Pics de Besiberri Sud, Comaloforno et Abellers depuis Conangles
03/08/2019 : Tunnel de Vielha – étang de Besiberri – refuge de Besiberri – collada d’Abellers (2885m) – Besiberri Sud (3024m) – Pic de Comaloforno (3029m) – collada d’Abellers – Pic d’Abellers (2982m) – retour par la même vallée
J’ai découvert le massif des Besiberris il y a seulement un mois, et pour cause d’orage imminent ce matin là, je n’avais pas pu gravir le moindre sommet. J’avais donc un contentieux avec les Besiberris, ou plus exactement avec la météo qui en défendait l’accès. M'étant approché de très près du Besiberri Nord par son versant Ouest, je souhaitais aller jusqu’au bout de la découverte, et gravir ce sommet réputé si difficile. Petite remarque importante pour la suite de la journée : de mon dernier périple dans l’Aston en juin dernier, j’ai ramené une élongation du tendon d’Achille droit suite à une entorse. Depuis je boite ! Je viens de faire 262 km de route pour me rendre au point de départ, il faut donc optimiser au maximum cette journée.
Départ dès 5h12 depuis la sortie du tunnel de Vielha, sur le parking du refuge de Conangles. Il faut suivre un bout de piste, puis le sentier qui coupe cette même piste, avant de s’élever dans le vallon de Besiberri. Dans l’obscurité totale, je marche sur des œufs. Clopin-clopant, j’assure mes pas sur ce sentier très caillouteux, et je m’élève doucement. J’arrive à l’étang de Besiberri à 6h23, en 1h11, alors que le jour se lève à peine.
Etang de Besiberri vu vers l'Est
L'étang vu vers l'Ouest sur le Pico de la Tallada
A cette heure du jour les couleurs changent vite
Vue vers l'Est sur le Besiberri Nord tout au fond
Le Pico de la Tallada(2955m) semble être le plus haut vu d'ici, mais c'est pourtant le Tuc de Mullères(3010m) tout à droite le plus haut
Profitant que le sentier se poursuit jusqu’au refuge métallique de Besiberri, j’avance en le suivant, lentement mais efficacement. Un autre lac, l’estanyet est perché à 2160 mètres face au trio des Bésiberri, juste sous le refuge. Je passe au niveau du refuge à 7h16, après 2h04, seulement quatre minutes de plus que ce qui est annoncé en bas de la vallée. A partir du bâtiment, le sentier va se perdre peu à peu, et des cairns vont prendre le relais à la sente.
Le refuge métallique solidement arrimé sur un promontoire rocheux, le Besiberri Nord est au centre de l'image
La longue crête des Besiberris
Gros plan
Gros plan sur l'impressionnant versant Nord du Pic d'Abellers
Il faut remonter le vallon d’abord sur la gauche, pour s’élever au dessus des gradins, puis revenir sur la droite, jusqu’à aller rattraper la base d’un chaos granitique. On peut suivre l’itinéraire allant vers le col d’Abellers, et à la base d’un éperon du Besiberri del Mig, obliquer sur la gauche. Il reste un nouvel éboulis à affronter, puis l’on vient alors buter au pied de la paroi du Besiberri Nord. C’est ici que nous avions fait demi-tour avec Yannick il y a un mois, c’est ici que tout commence pour moi. Il m’aura fallu 3h03 pour me rendre au pied de la face. Les conditions d’approche du jour sont idéales, sans vent, toujours à l’ombre mais avec une température agréable. Je bénéficie d’une journée idéale pour tenter « un truc ». Pourvu que ma cheville tienne !
Chacun cherchera un cheminement au mieux dans le pierrier
Gros plan sur la Punta Senyalada (2952m)
J’ai avec moi un peu de littérature pour tenter de trouver un cheminement dans la paroi. Un pic, si vertigineux soit-il, présente un côté faible, une faille, un point faible dans l’armure. Voici ce que dit Luis Alejos dans « Pyrénées guide des 3000 m », je cite : « Une fois au pied de la crête méridionale, on commence la grimpée par les couloirs toujours raides et instables qui séparent les contreforts de la face Ouest. Cette voie, imprécise et peu signalisée, débouche sur la cime du Besiberri Nord (PD) ». Ça ou rien, c’est pareil ! Les indications de Ph. Queinnec avec photo à l’appui sont plus riches (http://philrando.free.fr/Besiberri.html#20011014) : « Plusieurs couloirs peu engageants rayent sa face O. Repérer l'endroit où le pierrier remonte le plus haut (un peu au sud de l'aplomb du sommet) et d'où part un profond couloir en oblique vers la gauche. Rejoindre ce point (2840m environ) où l'on découvre à gauche un deuxième couloir, bien caché derrière un grand piton, et qui semble plus praticable. ». Je remonte le pierrier le long d’un névé, jusqu’à ce que la langue de neige vienne s’arrêter au pied de la paroi. En effet il y a bien un couloir qui part dans l’axe et qui oblique à gauche. J’enfile le casque et je grimpe le premier gradin. Le terrain est épouvantable car le sol est friable. Le rocher se délite, et tout en prenant de la hauteur en marchant sur des œufs, je vais pousser dans le vide un demi mètre cube de roche. Heureusement que je suis seul ! Je me hisse à travers ce terrain pourri, le couloir s’enfonce jusqu’à buter sur un bloc coincé de la taille d’un tronc d’homme. Mince, c’est une impasse ! Impossible à franchir d’autant qu’il est déversant. Ce n’est pas le bon couloir. Je redescends, comme je peux, à la base de celui-ci pour en trouver un second totalement à gauche. Ce doit être le couloir dont parle le topo. A nouveau, séance de grimpe délicate et nouvel obstacle par un bloc coincé plus petit. Il y a des terrasses qui permettent de parvenir jusqu’au bloc, mais la vue s’arrête là. Il y a deux anneaux de corde pour tirer un rappel. Ça ne sent pas bon tout ça ! Je suis sur un mur de 2 mètres où cette fois c’est de l’escalade. Je sais que je peux franchir le mur et parvenir au niveau du bloc, mais que je ne pourrais plus revenir en arrière, je n’ai pas le matériel pour ça. Que faire ? Le pas de trop et espérer trouver une autre solution pour le retour ? Et si je n’étais pas dans le bon couloir ? C’est frustrant d’être arrivé jusque là et devoir renoncer ! Le pas, je le tente, il y a des mains partout mais pas de pied, c’est juste un bon IV sup. Or je ne pourrais plus redescendre par ici, c’est évident ! Tout ça sent l’accident à plein nez. Les minutes passent, que faire. La frustration est mauvaise conseillère, que dit la voix de la raison ? De renoncer évidemment, car comme l’a écrit Reinhold Messner : « Tout l'art de l'alpinisme c'est de savoir qu'on ne peut faire que ce dont on est capable ». Demi-tour, le Besiberri Nord gardera encore le secret de sa face Ouest. Il est 9h30, j’ai la journée devant moi et plein de sommets dans le secteur qui se prêtent bien à la découverte. Je regagne le névé, et je mets le cap sur le Besiberri Sud.
Dans le ventre de la bête
Le point le plus haut où j'ai dû renoncer
La vue vers l'Ouest est toujours un régal pour les yeux
Panorama vers l'Ouest
Gros plan sur le point culminant des Pyrénées
Pour cela, il faut dans un premier temps passer sous l’éperon du Besiberri del Mig, et par un cheminement de niveau, je viens rattraper l’itinéraire de la voie normale du Besiberri Sud. On s’enfonce alors dans un cirque suspendu, dont il était impossible d’en deviner l’existence quelques mètres plus bas. L’endroit est couvert de blocs de granits monstrueusement imposants. Tout ici est démesuré, des parois sauvagement déchiquetées, à la pente terminale qui s’annonce fortement inclinée. Cheminer dans les blocs n’est pas le principal problème, car à vue, ça passe partout, et aucun risque de voir se dérober le sol. Le point le plus critique reste le couloir terminal qui débouche à la collada d’Abellers. C’est du brutal ! Je n’affectionne pas particulièrement ce type de terrain et pourtant je m’y sens bien. Le terrain se dégrade à chaque pas et en exagérant un peu, je dirais que si l’on s’arrête, on recule. Le mieux reste encore d’aller chercher le rocher sur la paroi du pic d’Abellers. Me voici rendu au col de l’Abellers à 10h50, après 4h35. Objectif à vue sur la gauche.
Un peu de poésie dans ce monde minéral, doronic à grandes fleurs
Pic d'Abellers à gauche et Punta Senyalada à droite
Collada del Abellers au fond vue depuis l'entrée du cirque suspendu
La rude montée finale vers le col
Besiberri Sud vue depuis le col d'Abellers
L’ultime pente qui mène au Besiberri Sud n’est qu’une formalité, après ce que l’on vient d’affronter. D’ailleurs, l’essentiel des randonneurs présents sur la pente terminale, sont venus par le versant Sud depuis Caldes de Boí pour éviter cet accès ardu. Me voici sur la cime du Besiberri Sud à 11h14, après 4h52. Le temps d’ascension n’est pas très significatif, car il faudrait retrancher le temps passé dans le Besiberri Nord. Profitons un peu de la vue vers l’Est. Les crêtes accidentées séparent de très beaux plateaux lacustres.
Vue vers le Sud sur le Comaloforno
Vue vers le Nord sur le Besiberri N
Vue vers l'Ouest sur le massif de l'Aneto
Les estanys Gelats de la coma d'Abellers
Les estanys Gelats de la Comaloforno avec la Punta Alta
Les estanys Gelats de la Comaloforno
Ma cheville tient toujours le pavé, profitons-en. Le temps de quelques images, et je jette mon dévolu sur le plus haut sommet local, le Comaloforno. L’arête séparant les deux cimes est l’accès le plus direct. Un couple d’Espagnols s’engage sans connaitre, je vais les suivre. Rapidement, ils se trouvent dans une impasse. J’évite la première difficulté en passant sous l’arête, et je me hisse sur le bastion rocheux suivant. Là c’est vraiment vertigineux et très exposé. Il faudrait avoir une corde et être à deux. Demi-tour impossible, je trouve un échappatoire sur ma droite. Je ne remonterai plus sur le fil de l’arête, beaucoup trop dangereux. Le couple d’Espagnols va se risquer à plusieurs tentatives sur le fil, qui resteront vaines. Pour moi, le présent consiste à rattraper l’itinéraire de la voie normale, quelques 30 mètres plus bas. Del dicho al hecho hay gran trecho : le dire est une chose, le faire en est une autre. Ce n’était clairement pas une bonne idée, car c’est de la désescalade permanente. Je respire enfin normalement quand je retrouve un semblant de chemin. Le final est une sorte d’escalier géant sur lequel sont empilées des assiettes, autant dire que le terrain est instable. Et par une petite cheminée, on finit par atteindre le point culminant. Enfin, ça c’est fait ! Pic de Comaloforno à 12h15 et 5h39 au total. Cette fois le plaisir est total. Es la hora de disfrutar, comme on dit par ici. Je vais donc prendre le repas sur place. Le couple d’Espagnols arrive plus de 20 minutes après moi ; ils m’expliquent que pour les puristes, ce sommet affichant une altitude de 3029 mètres, est considéré comme le point culminant de la Catalogne, car totalement dans les terres, contrairement à la Pique d’Estats qui partage un versant frontalier. Le reste en images.
L'escalier terminal
Besiberri Sud, Besiberri del Mig et Besiberri Nord
Massif de l'Aneto et Vallibierna à gauche
Gros plan sur la proche Punta Alta
Gros plan sur le Montardo avec dans le fond le Mont Valier
Punta Senyalada à gauche et pic d'Abellers à droite
La pause durera moins d’une heure, et à 13h03 je prends le chemin du retour. Il n’y a plus qu’à suivre le sentier qui passe par le col d’Abellers. Il passe sous des piliers qui paraissent soutenir l’arête. Une fois au col, il est trop tentant de gravir la cime du pic d’Abellers. Son versant Nord tellement impressionnant ne laisse pas imaginer un final « rondouillard ». Par un rebond, me voilà à 13h42 sur ce haut sommet. Il est 13h42, et 6h18 de marche. Et de trois pour aujourd’hui ! Ce sommet offre un regard sur l’intégralité de l’arête des Besiberris et la vallée éponyme. Comme ses voisins, il y a peu de place sur son faîte, je suis rassuré de m’y trouver seul.
Plein centre le Besiberri Sud vu depuis le pic d'Abellers
Besiberri Nord et Besiberri del Mig
Pour le retour, il me reste à revenir sur mes pas, et perdre 1400 mètres par l’itinéraire de montée. Le plus délicat va être la descente du col dans le petit cirque. C’est un couloir où rien ne tient au sol car trop incliné. Avec le passage trop important des marcheurs, une gorge s’est creusée, et toutes les pierres plongent dans la pente. C’est dangereux au possible ! Une plaque mortuaire est là pour en témoigner. Une fois parvenu au bas du couloir, j’utilise avantageusement un long névé pour avancer plus vite.
Le couloir est effrayant
La suite n’est qu’on long retour, mais toujours agréable. D’ordinaire, ce genre de retour m’ennuie, mais là, je sais d’où je viens, que je ne reviendrai certainement jamais, alors j’en savoure tous les mètres, chaque caillou, chaque fleur, chaque instant. Ma cheville droite ne m’autorise pas à avancer vite, mais au moins je peux encore marcher. Je termine à 16h56, en 9h15. Malgré les difficultés techniques, le dénivelé important et le terrain agressif, je termine en bonne forme. Attention toutefois à ne pas sous-estimer cette course. Nous avons affaire à des sommets qui opposent une certaine résistance.
Les cairns ici ont fière allure
Le refuge idéalement placé pour couper l'ascension en deux
Trace du jour sur carte Espagnole
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 9h15 pour 20,4 km à 2,2 km/h
Dénivelé positif total : 2000 m – Autant en négatif
Point culminant : 3029m
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