Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic des Bareytes – Couloir W (PD)

29/04/2022 : Orris du Carla –vallon des Bareytes – couloir W (PD) – Pic des Bareytes ou Pic du Pla de l’Estany (2860m) – vallon de Rat – orris du Carla

 

Classique du secteur de Soulcem, le couloir Ouest du pic des Bareytes est un couloir typique d’initiation. Je me devais de le découvrir. Je profite donc que la route des orris du Carla soit ouverte pour tenter l’aventure, sinon, l’approche est bien trop longue. Et la suite va me montrer que l’approche, bien que réduite, sera un sujet en soi. Je me mets en marche à 4h55 sous un ciel nuageux, dans un noir total. La température est de 6°C au parking, c’est un désastre. Je constate rapidement que de l’eau coule de toute part sur la piste, aucune glace ne s’est formée sous la couverture nuageuse. Le pire est à craindre par cette chaleur hors saison. Je reste sur la piste aussi longtemps que possible pour aller chercher l’entrée du vallon des Bareytes, parfaitement dans la continuité du plancher de Soulcem. Lorsque je quitte l’antique piste à 2000 mètres pour entrer dans le vallon, la neige n’a aucune portance, aucune consistance. Je commence par m’enfoncer jusqu’à mi-tibia, mais peu à peu la profondeur des trous va jusqu’aux genoux, et parfois toute la jambe. Avancer dans de telles conditions est épuisant. Le pire est lorsque je disparais jusqu’au bassin, comment s’extraire de cette neige transformée en soupe froide ? Il faut ramper, s’élever parfois à 4 pattes et espérer trouver une meilleure portance. Je fixe du regard un rocher qui émerge ; il sera mon île pour faire le point sur la suite à donner à cette sortie. J’y parviens à 6h39 après 1h43 de marche. L’altitude n’est que de 2100 mètres ; je prends el desayuno, du sucre pour ordonner les idées, et je m’en remets au destin pour trouver de la neige de meilleure qualité plus haut en altitude.

 

Entrée du vallon des Bareytes

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Vallon de Soulcem au lever du jour
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7 heures, crampons aux pieds, la marche est un peu moins pénible, mais je n’échappe pas pour autant aux nombreux trous. Le sol se dérobe tous les trois pas, saisissante sensation d’insaisissable qui finit par saper le moral. Je m’obstine mais pour quel objectif ? Le versant ouest et toute la ligne de crête se trouvent dans le brouillard. Je ne sais pas vraiment où se trouve l’entrée du couloir. J’ai comme indication que le couloir est évident par temps clair, exactement le contraire des conditions du jour. Mais malgré toutes ces considérations j’avance, péniblement, lamentablement, mais j’avance. C’est épuisant, parfois décourageant, mais je prends malgré tout de la hauteur. Comme l’a dit en d’autres temps et d’autres circonstances Winston Churchill : « Agissez comme s’il était impossible d’échouer ». Alors je me persuade que je vais trouver l’entrée ainsi que des meilleures conditions pour ne pas échouer. Je fais une nouvelle pause à 8h08 en face le pied des couloirs, après 2h52. Je repère le couloir le plus à gauche par déduction, même si je ne vois la sortie d’aucun couloir.

 

Sur la gauche, une série de couloirs s'offrent mais quel est le bon ?

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L'entrée du couloir

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Je repars à 8h17 les piolets en main, à la rencontre d’un cône qui n’en est pas vraiment un, puisque c’est toute une pente qui se cambre en direction de la muraille. La neige est toujours aussi mauvaise, que cela en devient décourageant. Et dire que c’est un versant Nord ! C’est presque chaque pas que je dois extraire la jambe à hauteur de genou, avec une énergie folle. Sans parler des piolets qui s’enfoncent jusqu’au coude. Si je ne travaille pas la vitesse de progression, je mets à l’épreuve la volonté, et c’est déjà ça. L’entrée du couloir ne semble jamais arriver dans de telles conditions. C’est infernalement insupportable. De tels efforts font monter la température corporelle au point de transpirer, mais au même instant, je subis un terrible froid aux pieds qui transforme mes orteils en morceau de souffrance. Je lutte contre deux phénomènes antagonistes irréconciliables. Lorsqu’enfin j’entre dans le couloir, le miracle que je n’attendais plus se produit : la neige est compacte avec une dureté parfaite. Enfin ça porte à merveille ! Fin du brassage infernal.

 

Gros plan sur l'entrée du couloir

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La sortie apparait pour la première foisP1130967.JPG

 

Dans l'axe du port des Bareytes
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Le couloir W vu sur toute sa longueur
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De dos, la partie déjà gravie

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A l'entrée du couloir
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La progression peut se faire sur les pointes avant. Je retrouve un vrai rythme, l’ascension devient enfin intéressante. Tout est calme et je prends de la hauteur. Soudain, sans même m’en apercevoir, une pierre de la taille de la moitié du poing vient frapper de plein fouet le tibia droit. Le choc est si violent que la douleur me fait penser à une fracture, mais pas le temps de se lamenter, une pluie de pierres, dont je n’arrive pas à localiser la provenance, s’abat sur moi. L’une d’elle de la taille d’un doigt frappe mon casque sans dommage. C’est la stupeur ! Un couloir anodin, sans glace, sans passage en mixte, où de surcroit j’évolue seul, aurait pu me clouer sur place. Finalement, aucun dégât physique autre qu’un hématome avec deux impacts, et du vernis sur le tibia. Il ne faut pas trainer. Et puisque la neige porte encore avec la même densité, je vais donner du rythme.

 

Neige dure et pente à 40°

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Gros plan sur le rétrécissement façon chicane
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Le couloir est maintenant tracé
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Encore pas mal de pente à avaler

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La sortie se rapproche...presque
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Le couloir se rétrécit en son milieu. C’est le passage le plus incliné. La pente oscillera tout le long du couloir entre 40° et 45°, mais jamais plus. Dans la partie supérieure, le couloir s’évase et plusieurs sorties sont possibles. Mais je préfère poursuivre dans la droite ligne pour rester le plus longtemps possible dans le couloir. Toutes les sorties ne présentent pas d’obstacle. Je sors sur la ligne de crête à 10h03 [4h37], éclaboussé par un flot de lumière étincelante. Que c’est beau ! L’effort sublime encore plus un décor qui ne manque pas de beauté. Les superlatifs me manquent. Ce paysage m’est familier, et pourtant l’émerveillement est comme au premier jour. J’ai mis 1h45 pour sortir, mais avec des conditions meilleures, on doit pouvoir gagner 30 minutes. Le sommet est à quelques pas sur la gauche de la sortie. J’enjambe le bout d’arête pour prendre pied sur les 2860 mètres du pic des Bareytes.

 

La sortie est quasiment visible

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Vue de dos dans la partie la plus haute
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Sortie dans l'axe
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La sortie
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Proche panorama à l'ouest de la sortie P1130986.JPG

 

Courte pause face au proche pic de les Fonts

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Evidemment, le vent est présent à cette altitude, mais il a chassé le brouillard. La vue est dégagée. Le temps de prendre quelques clichés et une déflagration retentit. La montagne résonne des vibrations de l’onde de choc, puis le silence. Deux minutes plus tard, nouvelle déflagration, silence puis une troisième et une quatrième. Je viens de comprendre en voyant un nuage de fumée bleue. Ce sont des déclenchements d’avalanches sur le haut de la station de ski d’Arcalis. C’est perturbant. On se croit seul, et à moins d’une heure de là, s’agite l’effervescence de l’économie de l’or blanc !

 

Vue vers l'Ouest

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Vue vers le Nord/Ouest

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Vue vers le Sud
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Vue vers l'Est
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Pic de Tristagne plein centre

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Gros plan sur le versant sud/ouest du pic de Font Blanca
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La partie finale du couloir vue depuis le sommet
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10h30 retour vers la vallée, car les prévisions météo n’incitent pas rester longtemps dans les hauteurs, même si pour l’heure, le ciel reste clément. L’itinéraire estival passe par le Port d’Arinsal, mais la crête est sèche de neige. Il est donc tout à fait possible et conseillé de basculer au plus tôt dans le vallon de Rat sans passer par le Port. Des traces de skis montrent que ça passe en douceur, malgré la pente prononcée. Là encore, la neige ne porte pas mais c’est un versant Est, donc il n’y a rien d’anormal. Dans le sens de la descente, le brassage, bien que pénible, n’est pas un véritable frein. La perte de dénivelé est alors rapide, et la température générale remonte. Je pousse la marche jusqu’à retrouver la piste. Il est 11h48, l’heure de s’alimenter. Matinée conclue en 5h50. Je n’aurais pas parié cher sur la réussite de cette demi-journée, quelques heures plus tôt.

 

Descente directe dans le vallon de Rat

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Haut du vallon de Rat avec le pic de Tristagne à droite
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Rencontre insolite de traces de motos neige venues depuis la station d'Arcalis
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Enfin les sommets trimillènaires se dévoilent
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Gros plan sur la Pique d'Estats à gauche et Montcalm à droiteP1140006.JPG

 

Pic de la Soucarrane au centre et Pointe de Roumazet à droite

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Gros plan sur la Pointe de Roumazet, plus plateau que pointe

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Le haut du vallon d'où je viens
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Non loin de la piste
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Je n’ai vue personne jusqu’à présent, mais le retour sur le plancher de Soulcem va changer cela. Retour définitif à 12h27 en suivant le sentier de port de Rat, puis la piste. Le panorama dans mon dos est magnifique, je ne m’en lasse pas. Fin de cette courte boucle à 13h35 après 6h57. Un couloir à connaitre, mais les conditions de neige devenant de plus en plus incertaines, va certainement condamner à patienter à de meilleurs jours hivernaux.

 

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Panorama sur le fond de vallée de Soulcem
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Gros plan sur le pic des Bareytes
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Je ne m'en lasse pas.
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Cascade de Labinas
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Trace du jour :

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Couloir en 3D

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 6h57 pour 16,5 km à 2,3 km/h

Dénivelé positif total : 1212 m – Autant en négatif

Point culminant : 2860m



02/05/2022
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