Pic d’en Beys par la cheminée S/W (PD sup)
04/02/2023 – Jour 1 : Orlu – Le Fanguil – Prairies de Gaudu – GR7 – Refuge d’En Beys
Après un mois de perturbations météorologiques et l’arrivée abondante de la neige, voilà enfin le premier week-end 2023 qui me permet de sortir en toute sécurité. Direction le refuge d’En Beys pour la découverte d’un couloir sur le pic éponyme. En raison d’une longue approche et de trouver du froid dans le couloir, il est préférable de dormir au refuge d’En Beys. A cause de l’enneigement important et de l’interdiction de pratiquer la route jusqu’au Fanguil, le départ du jour sera à Orlu village. Ne connaissant pas les conditions exactes de neige, il convient de partir relativement tôt pour se rendre au refuge. Le départ du village ajoute à la marche d’approche plus d’une heure d’effort. L’équipe des mousquetaires du Vallespir est reformée, c’est-à-dire mes fidèles Yannick et Joël, et nous engageons la marche à 9h47. La route est sèche jusqu’aux forges d’Orlu, puis usage des raquettes indispensable. Nous suivons intégralement la route jusqu’au Fanguil, où nous parvenons en 1h35. Au même moment arrive un petit véhicule 4x4 pensant se jouer de la neige, mais il va se planter dans la poudreuse. Nous allons l’aider à faire demi-tour, et nous poursuivons notre marche vers le haut de la vallée.
Quelques meringues dans l'Oriège
La "Dent" vue depuis le Fanguil
La neige est présente en grande quantité, mais la piste a été fréquentée, facilitant grandement la marche, même si nous n’avançons pas bien vite. Le froid est également présent dans cette partie d’itinéraire ombragé, ce qui n’incite pas à faire des pauses. Il est 12h47 lorsque nous trouvons le soleil à la Jasse de Gaudu. Il aura fallu 2h43 depuis le village pour trouver enfin de la chaleur solaire. Il est temps de manger. Le lieu est superbe et paisible.
Versant Sud très photogénique
Enneigement au niveau de la jasse de Gaudu
13h30, c’est la reprise. La partie la plus importante du dénivelé reste encore à faire. Nous quittons la piste pour s’engager sur le sentier qui mène au refuge d’En Beys. Des traces de raquettes partent toujours dans cette direction ; il n’y a qu’à rester dans la trace. Mais en sortant du bois, les traces s’arrêtent et c’est sur un terrain vierge qu’il va falloir évoluer. C’est beau mais ce n’est pas sans risque. La neige a une consistance de sucre en poudre, elle n’a aucune portance. Faire une trace dans cette semoule, et en dévers, est épuisant. Il est impossible de suivre le sentier estival totalement invisible, alors nous cherchons des passages au mieux. Mais s’enfoncer jusqu’à la taille et extraire la jambe de cette poudre sans cohésion est un enfer. Nous ne serons pas trop de trois pour nous relayer à l’ouvrage.
Nous mettrons 2 fois plus de temps
Les choses sérieuses vont commencer
Par bonheur, à partir de 1800 mètres, la qualité de neige est meilleure, et nous ne nous enfonçons « que » jusqu’à mi-tibia. C’est une question de patience et de volonté pour arriver à bon port. En approchant du refuge, nous trouvons d’anciennes traces qui seront bien utiles pour finir en économisant de l’énergie. Le refuge est pratiquement à l’ombre à 17 heures lorsque nous y parvenons. Nous aurons mis 6 heures, un temps raisonnable depuis le village et dans de telles conditions. Nous ne sommes pas à 2000 mètres et la quantité de neige est considérable. Le site est typé haute montagne.
Le refuge, à cet instant, est tout proche
Enfin le refuge, destination finale
L'entrée se fait par l'échelle
La trace d'où l'on arrive au refuge
Couloir N/W "Paco-Pipo" face au refuge
Nous serons les seuls occupants du refuge jusqu’à pratiquement 20 heures. Arrivent alors 4 incroyables skieurs qui étaient partis de Mijanes. Nous passerons la soirée ensemble et nous allons nous découvrir des points communs extra-montagnards. Rencontre improbable dans un endroit qui l’est tout autant. A l’heure du coucher il fait 2°C dans le refuge et c’est une bonne nouvelle. La température est positive. Il faut regarder les choses froidement, si l’on peut dire. Mise au chaud à 21 heures pour un lever prévu à 5h45.
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 6h00 pour 14,5 km à 2,4 km/h
Dénivelé positif total : 1147m – Dénivelé négatif total : 31m
Point culminant : 1972m
04/02/2023 – Jour 2 : Refuge d’En Beys – Cheminée S/W – Pic d’en Beys (2532m) – Refuge d’En Beys – GR7 – Le Fanguil – Orlu
Debout 9 heures plus tard, nous quittons le refuge à 6h55 raquettes aux pieds, alors qu’il ne fait pas nuit noire. L’approche n’est pas bien longue pour se rendre dans l’axe du sommet, à sa verticale, mais la suite est un autre sujet. Juste avant l’étang de la Couillade, s’élever légèrement N/E. La qualité de portance de la neige est plutôt bonne, en comparaison de ce que nous avons subi la veille. Nous nous enfonçons raisonnablement. La portance est meilleure en pleine pente, car la face a déjà purgé et la neige est croutée en surface. Il y a à cet instant 450 mètres de dénivelé à avaler pour se rendre à l’entrée du couloir. C’est une sorte de cône de déjection monumental. Après 1h11 d’ascension, nous avons atteint la limite technique des raquettes et il est urgent de chausser les crampons.
Versant Sud du Pic d'En Beys
Lever du jour sur le couloir "Paco Pipo"
Reprise de l’ascension pour se rendre sur une grande terrasse proche du couloir. Je n’ai trouvé aucune littérature concernant ce couloir pourtant bien identifiable, il y a donc tout à découvrir pour nous. Durant toute l’ascension de cette raide approche, j’ai les pieds qui brulent par le froid. Les efforts fournis pour s’élever nous font transpirer sur toutes les parties corps, excepté les pieds qui se transforment en glace. Je pourrais hurler de douleur, mais cela ne changerait rien. Cette douleur oppressante est insoutenable, et ce ne sont pas mes chaussettes « froid extrême » et mes chaussures spéciales 6000 mètres qui arrêtent la pénétration du froid. Le problème est vasculaire, et à moins de changer mes pieds, il n’y a rien à y faire. Combien d’années serais-je en capacité de supporter une telle souffrance ? La douleur s’atténue lorsque nous rencontrons le soleil sur la terrasse. Il est 9h10 lorsque nous entrons dans le couloir. Nous aurons mis 1h55 depuis le refuge.
Petite rampe à droite pour atteindre la terrasse
Il faut viser la langue de droite
L'approche est déjà très raide, mais quelle vue !
Le couloir en version automnale
La même chose au moment où nous le découvrons
Nous retrouvons de l’ombre dans le couloir. La neige est d’excellente qualité pour s’élever avec aisance. Le couloir ne présente pas de ressaut en mixte, mais reste très redressé. D’ailleurs, il se redresse de plus en plus. C’est un plaisir d’évoluer enfin dans un tel décor, un plaisir que nous sommes venus chercher avec obstination. Le couloir est hélas trop court mais il permet quand même de faire travailler les tractions sur les pointes avant. La sortie demande quand même à faire un pas athlétique en mixte, mais rien d’insurmontable. Ce couloir débouche légèrement à l’ouest de la cime, où il faut traverser une fine arête. Nous parvenons tous les trois au sommet du pic d’En Beys à 9h58, le tout en 2h38. C’est la seconde fois en 4 mois que je gravis ce sommet rugueux, par un autre accès. Je ne me lasse pas de ce paysage dans sa version hivernale.
Entrée du couloir où il est préférable de rester sur la rive gauche
La rive gauche restera à l'ombre
Sans y paraitre, le couloir est coudé
La même arête en regardant le sommet
Vue vers l'ouest
Vue vers le Sud sur le refuge
Gros plan sur le refuge à l'aplomb du sommet
Vue Sud/Ouest sur le plus haut sommet local
Gros plan sur les sommets du Donezan
Etang de Naguille
Malgré les caresses des rayons du jour, la température négative ne nous incite pas à lézarder. Il fait -6°C. Impossible de basculer en versant nord, nous prenons le chemin du retour par un nouveau couloir encore plus l’ouest, couloir que j’avais découvert en octobre 2022. Ce couloir présente très peu de neige, comme s’il était totalement purgé par une avalanche. Nous envisageons un retour par la Couillade d’en Beys, mais en arrivant au pied du couloir de retour, un petit incident viendra modifier nos plans. La gourde de Joël a décidé de faire cavalier seul. Nous partons donc à la poursuite de la gourde indomptable, direction l’étang d’en Beys.
Direction l'entonnoir de descente
Passage le plus vertical de ce couloir
Nous allons passer au milieu des barres rocheuses qu’a franchies la gourde dans sa course folle. Etonnamment, cela passe bien, mais chacun trouvera son itinéraire selon ses sensations. Une fois la gourde retrouvée, l’équipe se reconstitue, puis nous mettons le cap sur le refuge. Nous sommes en versant sud et il fait alors trop chaud. Pourtant, lorsque nous retrouvons le refuge à 11h40, après 4h00, ce dernier se trouve toujours à l’ombre avec une température négative. Impossible de retirer les crampons car les sangles sont gelées. Le froid glacial nous transperce à nouveau les doigts et les pieds ; il faut vite se remettre en mouvement. Nous poursuivons donc la marche en crampons vers le bas, jusqu’à retrouver le soleil. Ce sera chose faite à 12h30 [4h30]. Durant cette pause repas, nous profiterons du travail du soleil pour remplacer les crampons devenus inutiles, par les raquettes.
A droite la cheminée S/W, à gauche Yannick sort du couloir de descente
La seconde partie de la journée reprend à 13h15. Nous suivons nos traces de la veille, et par endroit, les belles courbes des skieurs. Plus de difficulté à présent, ce n’est plus que de la longueur et de la patience. Même nos traces datant de 24 heures sont efficaces. Lorsque nous retrouvons la longue piste, la marche s’accélère. Le paysage blanc casse la monotonie de cette portion d’itinéraire ; c’est tout simplement très beau. Il sera 15h25 [6h40] lorsque nous passons au Fanguil, point de départ habituel, mais il nous reste encore plus d’une heure supplémentaire. Fin de cette belle journée à 16h50 au village d’Orlu, le tout en 7h58.
Quelque part entre l'étang d'en Beys et le fond de vallée
Si comme l’a écrit Voltaire « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. », il en est de même pour la marche en montagne. On ne s’y ennuie jamais, rien n’incite au vice face aux forces supérieures de la nature, et les seuls besoins élémentaires sont ceux de boire et manger. Ce n’est pas le couloir le plus technique qui soit, mais avec une telle approche au cœur de l’hiver, cela demande quand même une forme physique sans faille.
Trace du refuge au sommet
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 7h58 pour 19,6 km à 2,4 km/h
Dénivelé positif total : 635m – Dénivelé négatif total : 1761 m
Point culminant : 2532m
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