Col des Oulettes en hivernale
04/03/2023 – Jour 1 : La Raillère – GR10 – Pont d’Espagne – lac de Gaube – Refuge des Oulettes de Gaube
Après une première découverte du versant Nord du Vignemale en février 2021, je reviens dans ce secteur mythique des Pyrénées Centrales, toujours accompagné de mon fidèle et infatigable Joël, avec la ferme intention de se hisser au sommet. Un appel au PGHM m’a rassuré sur les conditions de risques d’avalanches, mais pas sur les conditions de qualité de neige. Qu’importe, nous tentons l’aventure. Puisque nous avons du temps et que la météo est parfaite, il n’y a aucune raison de monter en voiture au Pont d’Espagne. Départ du parking de la Raillère à 11 heures. Nous suivrons le sentier du GR10. La montée ne présente aucune difficulté malgré la présence de neige constante. Ce sentier est ponctué de nombreuses cascades sur le Gave du Marcadau. C’est le principal intérêt de cet itinéraire. Nous parvenons au Pont d’Espagne à 12h48, pour une montée en 1h48. Nous prendrons le repas sur place, sous un soleil insolent. Je vais rencontrer un groupe de sympathique Ariégeois qui revient d’un séjour de 7 jours de ski dans le secteur. Le monde de la montagne est bien petit !
Point de départ à l'établissement thermal
Cascade de Pouey Bacou
Cascade du pont d'Espagne
13h30, c’est reparti, toujours en suivant le GR10. Le balisage rouge et blanc est le fil conducteur du jour jusqu’au refuge. Ce sentier est tellement fréquenté qu’il est parfaitement tracé ; il est inutile de chausser les raquettes. Il y a même des tailers en baskets et tee-shirt, c’est dire ! Nous parvenons au lac de Gaube à 14h20, pour 2h38. C’est pratiquement la moitié de l’ascension qui vient d’être effectuée à ce moment.
Le Vignemale apparait enfin tout au fond
Sans plus attendre, nous chaussons les raquettes et nous engageons la traversée sur le lac gelé. Une bonne plaque de glace vive recouvre la surface du lac de Gaube. Au bout du lac le sentier va prendre de la hauteur. C’est pour moi, la partie la plus longue de la journée. Cela parait interminable, même si nous avons en point de mire le patron, l’imposante face Nord du massif du Vignemale. La marche en raquettes dans les nombreuses traces permet de ne pas trop s’enfoncer, mais hors des traces, la neige nous avale les jambes. Cela donne un aperçu de ce que sera l’ascension du lendemain. Nous arrivons au confortable refuge des Oulettes de Gaube à 16h46. Nous aurons mis 4h54, un temps honorable pour la saison avec un sac lourd. Vu depuis le refuge, la Pique Longue est vraiment impressionnante, imposante, écrasante. Une puissance impalpable ce dégage de cette face.
Sur le lac de Gaube
En remontant le gave des Oulettes
Le refuge se trouve au tout au fond
Couloir Ledormeur
Le refuge est gardé, nous aurons donc tout le confort à 2151 mètres. L’accueil est exceptionnel, à l’image de ce que sera le repas : qualitatif, quantitatif, merveilleusement délicieux. Rien que pour la prestation, il faut venir aux Oulettes. Nous sommes les seuls à vouloir tenter l’ascension par un couloir, si bien que nous ne tardons pas à se glisser sous la couette. Le sommeil sera court.
Gros plan sur le cirque du Clot de la Hount
Col des Oulettes à droite, le col est visible depuis le refuge
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 4h54 pour 13,26 km à 2,7 km/h
Dénivelé positif total : 1144m – Dénivelé négatif total : 24m
Point culminant : 2151m
05/03/2023 – Jour 2 : Refuge des Oulettes de Gaube – Col des Oulettes (2606m) – Refuge des Oulettes de Gaube – lac de Gaube – Pont d’Espagne – La Raillère
J’ai contacté 72 heures plus tôt le PGHM local pour avoir des informations sur les conditions locales. Le gendarme me rassure que le niveau actuel des avalanches qui est passé en niveau 2 sur 5, mais il est formel sur les conditions générales de neige : « Sans ski je n’irais pas. Si toute fois vous avez la condition physique pour brasser, ce sera un enfer, une folie inhumaine. Il faut être un sacré alpiniste pour tenter pareille folie sans ski en hiver ». Voilà, nous sommes prévenus, nous ne partons pas pour la kermesse du village !
Le réveil sonne à 3h30, nous quittons le refuge une heure après les raquettes aux pieds. Le regel semble avoir été bon, du moins autour du refuge. Il faut se rendre au col des Oulettes. Nous suivons de belles traces de ski de la veille. Heureusement que ces traces existent, car cela évite de s’enfoncer trop profondément. La pente est forte, vraiment très raide. Sans un mot, chacun gère son effort. Notre univers se résume au halo de la lampe frontale. Il faut franchir un premier mur qui conduit dans une cuvette, puis un second mur avec une nouvelle cuvette, et enfin un troisième. Nous ne respectons pas nos corps face à la consommation énergétique que demande cette surface trop molle. Je ne compte pas le nombre de fois où la neige s’est brisée sous nos pas, où il fallut trouver un second souffle, un troisième parfois, mais nous parvenons au col en 1h35. Or, je vais faire une énorme erreur de jugement à cet instant. Dans l’obscurité d’une nuit d’encre, j’ai confondu le col des Mulets avec celui des Oulettes.
Hourquette d'Ossoue et Pic de la Séde
Comment reconnaitre un col lorsqu’il n’y a aucun panneau ! Joël me dit qu’il faut poursuivre derrière l’arête, mais il était passé ici même dans le brouillard en 2021 ; il n’a pas plus de certitude que moi. Persuadés que nous sommes trop au nord, nous allons marcher vers le sud en suivant au mieux des courbes de niveau, cette fois en crampons. Le jour se lève doucement. Nous venons buter sur les escarpements rocheux de l’arête de Gaube, sans encore le savoir. Nous allons devoir perdre du dénivelé avec l’idée que le petit cirque du Clot de la Hount est plus au sud. Cette fois il fait jour, mais nous ne reconnaissons rien. Nous arrivons au pied d’un couloir à 8 heures, après 3 heures d’efforts intenses, et nous sommes dans une impasse. Nous sommes au soleil alors qu’il faudrait encore être à l’ombre. Je pousse la marche pour confirmer la position : un pas de plus et j’aperçois le couloir de Gaube. Nous nous sommes fourvoyés. Il fallait passer la frontière au col, je le sais à présent.
Joël venant du col des Oulettes
Nous nous approchons des escarpements de l'Arête de Gaube
Le soleil se lève à l'Est de la Hourquette d'Ossoue
Le haut vallon des Oulettes de Gaube
L'impasse, un mini cirque menant au demi-tour
Un beau couloir totalement sec
Dans le vide, le couloir de Gaube n'est pas bien loin
Nous sommes en versant Est et le soleil chauffe déjà trop une neige sans consistance. Impossible d’essayer de reprendre du dénivelé dans ces conditions. Ma jambe droite va plonger dans un vide dont je ne vois pas le fond ; heureusement, j’ai un appui solide sur la jambe gauche qui me permet de m’extraire de ce piège. Plus loin, ce sera Joël qui va disparaitre jusqu’à la poitrine. Il est urgent de faire demi-tour et abandonner toutes idées d’ascension. La marche en crampons est impossible, à peine mieux en raquettes, alors changement de matériel aux pieds. Cap sur le refuge. Nous croiserons de nombreux skieurs, nous faisons tâche avec nos raquettes. Lorsque nous parvenons au refuge à 10h05 [4h40], nous convenons qu’il est inutile de rester sur place, la journée est perdue pour une tentative de sommet.
Pic Arraillé à l'Est
On peut apprécier la profondeur de poudre
En descendant du col des Oulettes avec le point de l'impasse
Le temps de rassembler les effets laissés au dortoir, de payer nos dettes, et nous prenons la direction du fond de la vallée à 11h20. Par une marche soutenue et continue, nous parvenons au lac de Gaube à 12h40, après 6 heures d’efforts réels. Nous sommes affamés, pause obligatoire. L’endroit est merveilleux pour reprendre des forces, et il fait même trop chaud, un comble pour un hiver à 1700 mètres. Nous n’avons plus besoin des raquettes.
La carte postale des Oulettes de Gaube
L'esthétique de la vallée n'est pas à démontrer
Le lac de Gaube en point de mire
Avec le recul depuis la terrasse du refuge, le cheminement semble tellement évident, mais il en était autrement quelques heures plus tôt, car la crête frontière masquait totalement le cirque suspendu du Clot de la Hount. Nous repartons à 13h20 pour dévaler d’une traite le GR10 jusqu’au point de départ. Au fond de moi il y a de la déception d’avoir manqué une occasion rare de gravir ce sommet par un couloir, car les conditions météo étaient parfaites, mais réussir un sommet, principalement en hiver, n’est pas un dû. Cela relève toujours de l’exceptionnel. Il faut apprécier les réussites à leurs justes valeurs. Renoncer n’est pas un aveu d’échec, bien au contraire, car cela participe à l’apprentissage, à la connaissance d’un massif. Et comme le dit si bien Joël : « être en montagne est déjà un privilège ». We will be back ! Nous en terminons à 15h11, après 7h53. Rendez-vous pris pour très bientôt.
Carte de la partie haute du parcours :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 7h53 pour 18,3 km à 2,3 km/h
Dénivelé positif total : 648m – Dénivelé négatif total : 1740m
Point culminant : 2757m
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