Pique d’Endron au Pic de Peyrot en traversée Nord/Sud
11/09/2021 : Stade de neige de Goulier (1480m) – Pic de Sarrasi (2213m) – Pique d’Endron (2472m) – Pic de Peyrot (2479m) – ruisseau de Petsiguer – GR10A – GR10B – stade de neige de Goulier
Le Vicdessos et l’Aston sont partagés par une très longue crête se levant depuis la belle Pique d’Endron jusqu’à s’effondrer au port de la Goueille. Nous sommes dans un secteur qui n’a certes pas le prestige des 3000 Pyrénéens, mais cette crête est d’une exigence redoutable de par sa longueur, de par la qualité très médiocre du rocher, et n’a donc rien à envier aux courses plus réputées des Hautes-Pyrénées. C’est par un petit matin de septembre que je me lance avec mon ami Joël à 6h45 depuis la station de ski de Goulier. Nous partons en totale découverte, nous irons jusqu’où nous pourrons. Le sentier du départ balisé de jaune suit les pistes de ski de la station pour s’élever dans le cirque, puis changement de direction afin de prendre pied sur une crête descendant du pic de Sarrasi, à 1768m.
Impressionnante mer de nuages d'où émerge le massif des Trois Seigneurs
En s’élevant, le panorama devient de plus en plus grandiose. Le sentier monte franchement jusqu’au pic de Sarrasi. L’essentiel du dénivelé positif est ainsi pris. Il faut alors remonter toute la crête du Sarrasi pour arriver sur la cime de la Pique d’Endron à 8h55, en 2h01. S’offre à nous un panorama immense. Si les nuages ne recouvraient pas la plaine, c’est du Lauragais à la Montagne Noire que la vue s’étendrait. Et côté montagne, tous les hauts sommets sont présents ; du Carlit à l’Est jusqu’au Valier à l’Ouest, pratiquement aucun ne manquent. A l’heure de desayunar, nous ne savons où donner de la tête.
Massif de Bassies et étangs éponymes sur la droite
La face nord de la Pique d'Endron
Dans la montée du pic de Sarrasi
La crête du Sarrasi allant à la Pique d'Endron
Massif de Tabe dans le lointain
Sommet de l'Endron face aux "3000"
Nous avons le désir de nous rendre jusqu’au pic de l’Aspre. Depuis la Pique d’Endron, c’est 5,7 km de crête qu’il faut parcourir pour se hisser sur la cime du pic de l’Aspre. Mais avant cela, il va falloir déjouer tous les pièges de la crête. Nous reprenons la marche à 9h28 direction le Sud. C’est une crête débonnaire qui se présente dans un premier temps. Cela n’est rien d’autre que de la randonnée jusqu’aux vestiges du téléphérique venant du barrage de Gnioure. Puis cela va se compliquer passablement.
La longue crête tel un serpent géant
Gros plan sur la gauche
Voilà ce qui arrive quand on passe son temps à bavarder, on finit pétrifié !
Nouvel objectif devant nous
Etang de Gnioure à gauche
Le pic de Peyrot est défendu pour trois pointes dont l’usage des mains va devenir nécessaire. Le tout étant compliqué par le lichen gorgé d’eau de la nuit précédente, qui recouvre les rochers. La difficulté ne dépasse jamais le II sup, mais c’est toujours exposé au vide et l’accroche des semelles est très médiocre, d’où un gros ralentissement dans notre progression. Il est 10h33 quand nous parvenons sur la cime du pic de Peyrot [3h32]. Nous avons mis 1h20 depuis l’Endron, un temps qui doit pouvoir être facilement amélioré de 30 minutes par temps sec.
Le pic de Peyrot se cache derrière cette bute
Etang d'Izourt
Le reste de la crête
La suite de la crête est une succession de montées et descentes. Cela demande une certaine pratique de la lecture de terrain. Il faut parfois quitter l’arête pour passer quelques mètres sous le fil, guère plus de 10 mètres, puis regagner le fil dés que possible. Les meilleurs échappatoires sont versant ouest, donc versant Izourt. Il ne faut jamais aller chercher la difficulté lorsque l’escalade dépasserait le III, il faut toujours chercher au plus simple en contournement. C’est un exercice intéressant, mais qui est chronophage. Il y a un mur après une brèche qui se grimpe aisément, ainsi qu’un passage très exposé versant Gnioure en II sup. La véritable difficulté vient de la qualité très aléatoire des prises qui restent parfois dans les mains. Par deux fois cela aurait pu me précipiter vers le bas. Nous avons purgé ce qui ne tenait pas solidement. Nous n’avons pas pris d’altitude depuis le pic de Peyrot, pourtant il a fallu monter et descendre 5 pointes qui se défendent bien. Le temps s’écoule, et la fatigue s’installe.
La descente du pic de Peyrot, un système de vires pour arriver en bas
Autre rognon, suivre le fil de l'arête
Le pic de l'Aspre ne semble jamais se rapprocher
Gros plan sur le pic de l'Aspre en bout de crête
Une double pointe que l'on vient de franchir
Le niveau d'eau de l'étang de Gnioure est très bas
Un bout d'arête dans notre dos
13h08, après 5h20, il est temps de manger. Il reste encore une partie de l’arête à gravir, mais nous ne pouvons l’appréhender le ventre vide. Durant cette halte, un système dépressionnaire se met en place à grande vitesse, jusqu’à venir masquer le pic de l’Aspre. De plus, de gosses volutes de brume montent de l’étang d’Izourt, c’est un beau spectacle, mais un spectacle qui pourrait devenir humide. Nous nous concertons sur la suite à tenir. La pluie est tombée tous les jours durant la semaine qui vient de s’écouler, pourquoi en serait-il autrement ? Nous tombons d’accord sur l’échappatoire à prendre pour rentrer au mieux. Nous avons malgré tout parcouru 5,3 km de crête. Et pour finir de se convaincre qu’il n’y a pas meilleure décision, je cite l’un des plus grands alpinistes du siècle dernier, Reinhold Messner : « La vie est un pont entre la naissance et la mort. Il faut juste en prendre conscience. Tout l'art de l'alpinisme c'est de savoir qu'on ne peut faire que ce dont on est capable. » Face aux cumulonimbus, nous renonçons. Il est 14 heures lorsque l’on s’engage dans un couloir versant Izourt.
Le couloir de pierre est très court et l’on ne tarde pas à descendre une pente de gispet ; ce n’est pas dangereux, mais malcommode. L’usage des bâtons est indispensable. La vue vers le bas étant bien dégagée, nous pouvons fixer du regard le premier objectif à atteindre, le ruisseau issu des étangs de Petsiguer. Pas après pas, nous perdons du dénivelé et sans encombre nous parvenons au bord du torrent. C’est l’occasion de refaire le plein d’eau. Nous trouvons là le GR10A que nous allons suivre. C’est un sentier qui évolue en balcon et pratiquement de niveau, au dessus de l’étang d’Izourt. La marche est alors rapide et confortable. Le sentier vient heurter une barre rocheuse qu’il a fallu aménager. Ce passage est câblé. Nous nous amusons en pensant que dans le reste des montagnes, on appelle cela de la via-ferrata, mais en Ariège cela s’appelle le GR10 !
Couloir échappatoire
Via ferrata sur le GR10
Etang d'Izourt aval
Cabane au niveau de la variante conduisant directement à la centrale électrique de Pradière
La suite est alors un long, très long sentier agréable, mais long. Je vous ai déjà dit qu’il était long ce morceau de GR10 ! Mais vraiment joli. Il y a beaucoup de kilomètres pour contourner la crête nord/ouest descendant de la Pique d’Endron. Lorsque nous changeons de versant, c’est l’occasion de profiter de la fraîcheur d’un sous-bois ombragé. Les kilomètres défilent, les heures passent et la pluie ne viendra pas. Nouveau rafraichissement à la source de Brosquet. Il suffit alors de poursuivre tranquillement jusqu’à fermer la boucle au point de départ. Chose faite à 19h25 et quand même 10h12 de marche parfois rapide. C’est dire si c’est long, mais je l’ai déjà dit. Avec le recul, nous avons eu raison de ne pas insister sur la crête, nous serions rentrés trop tard ou pas du tout. Nous avons été mis à l’épreuve et nous avons su réagir en bonne intelligence. L’épreuve engendre l’expérience, et l’expérience la sagesse. Nous reviendrons finir ce bout d’arête, mais nous l’appréhenderons autrement.
Crête du Sarrasi et Pique d'Endron vus depuis la source de Brosquet
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 10h12 pour 24,8 km à 2,4 km/h
Dénivelé positif total : 1483 m – Autant en négatif
Point culminant : 2479m
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