Pic de Vallibierna : couloir Nord (PD sup) à Tuqueta Blanca de Vallibierna
17/04/2022 : Plan de Senarta (1380m) – Refugio Coronas – vallon de Vallibierna – Couloir Nord (PD sup) – Pic de Vallibierna (3059m) – Tuca de las Culebras (3053m) – Cuello de Culebras (2792m) – Tuca Arnau (2816m) – Collado de Sierra Negra (2687m) – Tuqueta Blanca de Vallibierna (2790m) – Vallon d’Estibafreda – refugio Coronas – Plan de Senarta
Préambule : Après un passage sur le toit des Pyrénées le 12 février dernier, cela m’avait permis d’apercevoir partiellement un massif au sud de celui de l’Aneto, dominé par le Pic de Vallibierna. C’est ce dernier que je compte gravir avec mes fidèles camarades Yannick et Joël, et par un couloir qui doit nous déposer proche de la cime. Départ à 16h03 depuis l’extrémité amont du barrage de Paso Nuevo. Il fait une chaleur estivale. Nous remontons le vallon de Vallibierna sur les traces du GR11, en direction du refuge de Cap de Llauset. Après un court passage en sentier pour couper quelques lacets, ce n’est plus que de la piste forestière.
Direction Puente y refugio Coronas
Première vue sur le Pic de Vallibierna
Gros plan sur le pic de Vallibierna et ses satellites
L'ensemble donne un côté Alpin pour ne pas dire Andin
La marche est agréable, sous un ciel azur d’une pureté incroyable. Le blanc des neiges d’altitude tranche dans ce décor de carte postale. Pas de neige sur la piste, et à peine quelques résidus d’avalanches que j’avais trouvées imposante en février, mais qui ne sont déjà plus qu’un souvenir. Nous parvenons au refuge à 18h01, pour 1h57. Nous ne serons les seuls, et le refuge pouvant accueillir douze places sera complet. La température intérieure du refuge dépasse largement les 10°C, un luxe en cette saison. A 21 heures, tout le monde au lit, dans quelques heures une toute autre journée nous attend.
Final de la piste avec parking avant le pont
Le refuge semble au pied de la Tuqueta Blanca de Vallibierna
Le couloir N est à gauche de la photo
Le jour décline sur le Vallibierna
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 1h57 pour 7,5 km à 3,8 km/h
Dénivelé positif total : 590m – Dénivelé négatif total : 0m
Point culminant : 1970m
Dans un premier temps, nous nous enfonçons dans 15 centimètres de neige « sucre » ce qui reste gérable, mais petit à petit, la profondeur de l’enfoncement grandit, allant jusqu’à parfois la hauteur de la jambe, soit 1,20 mètres. Cette approche est un enfer énergivore. Nous suivons quelques vieilles traces de pas ou de ski, mais cela n’aide en rien à la portance. Il faut prendre sur soi et s’extraire inlassablement des trous. Dans cette approche, il faut éviter de marcher trop vers le S/E afin d’éviter un mur formé par un petit canyon. A 2200 mètres, on obliquera donc la marche plein S dans une pente très raide, mais c’est le seul passage pour se hisser au dessus du canyon. Impossible de s’élever dans la pente sans les crampons, alors après 1h27, nous allons sortir les pointes.
Passage de la passerelle
L'objectif se rapproche mais il y a encore du chemin
De dos le jour se lève sur le massif des Posets
Avec les crampons aux pieds, la portance s’est nettement améliorée. Nous passons ce final de mur et nous engageons une longue traversée latérale, en utilisant au mieux les profondes et anciennes traces de pas. Lorsque soudain, je réalise qu’il me manque les crampons au pied gauche. Je n’ai pas réalisé que j’avais déchaussé dans un trou tant ils sont profonds. Demi-tour, je retrouve et je rechausse ! Fin du stress. En avant le long du canal de Vallibierna, en une traversée ascendante, pour rejoindre la base de la muraille nord du pic éponyme. Nous aurons mis 2h36 hors pauses diverses, pour se rendre pratiquement au pied du couloir. Il est alors 7h50 et nous sommes à 2700 mètres.
Approche "al amanecer"
Versant sud du pico de Aneto
Les couleurs changent vite sur le massif des Posets
Une approche qui se mérite
Le couloir Nord apparait nettement
De dos la partie déjà parcourue
Le temps d’ingurgiter un peu d’énergie, d’enfiler le casque, et nous voilà reparti. Il reste encore 150 mètres de dénivelé avant d’entrer dans le couloir. Il n’y a pour ainsi dire pas de cône de déjection, puisque la pente est constante de toute part, jusqu’à venir buter sur la falaise. Joël a pris un peu d’avance pour tester la couche superficielle. La portance n’est pas exceptionnelle mais suffisante pour l’exercice du jour. Nous nous engageons dans le couloir long de 150 mètres. C’est un court couloir et de forme classique qui occupe de façon évidente le fond du petit canyon. La base est inclinée à 40° mais l’inclinaison s’accroit avec la prise de hauteur pour atteindre 45°. Les conditions sont bonnes sans pour autant être parfaites, ce qui demande parfois à s’extraire d’un trou ou deux. Les mollets sont les plus sollicités. Mais l’exercice est plaisant, dans un cadre d’une beauté exceptionnelle. Nous sommes chanceux d’être là. Le final du couloir s’incline encore jusqu’à 50°, mais aucun obstacle pour poser le pied au soleil sur la crête faitière. Nous sortons à 9 heures, après 3h30. Que c’est beau !
Joël à 100 mètres de dénivelé de l'entrée
De dos les cimes majeures du massif
Depuis le bas, le couloir est bien rectiligne
Ambiance très hivernale à l'intérieur
La sortie est un régal
Vue vers l'est sur l'íbon Chelat
A cet instant, il reste encore un bout d’arête pour finir d’atteindre la cime, mais il fait trop chaud pour enchainer immédiatement. Il faut retirer une veste et les gants pour retrouver du confort. Il est incroyable de ne pratiquement pas avoir eu froid durant toute l’ascension. L’arête finale est un régal, aérienne, vertigineuse même, étroite à souhait, mais facile. Nous sommes au sommet à 9h30 après 3h46. Un « 3000 » de plus dans notre petite collection. Il n’y a plus qu’à profiter de cette vue exceptionnelle, panorama fastueux puisque les 3 massifs majeurs s’offrent au regard de celui qui sait les voir. Je me dis que c’est peut-être l’unique fois que je viendrai sur ce sommet, alors je profite sans modération.
Encore un peu de prise de hauteur après la sortie du couloir
Longue arête fine sommitale toute en neige
3059 mètres au dessus de la mer, si lointaine à cet instant
Quelques gros plans vers le Nord/Ouest
Gros plan sur le pic de Maupas
Gros plan sur le pic des Crabioules
Au sud El Turbón (2492m) - la pointe à droite Tuca de Basibé 2726m
A l'ouest gros plan sur le Cotiella (2912m)
La course pourrait s’arrêter là et nous pourrions rentrer par l’itinéraire venant du refuge de Cap de Llauset via la collada de Vallibierna. Mais j’ai dans l’idée que ce peut être encore mieux si l’on reste un maximum dans ces hauteurs. Vers l’ouest, le paso del caballo tout en neige, nous barre la route vers la cime de la Tuca de las Culebras. C’est une lame rocheuse plaquée de neige sur son versant nord, impossible à traverser en sécurité sans corde. Nous allons trouver une solution de contournement par le sud, 15 mètres plus bas de l’arête. Il faut pour cela descendre une petite cheminée avec un filet de glace pour se rendre au départ du paso del caballo, puis par une désescalade en piolets/crampons, se glisser en versant sud. La suite n’est qu’une belle randonnée glaciaire, où il faut reprendre un peu de hauteur pour accéder sur la Tuca de las Culebras et ses 3053mètres.
Courte cheminée avec de la glace pour accéder au col
Vue vers l'Ouest et la vallée de Vallibierna d'où l'on vient
Passage en versant Sud sous le paso del caballo
Ultimes pas avant la Tuca de las Culebras
L'arrivée occidentale du paso del caballo
Sur la Tuca de la Culebras, de dos le Vallibierna
Regard sur el Pico de Aneto
Le temps d’un nouveau tour d’horizon et nous quittons définitivement les « 3000 » pour aller déambuler vers quelques proches « 2000 ». Nous descendons sans difficulté le long de la crête S/SW [11 heures en 4h45]. Cette longue pente nous dépose au cuello de Culebras. A cet instant, il est possible de basculer en versant nord pour gagner au plus vite l’itinéraire de l’aller, mais il est plus attirant de s’élever sur la Tuca Arnau. C’est une bosse sans élégance en venant ainsi, mais cela donne une vue majestueuse sur le proche 3000 et ses couleuvres.
Les hautes cimes du Luchonnais
Gros plan sur le Pic Perdiguère
Vers l'Ouest au premier plan le Posets, au fond el Monte Perdido
Gros plan sur el Monte Perdido tout au fond
Vers l'est le barrage de Llauset
Descente vers el cuello de las Culebras
Tuca de la Culebras vue depuis le cuello de las Culebras
Ce n’est plus que de la randonnée à présent. La descente se poursuit jusqu’au collado de Sierra Negra où l’on pourrait toujours rattraper le canal de Vallibierna sur notre droite ; c’est d’ailleurs une descente idéale pour skieur. Mais nous poussons encore un peu plus la marche vers l’ouest pour s’offrir un dernier sommet, la Tuqueta Blanca de Vallibierna, et presque 2800 mètres. Nous y parvenons à 12h10 pour un total de 5h23. C’est ici que nous prendrons une longue pause al mediodía. Nous ne serons pas les seuls, mais il y a suffisamment de places en terrasse pour ne pas se déranger.
Vue arrière depuis la Tuqueta Blanca de Vallibierna
Le repas en terrasse face à l'Aneto
Il est 13 heures lorsqu’on engage la descente de façon définitive. Nous basculons dans le vallon d’Estibafreda. Ce choix, outre le fait de nous avoir offert deux sommets, permet d’arriver directement au refuge. C’est le dernier vallon permettant cela. Il n’y a aucun piège dans ce vallon, ça passe où l’on veut, pas la moindre barre rocheuse dans les hauteurs. Nous profitons pour faire le plein d’eau potable au torrent ferrugineux. Un sentier se dessine peu à peu, à mesure que la neige disparait. Il faut alors suivre des balises vertes. Celles-ci nous ramènent à la passerelle matinale.
Descente dans le vallon d'Estibafreda
La neige se transforme en soupe dés 2500 mètres
Regard arrière d'où nous venons
Dernier regard sur les cimes matinales
Gros plan sur le paso del caballo
La passerelle sur le río de Vallibierna ouvrant l'accès au vallon d'Estibafreda
Du panneau compter environ 80 mètres pour trouver la passerelle
Tout va s’enchainer vite. Nous passons au refuge à 15h08 après 7h02, et par une chaleur estivale, nous allons regagner le point de départ sans faire la moindre pause. Fin de cette belle course alpine à 16h37, pour un total de 8h32. Voilà la seconde fois que je parcours une partie de ce massif, et j’ai déjà hâte de revenir voir les verts pâturages, le bleu des étangs, et le gris de la roche. Merci à « el equipo de oro » qui a participé à la réussite de cette très belle course. Car à la vitesse actuelle du réchauffement climatique, ce genre de course va devenir de plus en plus rare dans les Pyrénées.
Trace du jour :
Trace en 3D depuis le refuge :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 8h32 pour 20,4 km à 2,4 km/h
Longueur totale du couloir : 150m
Dénivelé positif total : 1221 m – Dénivelé négatif total : 1764m
Point culminant : 3067m
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