Pic de l’Albe par le couloir PIM-PAM-POUM (AD Inf)
01/03/2021 – Jour 1 : L’Hospitalet-près-d’Andorre – GRT68 – refuge de la jasse de Brougnic (2020m)
Le pic de l’Albe est l’un des sommets majeurs qui trône au fond de la vallée du Mourgouillou, en Haute-Ariège. Mais on peut également l’approcher par un itinéraire plus accessible. J’ai découvert il y a seulement 5 jours depuis le Tose de Pédourrés, la possibilité d’ouvrir une voie sur la face Est. De par son éloignement, cela demande une approche trop importante à la journée, pour arriver avant que les premiers rayons du jour aient chauffé la face. C’est ainsi que j’ai envisagé une approche avec nuit en refuge. L’occasion m’est donnée d’aller découvrir ce couloir avec mon ami Joël. Départ depuis l’Hospitalet-près-d’Andorre à 16h40. Nous suivons le sentier du GRT totalement sec de neige. Montée rapide au pont de la Jasse de Pouzole en 42 minutes.
Le manque de neige à cette altitude est choquant pour la saison
Le sentier passe sous la conduite d'eau forcée
Au pont de pierre, tourner à droite. Après la jasse Planel du Roux apparait la neige de façon plus présente. Il suffit de remonter la vallée. Après la retenue d’eau sur le ruisseau d’Arques, quitter le sentier et pousser légèrement la marche sur la droite. Le refuge pastoral de la jasse de Brougnic se trouve 70 mètres au dessus du GRT. Nous arrivons à 18h27 pour un temps de 1h46.
Retenue d'eau sur le Val d'Arques
Versant sud du Tose de Pédourrés
Couillade de Pédourrés plein centre
Refuge de la Jasse de Brougnic
Vue vers le Pic de l'Estanyol proche du col du Puymorens
Le haut du Val d'Arques finissant à la Couillade de Pédourrés
Le confort du refuge est très spartiate, mais cela suffira largement à nos besoins du soir. Un matelas, une table et un bâtiment étanche au vent, nous n’avons pas besoin de plus ; pas d’eau aux abords du refuge, prévoir un aller/retour de 15 minutes au torrent. Coucher à 20h30, le vent est absent, tout s’annonce pour le mieux.
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 1h46 pour 4 km à 2,3 km/h
Dénivelé positif total : 607 m – Dénivelé négatif total : 6 m
Point culminant : 2020m
02/03/2021 – Jour 2 : Refuge de la Jasse de Brougnic – Couillade de Pédourrés (2251m) – couloir Pim-Pam-Pom (AD Inf) – Pic de l’Albe (2768m) – couloir Dérobé – étang de Siscar – jasse del Forn – GRT68 – L’Hospitalet-près-d’Andorre
4h30, le réveil sonne. Un vent rageur fouette le refuge ; ses rugissements résonnent dans la vallée. Voilà un invité imprévu ; nous allons prendre le temps de se préparer afin d’attendre une accalmie. Et le calme survient à 6h20, cette fois c’est parti. Le clair de Lune nous éclaire suffisamment pour effectuer l’approche en direction de l’étang de Pédourrés.
Une partie du paysage durant l'approche
Vue sur le pic de l'Albe depuis l'étang de Pédourrés
Le temps de s’élever sur la couillade de Pédourrés et le jour nous rattrape. Le soleil n’est plus très loin, il va falloir aller vite. Nous passons ce vaste col à 7h28 pour 1h05 de mise en jambes. Nous poussons un peu plus en avant l’approche afin de cramponner au plus proche du bas du couloir. A 8h05 [1h15], nous engageons le couloir. Il n’y a pratiquement pas de cône de déjection, l’ascension débute immédiatement.
Face Est du pic de l'Albe vue depuis la couillade de Pédourrés
Le couloir vu 5 jours plus tôt
Aucune littérature sur cette face, nous partons en recherche totale d’itinéraire. Je passe en tête, j’aime faire la trace. Nous avançons d’un pas régulier en corde tendue. La neige n’est vraiment pas bonne dans la première partie, ça brasse jusqu’à mi-mollet. Mais sitôt que le couloir se redresse plus fortement, nous trouvons une neige béton. Malgré le fait que soleil nous chauffe les oreilles, la neige reste compacte. C’est une chance qui me pousse à aller voir au bout de cette première partie si la sortie passe en roche ou en neige. Et ça passe proprement en neige. Pim ça c’est fait !
Le couloir est la branche la plus à droite
Vue sur le Tose et la Couillade de Pédourrés durant l'approche
La photo ne reflète pas la véritable inclinaison
On peut estimer la profondeur du brassage
Le plaisir d'ouvrir la voie
Vue arrière depuis la sortie du Pim
La suite plein centre
La seconde partie du couloir est orientée Est/Nord-Est. Le vent vient partager un moment avec nous. La portance de la neige est là encore de qualité inégale. Le couloir a été soufflé, et l’on trouve autant de poudre que de neige béton, entrecoupé de passages en roche. Je trace devant dans les courts passages mixtes, Joël monte comme dans un fauteuil. Nous choisissons d’éviter les prochaines zones non protégeables au profit de neige plus profonde. L’ultime morceau de ce couloir finit par un ressaut bien raide de 50° en neige dure. Le vent me reçoit comme il se doit, avec vigueur et glacial. Sortie à 9h47, en 2h43. Pam, c’est du bon travail !
Seconde partie pleine face
La sortie est plus loin qu'elle n'y parait
La crête terminal avec la cime en vue au bout
Tose de Pédourrés depuis la sortie du Pam
La sortie débouche en pleine crête, à l’Est du sommet. Nous tombons immédiatement d’accord sur le fait que nous perdrions trop de temps à évoluer en crête, sachant qu’il y a deux brèches dont on ne sait rien sur leurs franchissements. Une seule solution, basculer dans le petit cirque suspendu, orienté Sud, pour aller récupérer un dernier petit couloir. La traversée en dévers demande une certaine attention ; la neige est parfaitement dure malgré l’orientation Sud. Il fait chaud à cet instant de la journée. Malgré la perte de dénivelé, nous avons récupéré progressivement le dénivelé, pour entrer immédiatement dans le dernier couloir. C’est un autre versant Est, mais dans un pli si étroit que la neige est béton. C’est ici que l’on rencontre la pente la plus verticale, un passage à 60°. Aucun obstacle à la sortie, le sommet s’offre enfin à nous. Poum, nous voilà sortis sur le dôme sommital. Nous touchons le but à 10h36, après 3h26 de purs efforts. J’avais faim de couloirs, aujourd’hui j’ai eu ma ration. Nous vivons un instant de bonheur. « Le bonheur est la seule chose qui se double si on le partage. » Albert Schweitzer. Merci Joël pour ta confiance et ton soutient sans faille.
La traversée et le couloir terminal
Vue sur le cirque suspendu et le versant Nord du pic de Nérassol
Dernier couloir, court mais vertical
Vue depuis la sortie du Poum sur la traversée depuis la sortie du Pam
Une certaine idée du bonheur
Le vent est plus fort que jamais, à plus de 60 km/h. A cet instant la température est de 0,5°C, mais le ressenti est de -9°C. Le froid est intenable, il faut vite fuir. 15 minutes à contempler, s’extasier sur ce paysage singulier, et à 10h50 nous quittons cet endroit austère. Il faut parcourir le dôme sommital vers le Sud en allant chercher le couloir Dérobé que j’avais gravi il y a pratiquement un an jour pour jour. Une erreur de couloir nous fait perdre un court moment. Le haut du couloir est signalé par une borne rocheuse caractéristique. La descente de ce couloir se fera en désescalade sur les parties les plus verticales. Nous parvenons au pied à 12h00, une heure plus que parfaite pour prendre un repas à l’abri de ce maudit vent. 4h30 d’action nous auront mis en appétit.
Vue sur le Pic de Rulhe
Vue sur la crête menant au pic d'Escobes
Premier plan le pic de Nérassol, second plan les couloirs du secteur Puymorens
La vallée du Val d'Arques d'où nous venons
Couloir Dérobé vu d'en haut
Le retour est le traditionnel sentier du tour du Nérassol en suivant le ruisseau du Siscar. Nous reprenons la marche à 12h47. Un rapide passage à la cabane de l’étang du Siscar pour constater qu’elle est ouverte mais n’offre rien d’autre que 4 murs et un sol en terre battue. Puis nous poursuivons jusqu’à la cabane de la Vésine qui est plus accueillante, mais sans matelas. Au niveau du saut du taureau, c'est-à-dire 2009 mètres, il n’y a plus de neige, et l’on peut allonger le pas afin d’arriver à une heure compatible avec le couvre-feu actuel. Fin de cette expédition typiquement ariègeoise à 15h18 en 7 bonnes heures. Une nuit en cabane, un couloir en trois parties distinctes à découvrir, un lieu isolé qui n’attire personne, et voilà réunis tous les ingrédients que nous aimons. Le pic de l’Albe offre encore de nombreuses possibilités de couloirs sur son versant Nord et Ouest. Mais le manque de neige à l’heure actuelle risque de devoir reporter à l’hiver prochain toute nouvelle aventure locale. Ce couloir peut s’avérer intéressant pour des skieurs ne craignant pas de porter les planches sur 40% du parcours.
Etang de Régalecio
Cabane du Siscar et portella de Siscaro
Tracé du circuit jour sur carte IGN 1/25000 :
Couloir en vue 3D
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 7h00 pour 14 km à 2 km/h
Temps pour faire le couloir : 2h30
Dénivelé positif total : 843 m – Dénivelé négatif total : 1438 m
Point culminant : 2768m
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