Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic du Port de Sutllò par le col du Guins de l’Ase

02/08/2015 : parking de l’Artigue – passerelle – orris des Légunes d’en haut - étang de Montestaure – port de Montestaure – refuge de Broate – col du Guins de l’Ase – Pic du port de Sutllò (3072m) – étangs de la Caumette d’Estats – refuge du Pinet – étang Sourd - parking de l’Artigue

 

Il est très certainement le moins fréquenté des sommets de plus de 3000 mètres du massif de l’Estats. Pourtant, jusqu’à la Maladeta, il fait partie des 3 plus hauts sommets de l’Est de la chaine. Légèrement excentré par rapport à ses voisins, sa cime est défendue par un pierrier croulant sur sa voie normale. Cela explique aussi le manque d’engouement des randonneurs qui posent le pied sur le Montcalm, et qui regardent avec curiosité cette face austère trop loin, voire inhospitalière. Pour ma seconde visite sur ce sommet, j’ai choisi de prendre un itinéraire détourné, pour être loin de la foule qui arrive du Pinet, mais aussi pour connaître le vallon de Broate, l’un des 3 versants du pic du Port de Sullò.

A mon arrivée au parking de l’Artigue, celui-ci est plein, ce qui en dit long sur le monde qu’il doit y avoir dans le massif. Autre fait marquant, la température n’est que de 10°C, ça surprend ! Je démarre cette journée à 6h39 en empruntant le sentier qui mène au refuge du Pinet. A la première intersection, il faut tourner à droite en direction du port de l’Artigue.

 

C'est par delà la crête des Guins de Taps que je dois me rendre.

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Le sentier s’élève fortement durant 20 minutes, puis, par une longue traversée à plat, amène à une passerelle ; il est 7h15 quand je traverse le torrent par la passerelle. La température monte doucement, mais comme cette vallée est encore à l’ombre, je profite de cette fraicheur pour avancer vite. Le sentier est balisé en blanc et rouge puisque c’est celui du GRT. La pente se dresse à nouveau pour franchir un verrou, mais le tracé est bien réalisé. On devine à la luxuriance de la végétation au bord du sentier, que celui-ci ne doit pas être trop fréquenté.

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Une fois le verrou atteint, la pente est plus douce et le dénivelé se prend par bonds successifs. Juste après les orris des Légunes d’en haut, à 8h19 en 1h40, j’arrive à l’intersection, très discrète, du sentier qui monte à l’étang de Montestaure. Je quitte donc l’axe principal de la haute vallée de l’Artigue et je tourne à gauche en suivant les rares balises jaunes. Si jusqu’à présent le sentier paraissait peu fréquenté, celui-là l’est encore moins. On monte à gauche d’une gorge assez profonde creusée par le torrent issu du déversoir de l’étang de Montestaure.

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En quelques rampes je me trouve au dessus de l’étang après 2h03 de grimpette. Il est 8h44. Sans plus attendre, je poursuis au fond du vallon pour me rendre au port de Montestaure. Le décor est surprenant, tout est rouge, tel un paysage issu de la planète Mars. Et j’ai beau regarder en haut de la muraille, aucune brèche ne signale la présence du port. Il faut se hisser dans cet éboulis instable en suivant quelques cairns, attention aux chevilles fragiles.

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Dans la partie la plus haute, un sentier apparaît et le sol devient plus stable. Ce n’est qu’au dernier moment que le col frontalier se dévoile. Je ne manque pas de me retourner pour admirer une partie du chemin déjà parcouru, et le massif de Bassies est comme toujours, aussi étincelant de son granite blanc. Je franchi le col frontalier de Montestaure appelé aussi port de Broate à 9h15. Je viens d’avaler les 1382 mètres de dénivelé positif de la première difficulté du jour en 2h34. Je m’octroie 10 minutes de pause, le paysage qui s’impose à mon regard en vaut largement plus. Face à moi se trouve un ensemble de sommets sacrément impressionnants : le Guins de l’Ase, la Pique d’Estats bien sûr, le pic du port de Sullo, le pic dels Estanys. Et même s’il y a bien longtemps que les glaciers ont disparu dans ce secteur, c’est bien de la haute montagne qu’il s’agit. Le pic du port de Sullò se trouve tout au fond de ce complexe d’arêtes, si loin, presque inaccessible et c’est pourtant lui que je convoite.

 

Etang de Montestaure et Pointe des Trois Contes

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Tout au fond, le pic du port de Sullò

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Port de Montestaure ou port de Broate

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A présent je pars en terrain inconnu sur le versant Sud Espagnol. Ici le contraste géographique est saisissant par rapport à ce que je viens de pratiquer. Quand le versant Nord n’est que minéral, le versant Sud n’est que végétal. Je pars donc à vue en direction du refuge de Broate. La pente, quoique raide et sans sentier, se pratique plutôt bien. Je me laisse alors guider par la vue du refuge, et j’atteins celui-ci à 10h exactement (3h06). Je rencontre les premières personnes de la journée, des randonneurs Catalans qui ont passé la nuit dans ce petit refuge wagon que l’on trouve un peu partout en Catalogne. Ces petits bâtiments sont confortables et proposent jusqu’à 9 couchages.

 

Au fond, le port de Montestaure d'où je viens

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Je ne fais que passer et je m’engage dans le vallon où coule un torrent. Il y a quelques cairns que je vais suivre, mais il n’y a pas de sentier. Le torrent se sépare en plusieurs bras. Je choisis de suivre le plus à gauche mais rapidement je bute sur une cascade. Demi tour vers le bas et je remonte le bras d’eau de droite. Après quelques ressauts, le torrent se divise à nouveau, les cairns partant à gauche, moi je pars à droite cette fois pour aller faire le plein en eau potable. Le manque de motivation pour redescendre 5 minutes rattraper les cairns, je poursuis la remontée de ce bras d’eau. Il me semble que ça passe mieux. Or, je vais me rendre rapidement compte que sur ma gauche, ce qui n’était qu’un rognon rocheux qui séparait les 2 bras d’eau, se transforme dans la partie haute du vallon, en une muraille infranchissable. Trop tard pour faire demi-tour ! J’analyse la carte et je vois qu’il y a moyen de rattraper l’axe du col plus tard. Je m’entête car je ne trouve aucune difficulté sur ma route, je m’obstine même à me convaincre que j’ai raison. Soudain, j’entends des pierres chuter sur ma gauche ; ceux sont des isards qui grimpent avec leur aisance naturelle, cette paroi que je dois contourner. Ils doivent être surpris de trouver un intrus dans ce cirque de la solitude. Je finis par arriver au bord d’un petit étang puis un second pratiquement sous un névé. Je me trouve sur un plancher et une terrasse qui surplombe l’axe direct du col de Guins de l’Ase. Je me trouve exactement sous la face Nord du pic des Estanys, et la face Ouest du Sullò recouverte d’éboulis.

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Ici, il s’agit de se glisser entre quelques petites barres rocheuses, descendre l’immense mer de roche rouge, et le tour est joué. Mon entêtement m’aura fait perdre 1 heure de marche, quelques 100 mètres de dénivelée, mais j’aurai gagné la connaissance de ce cirque de la solitude, car sans cette erreur d’aiguillage, je ne serai jamais venu dans cet endroit si isolé. A présent le col est à vue, il ne reste plus qu’à aller droit devant, en suivant les cairns. Les forces commencent à manquer, j’ai besoin de m’alimenter avant de poursuivre. Il est 11h40, il y a de l’ombre et de l’eau, idéal pour me restaurer. J’ai effectué cette demi journée en 4h38 pour un dénivelé qui commencer à devenir conséquent, 1958 mètres. Je repars à 12h sous un soleil ardent. Le terrain est épouvantablement instable ; c’est croulant et cela demande beaucoup d’énergie pour ne pas descendre sur ce tapis de roches toujours en mouvement.

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La sortie sur le col est la plus pénible, car extrêmement inclinée, mais à 12h30 j’ai le plaisir de sortir enfin au col du Guins de l’Ase. C’était un moment d’anthologie que je n’oublierai pas. Là je surplombe la foule qui monte vers la Pique d’Estats depuis le port du Sullò. Un cairn marque le col, et symboliquement la frontière franco-espagnole. Vers le Nord s’élève la cime du Guins de l’Ase dont une arête très austère me dissuade d’aller y grimper. Je mets donc le cap au Sud sur l’arête reliant les deux sommets frontaliers.

 

Pic de Verdaguer avec à son pied l'étang de la Caumette d'Etats et le Montcalm au fond

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A mon grand étonnement, c’est une arête facile qui se dresse devant moi. Mais comme aurait dit un grand Pyrénéiste, même si on n’est pas obligé de poser les mains, il ne faut pas oublier de poser les pieds, le vide à droite comme à gauche est vertigineux. C’était cette arête que j’étais venu chercher et finalement elle est sans difficulté, quelques pas de II guère plus. Il y a tout un tas d’échappatoires aussi bien à gauche qu’à droite, mais finalement c’est sur le fil que l’on est le mieux. On trouve quelques brèches toutes marquées par un cairn, et à 13h13, j’atteins la cime du pic du Port de Sutllò. Cela m’aura demandé 5h41 d’effort pour 2395 mètres de dénivelé positif.

 

Au fond le sommet convoité, devant la crête parcouru

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Le sommet se rapproche

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Pour cette seconde fois, j’ai le plaisir de découvrir enfin le panorama qui est offert par ce haut sommet de 3072 mètres. Et je ne suis pas déçu ! On voit parfaitement que la muraille allant du Cap de Fum, passant par le pic rouge de Bassies et se terminant au point culminant du pic de Certescan, ne fait qu’un. On peut voir avec beaucoup de netteté, les massifs des Besiberris, Maladeta et les 3000 du Luchonnais. En ce jour sans vent, avec un air aussi pur, le regard porte excessivement loin. Je retrouve au sommet les 2 Catalans qui avaient passé la nuit au refuge de Broate. Je ne les ai jamais croisés durant la montée et pourtant ils sont arrivés avant moi ! Mon écart de parcours sans doute. Nous sommes seulement 3 au sommet alors que ça s’agite sur la proche Pique d’Estats, ce qui me conforte dans mon choix de destination du jour. Je serai bien resté une heure à contempler ce panorama, et principalement le versant Sud avec ses étangs entourés de verdure, mais une longue descente m’attend.

 

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Etangs d'Estats et de Sutllò, au loin le pic de Monteixo

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De G à D massif des Besiberris jusqu'à l'Aneto/ Maladeta

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Pic de Cestescan et pic de Montabone au premier plan, Mont Valier au loin

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J’engage donc la descente à 13h35 par la voie normale. C’est par un cheminement en écharpe sur un terrain croulant que l’on perd du dénivelé. Je laisse loin sur ma droite le sentier du Port de Sullò, et je pousse à gauche vers les étangs de la caumette d’Estats. Aucune difficulté jusqu’aux étangs ; il faut ensuite aller le plus à gauche chercher un col et laisser le torrent loin sur la droite.

 

Etang de la Caumette d'Estats avec le Pointe de Belcaire

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Du col, il n’y a qu’à suivre une voie bien cairnée, qui se faufile entre de petites dalles. En restant le plus à l’Ouest, ça passe parfaitement bien. J’ai remarqué que sur la partie proche de l’étang d’Estats, un sentier est même bien tracé car emprunté par des moutons. Depuis le déversoir de l’étang, il ne reste plus qu’à rattraper sur la droite le sentier qui conduit au refuge du Pinet. Le retour au refuge s’effectue rapidement malgré le nombre important de personnes à doubler. J’arrive au bord de l’étang du Pinet à 15h28 (7h21) où je retrouve avec plaisir deux amis Olivier et Michel qui ont fait les autres 3000 du secteur. Ils ont permis à une novice, Carole, de gravir pour la première fois le Montcalm. Je reste un petit moment pour prendre de leurs nouvelles, mais le temps passant (trop) vite, je reprends alors ma marche à 16h03.

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Je choisis d’emprunter le sentier qui passe à l’étang Sourd ; le terrain est plus agréable que celui qui passe plus à l’Ouest. Il reste 1000 mètres à perdre. Ce sera à grandes enjambées que je vais dévaler cette longue descente. Le meilleur moyen d’écourter cette partie que je connais trop bien, c’est encore de marcher vite. J’arrive à mon point de départ à 17h10, bouclant ce superbe périple en 8h28. Il fait encore 29°C en cette fin d'après-midi, quel contraste avec la fraicheur matinale ! La météo parfaite du jour m’a bien aidé à réaliser ce parcours aérien et varié.

Pour les moins endurants, on peut couper en deux cette randonnée en dormant au refuge de Broate. La crête est facile et le retour direct sur l’étang d’Estats est assez logique, à condition qu’il n’y ait plus de névé. C’est certainement la plus belle voie qui conduise au sommet du Pic de Sullò, bien plus confidentielle que la voie normale.

 

Tracé du jour sur carte Espagnole

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 8h28 pour 24,7 km à 3,3 km/h

Dénivelé positif total : 2451 m – Autant en négatif

Point culminant : 3072m



05/08/2015
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