dans le massif du Canigou, passion qui me pousse toujours à sortir de ma zone de confort. C’est une découverte permanente.
Trace du jour :
Profil du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 10h27 pour 28,9 km à 2,8 km/h
Dénivelé positif total : 2418 m – Autant en négatif
Point culminant : 2814m
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