Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic du Sal, Pic de Serrère, Pic de la Coume de Seignac et Pic de Mil Menut depuis la Riéte

23/06/2019 : barrage de la Riète – cabane de Quioulès – l’Estagnol – crête du Sal – Pic du Sal (2743m) – Pic de Serrère (2912m) – Pic de la Coume de Seignac (2857m) – port vieux de Coume d’Ose – Pic de Mil Menut (2778m) – col de Coume d’Ose – jasse de la Rebenne – cabane de Quioulès – barrage de la Riète

 

C’est le jour le plus long de l’année, une occasion immanquable pour aller visiter des sommets lointains, demandant une approche extrêmement longue. Je choisis de partir à la découverte de la crête frontière allant du pic du Sal au pic de Mil Menut. Départ depuis le barrage de la Riète. La route du chemin de Jojo était fermée il y a un mois. Partir du barrage ne rajoute qu’un kilomètre par rapport au chemin de Jojo, mais 200 mètres de dénivelé positif en plus. L’approche allant jusqu’à la jasse de Quioulès ne présente aucun intérêt, que l’on emprunte le chemin à Jojo ou le sentier depuis le barrage de la Riète. De ce fait, je vais effectuer cette liaison en nocturne, pour avancer le plus vite possible. Je me mets en marche à 5h05, le jour ne tardera pas à se lever. Cette portion peut très bien être réalisée la veille, pour passer la nuit au refuge de Quioulès. Il est 6h36 quand je passe à Quioulès, approche avalée en 1h30. Le troupeau de vaches gasconnes de plus de 50 têtes est déjà réveillé et les beuglements peuvent impressionner.

 

Jasse de Quioulès

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Pour aller chercher le pic du Sal, il s’agit de remonter le vallon de La Sabine. Un sentier plutôt bien marqué remonte le vallon jusqu’à sortir sur une tourbière. Poursuivre toujours ce sentier jusqu’à trouver une passerelle sur la gauche, permettant de changer de rive. Traverser alors. Il est 7h10, [2h10] soit 40 minutes après la cabane de Quioulès. Un sentier existe, celui des pêcheurs. Il faut descendre légèrement, puis marcher au plus proche d’une grande barre rocheuse sur la droite, et remonter alors le cours d’eau issu de l’Estagnol. Le sentier passe exactement entre le torrent sur la gauche et les roches sur la droite. Puis le sentier balisé de cairns, s’insinue dans des touffes d’herbes folles. Un grand merci aux pêcheurs pour l’entretien de ce sentier, qui permet de se rendre sans encombre, au bien nommé étang solitaire de l’Estagnol. 2h45 auront été nécessaires lorsque je parviens sur la berge de cette belle nappe d’eau, à 7h47. On se trouve alors exactement au milieu de nulle part, mais la vue porte si loin vers le Nord/Est que je ne résiste pas au plaisir de faire une pause contemplative.

 

Pieds de Coscolls
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Première tourbière, vallon de l'Estagnol tout à gauche - Pic de Thoumasset face Est au fond
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Passerelle sur le ruisseau de La Sabine
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Déversoir de l'Estagnol
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Cascade issue du déversoir de l'Estagnol
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L'Estagnol
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Dans le bleu lointain, le massif de Tabe - au centre la jasse de Quioulès
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Gros plan sur la jasse de Quioulès et le massif de Tabe

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Pour accéder à la crête du Sal, j’ai remarqué durant l’approche, qu’un couloir d’herbe sur la droite de l’étang, parait accessible. C’est parti pour une directissime verticalement droite. En clair, 100 mètres de gagnés en hauteur pour 300 mètres linéaire. Puis la pente s’adoucit, et l’on gagne facilement la crête du Sal par un cheminement en écharpe. La vue s’ouvre brusquement sur les sommets que je convoite, un bonheur d’être là !

 

L'élégant pic de Thoumasset

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La crête du Sal n’est qu’une longue croupe molle herbeuse, qui ne mérite pas le terme de crête. Néanmoins, le pas y est facile, et la vue flatte toujours l’œil curieux du contemplatif que je suis. Il ne reste plus qu’à suivre vers le sud ce relief, qui va peu à peu devenir plus étroit et abrupt, mais jamais technique. J’en profite pour observer avec attention l’impressionnante face Nord du pic de Serrère, car ce sera le prochain sommet à venir. Sans grande difficulté, et posant quelques fois les mains, je me hisse au sommet des 2743 mètres du pic du Sal, à 10 heures pétantes. Cette plaisanterie m’aura demandé 4h27 bien soutenues, et la bagatelle de 1650 mètres de dénivelé. Mais que la vue est belle !

 

Cime du pic du Sal au bout de la crête

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La crête herbeuse du Sal d'où je viens
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Versant Nord du pic de Serrère
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Pic de Thoumasset versant Sud et étang de Soulanet
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Vue plus large

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En regardant vers l'Ouest

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Panorama vers l'Ouest Andorran

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La suite de mon itinéraire

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A présent, direction le proche voisin, seigneur de l’Aston. Le pic de Serrère, ce grand pic parfaitement individualisé est un des plus hauts d’Andorre. Sa face Nord, de forme concave et très régulière se détache de très loin. C’est également le point culminant des montagnes de l’Aston. Son accès par le versant Nord impose une montée vraiment longue et assez pénible, souvent hors sentier. Et pour moi, le morceau suivant du parcours sera plus aérien. Pour se rendre au pic de Serrère, il y a un bout de crête qui descend à la portella de Cebollera. Cela ne représente que 100 mètres à perdre, mais là, il y a un sujet. D’un abord facile, cette crête demande beaucoup d’attention car il s’agit continuellement de désescalade. Les meilleures échappatoires se trouvent toujours en versant Ouest, côté Andorre. Sauf l’ultime passage jusqu’au col, que je prendrai à travers un névé. L’usage du piolet fut nécessaire, les crampons auraient même été utiles. Sans griffes aux pieds, chaque pas aura demandé un effort de concentration important, en prenant toujours soin de planter le piolet jusqu’à la garde. La portion qui monte à la cime du Serrère est l’itinéraire normal venant par le Nord ; c’est cairné et sans l’ombre d’un doute. Me voici parvenu au sommet du Serrère à 11h25, en 5h33, pour un dénivelé total de 1919 mètres. Ça, c’est fait ! A présent, il est l’heure de disfrutar (profiter). Comme une évidence, je ne suis pas seul, il y a de sympathiques catalans qui arrivent en moins de 1000 mètres depuis la vallée de Ransol. La conversation s’engage, vive les langues !

 

Le névé une fois franchi

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La crête facile menant à la cime du Serrère
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La vallée de Sorteny
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Le passage en désescalade face au pic du Sal
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Vue vers le Sud

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Plan plus large

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Là d'où je viens

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Gros plan sur le Pic de Font Blanca et massif de Bassies encore blanc

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Estanys de la coma dels Meners

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La crête à suivre

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Le lointain Carlit, dernier sommet visible à l'Est

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Il est déjà 11h55 quand je prends congés de la plus haute cime du jour, direction l’Est. Le prochain objectif est le pic de la Coume de Seignac, accroché à une arête, il semble n’être qu’une antécime du Serrère. Pas de sujet pour descendre puis rebondir sur ce nouveau pic. 12h14 [5h52], je peux apprécier une autre perspective du Serrère. J’engage la suite de ma marche, toujours sur cette arête frontière, qui n’offre pas d’échappatoire vers le Nord. Courte pause repas avant d’entreprendre le plus gros morceau du jour.

 

Les ultimes pas avant le sommet du pic de la Coume de Seignac

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2857m sommet du pic de la Coume de Seignac

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Pic de Sérrère d'où je viens

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Vue vers le Nord sur la Coume de Seignac

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Puis le bout de crête à suivre vers le pic de Mil Menut

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Quitter ce sommet pour aller plus à l’Est est un sujet. J’avance de proche en proche en effaçant les pas de d’escalade en IIsup et parfois III. L’exercice est plaisant, c’est un mini casse tête à chaque pas. L’enjeu est de taille et le prix n’est autre que l’envie de rester encore de ce monde. Je précise que je ne commets aucune imprudence inconsidérée, tout est pesé, jusqu’à la qualité des prises de la roche. Il est indispensable de trouver un possible échappatoire si un pas devient trop risqué, et les meilleures solutions se trouvent toujours en versant Sud. Le côté français est comme toujours trop accidenté, trop déchiqueté, trop incertain. Le meilleur choix au final reste la crête. Même la partie en escalade est facilitée cette fois par une vire en versant Nord que je m’empresse d’emprunter. A partir d’un sommet herbeux nommé pic de l’Estany Mort par les Andorrans, tout devient plus simple, à nouveau de la randonnée de crête.

 

Les nombreux pas de désescalade se trouvent dans cette face austère

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La partie à escalader en IIsup voire III
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Pics de Serrère au fond et Coume de Seignac en premier plan
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On devine la vire versant Nord, comme une tranchée sur la crête
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La suite est plus praticable
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Sommet sans nom sur IGN, Pic de l'Estany Mort pour l'Andorre
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Estany Mort versant Sud
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La marche est plus rapide, et je vais enfin pouvoir voir les ultimes difficultés proches du pic du Sal, celles-là même qui nous avaient barré la route début mai, en version hivernale. En l’absence de neige, une vire versant Nord, passe sous le bastion rocheux et sans aucune difficulté je me joue de l’obstacle. Le dernier sommet du jour me tend les bras au bout d’une bonne centaine de mètres quand même. Pic de Mil Menut à 14h23, 4ième sommet du jour après 7h24. Normalement ce devrait être la fin d’une rando raisonnable, mais rien n’est raisonnable ici, ni ces montagnes, ni ces vallées, ni moi. Je ne le sais pas encore, mais je viens tout juste de dépasser la moitié du chemin qu’il me reste à parcourir pour le retour. Je m’autorise même une halte de 20 minutes, tant ce sommet m’avait fasciné cet hiver. Après 2182 mètres de dénivelé positif, la pause n’est pas usurpée.

 

Le Serrère s'éloigne

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La sortie du couloir de l'Astronaute
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Le bastion rocheux, suivre la vire en rouge
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La même chose le 4 mai dernier, la vire est sous la neige

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Pic de Mil Menut au premier plan
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Vue vers l'Est

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2773 mètres, sommet du Mil Menut
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Je quitte la cime du Mil Menut à 14h41. Je souhaiterais rentrer par la coume Seignac, mais je ne vois absolument pas comment descendre au col de l’Homme Mort. Le terrain ne se prête pas à une descente. Le plus évident d’où je suis, est de descendre au col de Coume d’Ose, et ensuite d’aviser sur place. La descente dans un ensemble d’éboulis ne présente aucun problème. Une fois parvenu au col de la Coume d’Ose, la portion devant moi me semble fréquentable, et de toute façon je n’ai plus d’autre option. Je vais vite comprendre une vérité universelle : IL NE FAUT PAS METTRE LES PIEDS DANS LA COUME D’OSE. Mais dans les premiers instants, tout semble aller à merveille. Descente jusqu’au névé, rapide, puis sur le névé des cairns incitant à partir sur ma droite, donc vers l’est. Il n’y a plus qu’à suivre les cairns jusqu’au moment où il n’y a plus de neige, et à cet instant plus de cairn. Impossible de descendre droit vers le Nord, car il y a une succession de barres rocheuses. Je devine plus à l’est la possibilité d’un échappatoire dans un cours l’eau. Au passage, je dois préciser que la carte IGN est totalement fausse dans ce secteur. L’eau coule ici du Sud vers le Nord, et pas de l’Est vers l’Ouest. Je dois parvenir jusqu’au lit de ce cours d’eau, qui prend naissance dans le glacier rocheux, mais pour cela, il faut encore franchir des bombements rocheux humides. Impossible d’espérer avoir la moindre accroche sur cette roche ; toute chute entraine évidemment instantanément la fin de la partie. Le niveau de stress est à son maximum. Passer par là n’est pas qu’une question de technique, il faut aussi avoir de la chance. J’ai eu de la chance. Je suis passé sans accident, mais ce n’est clairement pas à conseiller ! Et jusqu’au bout, il faut rester vigilant, car une illusion d’optique place l’étang 30 mètres trop haut. Or, là encore, il ne faut pas suivre le ruisseau qui va se jeter en cascade dans l’étang, mais il faut passer bien plus à droite. Il est 16h23 quand je rejoins l’étang de coume d’Ose, avec 8h52 de marche, ça commence à peser dans les jambes.

 

Vue vers le Nord depuis le col de Coume d'Ose

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L'étang de Coume d'Ose bien bas parait inatteignable
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Les vertes pentes du Pic de l'Homme Mort
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Je suis passé par là, un vrai miracle
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Etang de Coume d'Ose
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Une fois parvenu sur le plancher, je pense être tiré d’affaire, mais c’est sans compter sur le type de terrain local : une tourbière géante. Les pas s’enfoncent dans cette éponge végétale, donc impossible d’allonger la cadence. Et le plancher est bien long, pratiquement 3 km. Quelle n’est pas ma surprise quand j’arrive à la jasse de la Rebenne ! Il y a un troupeau d’une vingtaine de gasconnes. S’il y a des vaches, il y a donc un chemin. Et en effet, dans un premier temps du moins, je vais trouver des portions de 5 à 10 mètres de traces de passage du bétail, mais rien de continu. Il faut veiller à s’éloigner du torrent qui forme fréquemment des ressauts étroits. Et soudain plus aucune trace du moindre sentier, pas de bouse, pas de piétinement. Est-ce que les vaches seraient arrivées par les airs ? On pourrait le croire tant les indices qui tendraient à prouver le contraire manquent. Toujours est-il qu’il faut évoluer dans une végétation dense faite de pins, de rhododendrons et autres touffes de gispet sur des roches couvertes de mousse. Ici il faut laisser libre court à son instinct de sanglier, plus que celui de l'isard. Aucun sentier ! Je suis psychologiquement épuisé par la recherche permanente d’itinéraire. Seul mon cerveau reptilien fonctionne encore ; il me dit de marcher, alors je suis le mouvement, mais je ne suis plus là. Je suis totalement incapable de réfléchir. Les chevilles sont au supplice. C’est un petit miracle de ne pas mettre foulé une cheville ou pire un genou. Je n’ai qu’une hâte, c’est de retrouver un sentier. Vraiment, IL NE FAUT PAS METTRE LES PIEDS DANS LA COUME D’OSE. Enfin, retour sur un terrain plus acceptable à la cabane de Quioulès, qui marque la fin de la boucle, mais pas encore celle de la sortie. Il est 18h02 [10h27]. Je ne fais que passer car je sais qu’il reste encore 1h30 de marche. Je ne vais pas plus vite ici en descente qu’en montée, et la fatigue n’est pas la seule raison. Ce sentier est catastrophique, boueux, glissant, cassant. Je suis fourbu, je viens de faire une overdose de l’Aston. Fin du périple dans l’Aston à 19h40, après 12h01 de marche dont 90 % du temps hors sentier made in Aston. Décidément l’Aston c’est vraiment trop long. Pas un seul panneau indicateur, pas une balise, des vallées longues, une végétation dense et luxuriante, et de l’eau partout ; c’est tout cela l’Aston. Après s’être frotté à ce type de terrain, le reste des Pyrénées paraitra bien plus reposant. Unique avantage, on ne manque jamais d'eau potable.

 

La triste cabane de la Rebenne détruite durant l'automne dernier

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Tracé du jour sur carte IGN 1/25000

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 12h01 pour 32 km à 2,6 km/h

Dénivelé positif total : 2240 m – Autant en négatif

Point culminant : 2912 m

 



25/06/2019
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