Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic de Gallinas depuis le refuge de la Carança en hivernale

12/03/2016 - Jour 1 : Prats-Balaguer – Aire de la Matte – Els Collets d’Avall - GR10 – col Mitja (2367m) – refuge Ras de la Carança – sous l'estany de la Carança – Ras de la Carança

 

Voilà longtemps que je souhaitais retourner dans le parc naturel régional des Pyrénées Catalanes, secteur des Pyrénées-Orientales que je trouve particulièrement beau, peut-être même le plus beau de ce département. Le plus sauvage, ça c’est certain. J’ambitionne d’aller dormir par delà la frontière franco-espagnole, au refuge de Coma Vaca. C’est avec mon fidèle frérot Yannick que nous partons à l’aventure.

L’enneigement du moment nous contraint à partir d’assez bas, depuis le village de Prats-Balaguer. Nous laissons donc la voiture devant la charmante église du village, et partons à 8h20 à travers champs pour rattraper le sentier qui passe à l’Est du pic de Coucouroucouil. Les raquettes sont rapidement indispensables tant la couche de neige est importante, et ce malgré des traces de passage de la veille. La prise de dénivelé est rapide mais progressive.

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Sur notre gauche le col Mitja notre objectif

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Sur notre droite la vallée de la Riberola

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Il fait plutôt chaud et pas un souffle d’air pour contrarier cette belle météo. Dans ces conditions parfaites, nous arrivons à 10h14 à la cabane de la Jaça dels Collets après 1h38 de marche. Une courte pause et l’on repart sur les rampes du col Mijta, bien connu des randonneurs qui parcourent le GR10.

 

Dans notre dos la Jaça dels Collets, le Capcir à gauche et le massif de Madres à droite

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Nous parvenons sans trop de fatigue apparente au col à 11h, pour 2h17 d’ascension continue. Voilà 1000 mètres avalés. Sans le savoir, la fatigue aura fait son œuvre pour la suite. Il nous reste à effectuer la descente directe au refuge du ras de la Carança.

 

Col Mitja

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Des corniches en suspension ornent le versant de la vallée de la Carança. Le Pic Redoun domine le col.

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On ne passe qu’avec de la vigilance en contournant ces difficultés. Puis c’est droit dans la pente. Malgré nos raquettes, on s’enfonce profondément, parfois jusqu’aux genoux. Avec l’inertie, on s’extrait facilement de ces pièges invisibles, mais il en serait autrement à la montée. On coupe plusieurs fois l’antique piste pour aller au plus court. A 11h55 nous parvenons au refuge du ras de la Carança après 3h07. Nous sommes dans les temps estimés, il est temps de se restaurer.

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Nous nous attablons à l’extérieur en profitant pleinement des rayons ardents d’un soleil presque printanier. Deux pécheurs venus faire l’ouverture de la pêche en rivière sortent du refuge. C’est leur camp de base pour plusieurs jours. Un troisième personnage apparaît, un espagnol seul qui est arrivé la veille sans équipement hivernal depuis le haut de la vallée de la Carança. Nous essayons de converser avec celui-ci mais il ne parle pas un mot de Catalan ni de Français. Les pêcheurs sont plus loquaces et plus avenants. Nous leur indiquons que nous repartons en direction de la frontière, mais ils ne pensent pas cela faisable à la journée en cette saison. Qu’importe, nous allons essayer. A 13h, on se souhaite une bonne fin de week-end et on reprend notre marche, cap au Sud.

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Il s’avère que cette fois la marche est bien plus pénible qu’au matin. Il nous faut faire nos propres traces dans une neige froide qui n’a aucune consistance. C’est très énergivore. A tour de rôle avec Yannick, on effectue des relais mais la progression est fortement ralentie par cette neige lourde et collante. On perd beaucoup d’énergie à s’extraire des trous de 30cm à chaque pas. Il va falloir multiplier par deux les horaires estivaux. Rampe après rampe, l’énergie me manque pour avancer efficacement.

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De plus, on perd du temps à chercher le meilleur itinéraire entre les arbres et les rochers qui dépassent de cette banquise. Lorsqu’on arrive sur le long plat menant à la Basseta, un bruit sourd venant de nulle part nous surprend. Cela ressemble à un effondrement mais rien n’a bougé autour de nous. On avance sur cette étendue blanche immaculée quand à nouveau ce bruit étrange, sourd, comme un souffle se fait entendre. Une troisième fois cela se produit mais cette fois cela nous glace sur place. C’est le sol sous nos pas qui semble littéralement s’effondrer. Les différentes couches de neige des chutes successives ne se sont pas liées entre elles, et sous l’effet de notre poids, cela s’effondre en sous-sol. Ouf, rien de grave puisque à cet endroit le sol est plat, mais cela pourrait provoquer des avalanches sur des pentes plus prononcées. A 15h30, il faut se rendre à l’évidence, je n’arriverai pas à franchir le col ; la vallée est bien trop longue. Le défi est trop grand en cette saison. Nous sommes au pied du dernier ressaut où se trouve l’étang de Carança. Je n’ai plus l’énergie requise pour avancer rapidement. Il serai vain de poursuivre notre ascension. La profondeur de neige aura raison de ma volonté. Il faut donc faire demi-tour.

 

Au centre le Pic de Racò Gros

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En reprenant nos traces le retour est bien plus rapide et plus efficace.

 

Au fond, le pic Redoun

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Qu’importe, nous dormirons en France ce soir, on changera nos plans pour le lendemain. Il est 17h04 quand nous retrouvons le refuge et ses occupants. Inutile de dire combien les pêcheurs ont rigolé devant notre retour et cette tentative inutile qui était vouée à l’échec dès le départ.

Nous prenons place dans le refuge qui ne compte que deux matelas et quelques couvertures toutes prises par les premiers servis. On laisse nos équipements inutiles derrière la porte, c'est-à-dire raquettes, piolets, bâtons et on monte dans le dortoir pour s’installer. L’Espagnol reste dans son coin tandis que nous bavardons de montagne avec ces deux habitués de l’endroit.

Nous allumons un feu et l’on invite l’Espagnol à réchauffer ses chaussures estivales près du foyer. Etrange insouciance que de venir de si loin, depuis la station de Vallter 2000, sans équipement minimal pour affronter l’hiver. Il monte se coucher rapidement car il compte se lever à 5h pour partir tôt puisqu'il sait que sa journée sera difficile. A 20h, deux Catalanes de Barcelone arrivent alors qu’il fait nuit noire. Elles sont ravies de trouver du feu et de la place dans le dortoir. Elles arrivent aussi de Vallter 2000 et repartiront comme l’Espagnol par la coume de Bassibès via le col du Géant. Pendant que les pêcheurs se délectent d’un cuissot de chevreuil grillé à la braise, avec Yannick, nous montons nous coucher en prenant soin de ne pas réveiller Fernando, l’Espagnol insouciant. Il ronfle comme un scieur de bois.

 

Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 6h42 pour 16,5 km à 3,3 km/h

Dénivelé positif total : 1461 m – Dénivelé négatif total : 959 m

Point culminant : 2367m

 

13/03/2016 - Jour 2 : Refuge Ras de la Carança – Pic de Gallinas (2624m) – Jaça dels Collets – Els Collets d’Avall – GR10 – cabane d’Aixeques – Roc d’Aumet – Prat-Balaguer

 

A 5h, le solitaire se lève, sort du dortoir à pas feutrés et je poursuis ma nuit de sommeil. La nuit n’aura pas été froide du tout, et il fait encore 11°C autour de la cheminée, alors que le thermomètre affiche -6°C à l’extérieur. A 7h, tout le monde se lève spontanément, je rallume le feu et chacun s’affaire à préparer son départ. L’ambiance est bon enfant, quand à 8h sur le point de partir, c’est la stupeur ! Je suis scandalisé par ce que je remarque !!! Il manque mes raquettes derrière la porte !!! Ce malhonnête, cet escroc, ce bandit, ce voleur de Fernando a volé mes raquettes. Nous avions pris soin de lui, fait du feu pour réchauffer ses chaussures et chaussettes, et respecté jusqu’à son sommeil de ronfleur, et en guise de remerciement il me vole sournoisement. Le vol est une chose moche, mais là il me met salement en difficulté. Sait-il si je vais pouvoir retourner à mon point de départ sans ce matériel indispensable en ce jour ? C’est criminel ! Les pêcheurs de décolèrent pas : « le salaud, le salaud, on l’avait nourri, il avait prémédité son coup ». Les deux jeunes Catalanes sont outrées, elles s’excusent presque de cet acte scandaleux et impardonnable. Je n’avais jamais vu ça dans les Pyrénées, surtout dans un refuge si loin de tout où l’on pensait naïvement que seuls les puristes venaient ici avec de bonnes intentions. On ne peut décidément faire confiance à personne.

La journée sera donc compliquée pour moi, pas le choix, il faudra faire sans raquettes. Elles avaient seulement deux sorties ; il ne s’est pas trompé dans son choix cet ignoble voleur.

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Nous quittons le refuge à 8h20, direction le col Mitja. Evidemment la neige ne me porte pas. Yannick reste en surface alors que je m’enfonce parfois jusqu’aux genoux. Mon salut passera par nos traces de la veille qui ont subi un léger regel, suffisant pour m’éviter de m’enfoncer à chaque pas. Plus on s’élève et plus la profondeur de neige est conséquente, mais je ne m’en sors pas si mal. 100 mètres sous le col, c’est trop pénible, l’énergie consommée pour s’extraire de la neige est considérable. Comme nous avons le Pic de Gallinas dans le viseur, il n’est pas nécessaire pour moi d’aller m’épuiser jusqu’au col et j’incline ma marche en pleine face Sud pratiquement sèche. Il me suffit d’aller chercher les massifs de genets et les dalles de granit pour prendre de la hauteur et ainsi éviter la neige scélérate.

 

Pic Redoun et col Mitja

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Yannick prendra le goulet, moi j'irai sur la droite

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C’est la meilleure option, je monte avec aisance et je profite enfin de cette belle journée lumineuse. Dans notre dos, nous verrons au loin les traces de raquettes du voleur, en direction de la coume de Bassibès. Allez, assez ruminé, il faut profiter du paysage, et quel paysage !

 

Le dernier arbre à 2500 mètres

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De gauche à droite Pic de Racò Gros et Pic de Racò Petit

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A 10h53, nous arrivons sur une antécime parfait promontoire pour faire des photos vers l’Est

Les escarpements des gorges de la Carança avec au loin le Canigou

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Nous finissons les derniers 20 mètres de l’ascension et à 11h05 nous voilà sur le point culminant du jour. L’ascension nous aura pris 2h25, c’est 1 heure de plus que nécessaire en été. Sur le sommet un léger vent glacial nous fouette le visage ; sa morsure cruelle doit nous obliger à nous couvrir. Le pic de Gallinas avec sa position avancée et dominante sur la vallée de la Têt offre un panorama intéressant sur 300°. Au Sud/Ouest, le trop proche pic Redoun nous masque une partie des hauts sommets frontaliers.

 

Au sommet

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Plein Nord le massif de Madres

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Plein Est le massif du Canigou

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Après un début de journée mouvementée, j’aspire à profiter de l’instant présent, de savourer cette revanche sur la neige et d’admirer une grande partie du département. Depuis ce sommet pyramidal, on surplombe la voie de chemin de fer du train jaune, et le pont suspendu Gisclard semble minuscule. On mesure d’ici l’étendue de cette vallée de Carança si longue. L’épaule du Cambre d’Ase nous masque la vue vers le Puigmal. L’horizon devrait s’étendre jusqu’à la mer, mais un voile nuageux nous en interdit la vue. Après s’être délectés d’un panorama grandiose, nous quittons ce belvédère à 11h35.

Nouvelle séance de brassage pour moi, et je m’enfonce parfois jusqu’à mi-cuisse soit plus d’un mètre de profondeur. Mais avec l’inertie de la descente, il est plus facile de s’extraire de ces trous. A grandes enjambées le col Mitja est dépassé à 12h05. Nous reprenons nos traces vieilles de 24h et tout devient plus simple. Il est 12h28 quand nous arrivons à la cabane de la Jaça dels Collets. Nous aurons mis 3h18 pour venir ici. Nous prendrons donc là le repas, sous un soleil ardent. Sans le vent du sommet, la chaleur est presque excessive. Enfin la vie est belle !

 

Pic Redoun

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Pour le chemin du retour nous suivrons le GR10 pour passer à l’Ouest du pic de Coucouroucouil. 13h20, c’est reparti. Cet itinéraire n’est pas fréquenté en cette saison, et on perd facilement les balises du GR. Le côté agréable c’est que l’on a l’impression d’être des trappeurs seuls au monde. Les traces d’animaux sont nombreuses mais nous n’en verrons aucun.

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Au passage en versant Sud, vers 1900 mètres, la neige disparait totalement. Nous plongeons directement sur la cabane d’Aixeques puis le bassin d’Aumet. Au niveau du petit plan d’eau, nous empruntons le sentier antique des vaches, sentier qui reste longtemps en balcon, totalement sec, avant de déboucher au niveau du château en ruine du village.

 

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Il ne reste plus qu’à suivre la piste qui nous ramène à notre point de départ, à 15h12.

Eglise de Prats-Balaguer

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Sacré week-end qui m’aura donné deux leçons. Que d’une, en hiver la vallée de la Carança demande beaucoup d’humilité, et de deux qu’il ne faut jamais faire confiance en quiconque. Néanmoins nos montagnes sont belles. Elles méritent qu’on les respecte et que l’on s'y promène en toute quiétude. Le plaisir de les parcourir est bien plus grand que ces êtres méprisables que l’on ne devrait jamais rencontrer.

 

Trace GPS : http://www.openrunner.com/index.php?id=5825789

Fichier GPX à télécharger 

 

Tracé du jour sur carte IGN 1/25000ème

Carte Pic Gallinas.JPG

 

Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 5h05 pour 11,5 km à 3,1 km/h

Dénivelé positif total : 798 m – Dénivelé négatif total : 1303 m

Point culminant : 2624 m



15/03/2016
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