Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic de la Soucarrane par le couloir Nord/Est (PD+)

10/05/2018 : Orris du Carla – étang de Roumazet – couloir Nord/Est – Pic de la Soucarrane (2902m) – port de Roumazet – étang de Roumazet – Orris du Carla

 

Il y a dans le Vicdessos Ariègeois, au Sud des sommets trimillénaires, une couronne de pics culminant à plus de 2900 mètres. Le pic de la Soucarrane ou pic de la Rouge est de ceux-là. Je ne l’ai jamais gravi, et lorsque j’avais découvert le topo de Ph. Queinnec en version hivernale, cela avait suscité instantanément l’envie de découvrir ce sommet par un couloir. Les couloirs en Ariège sont si rares qu’il ne faut pas manquer une occasion quand elle se présente. En ce jour particulier où Quentin devient majeur devant la loi, et puisque nous ne pouvons pas être physiquement ensemble, c’est une forme de cadeau que je lui rends là.

Départ à 7h42 du parking des orris du Carla, où il faut remonter le cours d’eau. Première bifurcation sur la droite en direction de l’étang de Roumazet. Le volume d’eau qui descend de l’étang peut poser problème pour traverser le torrent. Le bon sentier qui permet de prendre de l’altitude est gorgé d’eau, mais cela n'entrave pas la prise de dénivelé.

 

Météo peu engageante au départ des orris du Carla

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Premier croisement à 8h15 après 32 minutes

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C’est sur les hauteurs de cette muraille qui compose la partie occidentale du plateau de Soulcem, que je trouve la neige de façon continue. Elle est gorgée d’eau mais porte suffisamment bien pour se passer des raquettes. En l’absence de balises visibles, il faut partir plein Ouest, en suivant le creux de ce vallon suspendu. Le ciel est si bas que cela ressemblerait à un jour blanc. La visibilité est fortement réduite. Je me fixe pour objectif d’atteindre l’étang et de faire un point météo.

 

Jour blanc à l'approche de l'étang de Roumazet

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Je parviens à l’étang de Roumazet à 9h13, après 1h23 d’échauffement. Je sens bien que la couche nuageuse est fine et ne demande qu’à se déchirer, mais à quelle altitude ? Il faut une bonne dose d’optimisme pour continuer dans l’inconnu. La montagne Ariègeoise est comme une femme pudique, elle ne dévoile ses charmes les plus intimes qu’aux plus méritants, aux plus patients, ceux qui savent la respecter, la mériter. Peu à peu, avec délicatesse elle lève le voile. Et ma persévérance sera récompensée. En avant !

 

Etang de Roumazet et pic de la Soucarrane bien au fond

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J'entrevoie la sortie du couloir en forme d'entonnoir

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La calotte blanche est la cime convoitée

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Après deux ressauts et 2h15, je chausse les crampons à 10h23, puis entame le couloir à 10h40. Les couloirs sont marqués par des coulées d’avalanches. Il ne me reste plus qu’à gravir cette pente en bordure de coulée. Cette neige de printemps humide ne porte pas parfaitement bien, elle s’enfonce beaucoup même, mais qu’importe, je m’en contenterai.

 

Le couloir N/E et le sommet à peine visible, à droite le port de Roumazet

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Gros plan sur le couloir et les coulées

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La pente de la partie la plus basse oscille entre 30 à 35°. Au niveau d’un bastion rocheux, le couloir commence réellement et l’inclinaison s’accentue sans pour autant dépasser les 40°. Pas de difficulté technique ; le seul risque pourrait venir d’une nouvelle coulée. Il ne faut donc pas trainer, d’autant que le couloir prend rapidement le soleil. C’est un couloir plaisant dans un environnement sauvage, austère. Il est aisé d’imaginer comment devait être le commencement du monde, lors d’une ère glaciaire, quand on se trouve comme moi, seul parmi ces crêtes et ces pointes déchiquetées. La montagne a ici des accents majeurs.

 

Dans mon dos quelques sommets comme le pic de Cabayrou plein centre

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Dans l'axe du couloir

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Tout un symbole de ce que fut l'ascension, les piolets s'enfoncent systématiquement jusqu'à la pane

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Entre bleu et blanc, on distingue à peine ma trace

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Seul à faire la trace demande autant de patience que d’abnégation, mais quel plaisir immense au final. Je suis attiré irrésistiblement vers cette ligne blanche qui marque mon horizon. La sortie sur la crête frontière se fait sans difficulté en l’absence de corniche. C’est néanmoins la partie la plus verticale approchant les 50°. Je termine cet exercice à 11h49. Il suffit à présent de tourner sur ma gauche et de remonter la crête. La neige est ici encore plus traitre, un trou m’engloutit la jambe droite. Rien de grave ; simple avertissement. Un ultime mur de 20 à 30 mètres de haut incliné de 50° barre l’accès à la cime. Le final est un faux plat qui conduit au point culminant. A 12h18, je parviens sur les 2902 mètres du pic de la Soucarrane ou pic de la Rouge pour les espagnols, puisque cette cime est frontalière.

 

Sortie si proche et si raide

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Depuis la sortie, vue vers le bas ; la photo écrase totalement l'effet plongeon

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Quelques dalles à éviter par la droite

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Pic de Monteixò en Espagne

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Aneto et Maladeta dans le lointain

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Mur final

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Arrivée sur l'arête faîtière

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Si je n’ai pas souffert du froid jusqu’à présent, un vent de Sud vient gâcher un peu ce moment de repos. Qu’importe le vent et le froid, trop d’efforts consentis pour partir si vite. Je décide de manger sur place, face à la Pique d’Estats. Tour d’horizon sur ce qui m’entoure. Un belvédère de premier ordre.

 

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Vue vers le Nord

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Vue vers le Sud

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Vue vers l'Est

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Vue Sud/Ouest

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Gros plan sur le Mont Valier avec sa silhouette caractéristique

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Comme en apesanteur, je savoure ce si vaste panorama, où le regard plonge profondément dans le vallon du Vall Ferrera. Il y a tant encore à découvrir dans ce secteur. Fin de ces instants de grâce à 13 heures ; les nuages montent promptement depuis Soulcem, il faut quitter le lieu. Direction le port de Roumazet en suivant au mieux la crête, selon l’enneigement. Il n’est pas utile de passer physiquement par le port de Roumazet, la neige permet d’éviter ce détour inutile, et garantit une descente rapide et sûre dans le vallon. Pris dans un dense brouillard, je retrouve mes traces laissées quelques heures plus tôt. Comme un fil d’Ariane, je vais les suivre jusqu’à regagner le sentier.

 

Dernier regard sur les grands d'Ariège : Pic de Sotllo(3072m), Pique d'Estats(3143m), Montcalm(3077m)

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Dans le creux le port de Roumazet

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Telles des îles dans une mer de nuage, quelques sommets émergent encore

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Etang de Roumazet dans la grisaille

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Je quitte les crampons à 2000 mètres [5h20], point de l’enneigement continu en ce jour. Il suffit alors de se laisser glisser vers le plancher du vallon. Fin presque trop rapide de cette escapade Ariégeoise à 15h13 pour 5h52. Encore un couloir agréable qui aurait mérité un meilleur regel, et où la principale difficulté réside dans la gestion de l'approche. Il permet de se hisser à plus de 2900 mètres, chose suffisamment rare pour mériter une visite.

 

Très beau débit pour la cascade de Labinas

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Tracé du jour sur carte IGN 1/25000

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 5h52 pour 13,3 km à 2,3 km/h

Temps pour faire le couloir : 1h09

Dénivelé positif total : 1214m – Autant en négatif

Point culminant : 2902m



12/05/2018
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