Pic de Coma Pedrosa, toit de l’Andorre, depuis Soulcem
14/09/2013 : Orris du Carla – étang de la Soucarrane – Port de Bouet (2509m) – les étangs de Baïau – Port de Baïau – Pic de Coma Pedrosa (2942m) - Port de Baïau – Collada dels Estanys Forcats (2745m) – Pic de Racofret (2838m) – vallon de Soulcem – orris du Carla
Il y a quelques temps que je comptais gravir ce haut sommet qui avoisine les 3000m. C’est le plus haut sommet de la principauté d’Andorre, il mérite une visite. Et pour cette première découverte, quoi de plus élégant qu’un départ depuis la France. Le point de départ sera donc le barrage de Soulcem au dessus du hameau de Mounicou.
Je quitte le parking des orris du Carla à 7h exacte, le jour se lève à peine et la température de 8°C m’oblige à me couvrir. Il faut emprunter une piste caillouteuse, qui remonte le torrent de Soulcem par sa rive droite, jusqu’à la cascade de Labinas. Ensuite on quitte la piste pour changer de rive et s’engager sur un sentier balisé. Il est pavé par endroit pour faciliter la marche du bétail qui l’emprunte.
Pic de Médécourbe au centre
C’est en pente douce que ce fait cette progression, en guise d’échauffement. Sans difficulté, j’arrive à 7h35 à un premier croisement, indiquant l’étang de Roumazet. Ce n’est pas ma destination du jour, bien qu’on puisse se rendre à cet étang pour effectuer la suite du parcours. Je continu la remontée de ce large plateau, toujours parallèle au torrent, jusqu’à l’intersection suivante. Il est 7h48.
C’est ici qu’il faut monter
Cette fois, je mets le cap sur l’étang de la Soucarrane. Il fallait s’en douter, nous sommes bien en Ariège, donc ça monte fort. Le sentier ondule au milieu des pelouses de gispets, et si on oublie la pente, cette prise de hauteur est plutôt agréable. Cette montée a pour avantage de chauffer mon organisme ; je m’arrête pour me mettre à l’aise, et je poursuis la grimpette.
Pic de Médécourbe à gauche qui capte le regard
A l’approche de l’étang, le sommet qui le domine apparaît déjà : le pic de la Soucarrane ou pic de La Rouge.
Pic de la Soucarrane ou pic de La Rouge
A 8h34 j’arrive à l’étang de la Soucarrane, tout illuminé du soleil qui l’inonde. La surface est un miroir étincelant où se reflètent les cimes voisines. C’est un étang accueillant où les berges sont accessibles de toute part, un coin idéal pour un bivouac. C’est la première belle découverte de la journée.
Etang et Pic de la Soucarrane au centre
Le sentier quitte rapidement la berge pour monter entre pelouse et rochers.
La pente est cette fois moins forte, c’est plus agréable. La prise de hauteur donne une nouvelle perspective à l’étang, dans mon dos.
Etang de la Soucarrane vu de haut
La montée finale sur le port de Bouet est un régal, ni trop raide, ni trop « molle », juste ce qu’il faut pour progresser rapidement. Le port de Bouet (2509m) est une porte sur l’Espagne, que je franchi à 9h05, en seulement 2h02. Là, c’est la seconde surprise de la journée, puisque au loin, se dresse fièrement le massif de l’Aneto. Le glacier a perdu sa splendeur du mois de mai, mais n’en reste pas moins captivant.
Au port de Bouet
Massif de l’Aneto
Vue sur l’Espagne où je vais, au centre le pic de Monteixo
Vue sur la France d’où je viens
Des brebis sont là au port, paisibles, peu farouches. Après un moment de contemplation, je descends vers l’Espagne. Un sentier balisé de façon discrète en blanc et rouge, serpente dans la pelouse. Je dois me rendre sur la gauche, or une profonde vallée empêche de s’y rendre directement. Je dois perdre du dénivelé afin de trouver un passage entre les barres rocheuses. D’ailleurs, on aperçoit parfaitement au loin le refuge vers lequel je dois me rendre. La perte de dénivelé est rapide sur une pelouse agréable. Un peu plus bas, sur un replat herbeux, des isards batifolent. Je décide de me rapprocher d’eux.
Ils ne m’attendent pas et disparaissent promptement dans un bosquet. Seulement, moi j’ai perdu trop de dénivelé. Il s’agit à présent de traverser ce replat et remonter en face, une bute. Il y a là des murets de pierres sèches et une vague sente, qui trahissent la trace des hommes dans un passé pas si lointain. Etant concentré à trouver un passage, je sursaute brusquement sur un sifflement strident d’une marmotte. Je n’ai pas eu le temps de la voir. Allez ce n’est pas grave, j’ai trouvé un passage, je monte sur ce promontoire pour chercher la suite. Je découvre que j’ai perdu trop de dénivelé. Au Port de Bouet, il aurait fallu perdre 50m et pousser la marche à gauche en suivant un ru qui prend sa source sur le versant Sud/Ouest du pic de la Soucarrane.
La vallée de Baïau
Trop tard pour cette fois, je navigue entre pins à crochets, barres rocheuses et pelouses, pour arriver enfin sur la rive du large torrent de Baïau. En remontant le cours d’eau, en moins d’une minute, je trouve un passage plus étroit du torrent et un gros cairn sur l’autre rive, indiquant qu’il faut traverser là. Coïncidence ou flair, j’ai trouvé sans difficulté, à 10h10, le passage qui semblait improbable vu d’en haut. Ce point se trouve à 2170m. Un vague sentier remonte la vallée ; c’est lui que je vais suivre. Mais rapidement je le perds. Qu’importe, je sais où je vais, c’est à moi de louvoyer pour chercher mon chemin. Comme il fait beau, c’est sans difficulté et même avec un certain plaisir que l’on joue à lire le terrain et le confronter à la carte.
Ça monte par bonds successifs sur de petites butes. Je commence à faiblir et ce n’est que le début. Ma marche m’amène à m’approcher des étangs d’Ascorbes, qu’il faut laisser sur la droite. J’arrive enfin au plus petit des 2 étangs de Baïau à 11h07. Cela fait 3h53 que je marche.
Port de Baïau à gauche
Le temps est magnifique, le site donne envi de se poser là. J’admire un instant ce petit cirque, puis, mon itinéraire me conduit au refuge Joseph Maria Monfort, juché sur un éperon rocheux, à cheval entre les 2 étangs. C’est un refuge non gardé de type wagon, solidement haubané par des câbles. J’y suis rendu après 4h04 de marche.
Quatre sympathiques allemands ont passé la nuit dans le refuge et m’indiquent la suite pour le port de Baïau. Il faut descendre jusqu’au déversoir du grand plan d’eau, puis passer rive droite et suivre les cairns. Le déversoir est verrouillé par un solide névé.
Pour ne pas remonter au refuge et contourner cette difficulté, je traverse prudemment cet obstacle. Une fois sur l’autre berge, le terrain change radicalement. C’est un chaos de roches qu’il faut traverser. Le cheminement se faufile au mieux au milieu de cet entrelacs de dalles instables. On prend rapidement de la hauteur, pour dominer l’étang, puis on arrive au pied du port de Baïau.
Le grand étang de Baïau
Raide, rude, minérale, difficile, la montée au port de Baïau est un morceau d’anthologie. Elle se compose de petits éboulis croulants, qui glissent dés que l’on pose le pied dessus. Il faut déployer une énergie considérable pour prendre de la hauteur. La pente avoisine les 50°. Depuis le col du Kongma La au Népal en 2011, je n’avais rien connu d’aussi éprouvant. Malgré la panne d’énergie, je fini quand même par franchir le port de Baïau à 12h21. Il m’aura fallu 4h57 pour entrer en Andorre.
Au Port de Baïau et Pic de Coma Pedrosa à droite
Les étangs de Baïau vus depuis le port
La suite se trouve sur ma gauche. Pour éviter de descendre dans une dépression et reprendre le chemin, je traverse un long éboulis, qui m’améne, de niveau, à la collada del Forat des Malhiverns, au pied de l’ultime ascension.
Port de Baïau et Pic Sanfonts vu depuis le dernier col
Celle ci s’effectue au milieu d’éboulis et de bout de sentier. A 12h53, j’arrive enfin sur le sommet de la Coma Pedrosa. Les 2942m du toit de l’Andorre sont vaincus en 5h25. Ouf, que c’était dur ! Mais la récompense est au rendez-vous. Les autres randonneurs présents au sommet sont montés depuis la station d’Arinsal, via le refuge de Coma Pedrosa. Pour eux, c’est une formalité qui s’effectue en moins de 3h. Ils sont surpris en apprenant que je viens de si loin. Nous partageons nos connaissances sur les proches sommets. Une odeur va m’incommoder rapidement : cela sens l’urine, et je vais vite comprendre pourquoi. Les traileurs, activité de montagne à la mode, en arrivant au sommet, se délestent de leur urine ici même. Ce n’est pas des plus judicieux ! Il m’aura fallu de nombreuses minutes pour récupérer des efforts de la matinée, et pouvoir enfin manger.
Mais pour le moment, l’heure est à la contemplation. Voyez plutôt : du Carlit à l’Est à l’Aneto à l’Ouest, les Pyrénées sont là. Les pics ariégeois vus de dos : les Mont Rouch, le Mont Valier, le Certescan, les 3000 avec le Pic du port de Sutllo(3072m), la Pique d’Estats(3143m), le Montcalm(3077m), puis le pic de Broate, le proche Médécourbe, le Tristagne, le Ruhle, ils sont trop nombreux pour tous les énumérer. Oui, la Coma justifie son statut de toit de l’Andorre ; c’est un belvédère de premier choix.
Mont Rouch à gauche, Mont Valier à droite
Massif de Certescan au fond en clair
Les 3000 locaux
Par delà le Forat dels Malhiverns (le trou des mauvais hivers), se trouve le chemin du retour, mais pour cela, je dois revenir en Espagne.
A 13h45, je quitte le sommet, pour un retour sur mes pas jusqu’au port de Baïau. La descente se passe mieux que la montée. Le tapis de petits éboulis glissant sous mes pieds, cela aide même à condition d’avoir des bâtons. Puis je pars rapidement sur la droite dans les dalles pour contourner la Roca Entravessada. Par endroit, les pierres sont disposées de telle manière que l’on peut voir que cet itinéraire, complètement insensé, est pratiqué. C’est le plus logique car cela évite de descendre à l’étang pour remonter ensuite. Néanmoins cela demande beaucoup de vigilance pour les chevilles, et un bon sens de l’équilibre. Une fois la traversée effectuée, un dernier coup de rein est nécessaire pour franchir le col. A 15h06, je suis rendu à la Collada dels Estanys Forcats (2745m), pour 6h40 de marche. Nouveau passage en Andorre. C’est moins fréquenté que le Pas de la Casa !
Les 3 étangs Forcats vus du col
La suite se passe sur le bord de l’étang supérieur, que l’on rejoint facilement, et pratiquement de niveau. Le second étang est encore pratiquement gelé.
Pic de Coma Pedrosa au second plan, Roca Entravessada au premier plan avec les étangs Forcats
Puis il faut se rendre à une échancrure sur la crête, à la base du pic de Médécourbe. Ici on retrouve la frontière Franco-andorrane. Je parcours la crête, aérienne, jusqu’à rejoindre une pointe nommée par les cartes Espagnoles Pic de Racofret.
La crête et le sommet en point de mire
Le pic de Racofret (2838m) est atteint à 15h37, après 7h09 de marche. La fatigue s’insinue peu à peu dans mes jambes. Un randonneur français se trouve là un peu égaré. Nous faisons un point ensemble et il poursuit son chemin. Ce sera la seule personne croisé depuis la Coma Pedrosa et la voiture, c’est dire si c’est peu fréquenté.
Le sommet
Zoom sur le Pic Carlit vu depuis la crête
Les 3 sommets trimillénaires
Je poursuis la suite de la crête et à la première possibilité, je plonge définitivement en France, dans la vallée de Soulcem. C’est extrêmement incliné, l’aide des bâtons est indispensable. Cela ferait un excellent couloir d’alpinisme, en hiver.
Vallée de Soulcem où la voiture m’attend au plan d’eau
Des isards jouent sur un névé, tout en bas de la face. Ceux sont les premiers isards que je vois en Ariège depuis bien longtemps, mais ils sont farouches et ne se prêtent pas à la pause photographique. Cette descente très verticale permet de perdre rapidement du dénivelé sans faire souffrir les articulations. C’est tant mieux car une fois rendu à sa base, la suite est très longue. On retrouve ensuite l’herbe, et de-ci, de-là, des cairns qui nous conduisent jusqu’à la piste forestière. A présent, il ne reste plus qu’à suivre celle-ci qui descend jusqu’au parking.
Le col d'où je viens
Cascade de Labinas
C’est un peu monotone mais rapide. Il est 17h57 quand j’arrive à la voiture. J’ai bouclé ce périple en 9h15, que ce fut long. Pourtant, hormis le moment de faiblesse en montant au port de Baïau, je n’ai jamais trouvé ce parcours ennuyeux. Il y a tant de sommets à atteindre sur ces crêtes, tant d’étangs à découvrir dans cette vallée, que je recommande à chacun, de venir au moins une fois aux orris du Carla, il y en a pour tous les niveaux. Cette randonnée est à réserver aux randonneurs chevronnés, aux montagnards en somme. Le dénivelé, la nature du terrain et souvent l’absence de balisage pourraient en décourager certains, pour les autres, ce périple est fait pour vous.
Tracé sur carte Espagnole
La journée en chiffres :
Temps de marche total 9h15 pour 27,3 km à 3,5 km/h
Dénivelé positif total : 1987m – Autant en négatif
Point culminant : 2942m.
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