Crête du Pic de Sotllo, Pic dels Estanys, Pic de Baborte depuis les orris du Carla
10/08/2024 : Orris du Carla – Col de Riufret (2978m) – Pic du Port de Sotllo (3072m) – Pic dels Estanys (2955m) – Coll de Canedo (2716m) – Pic de Baborte (2933m) – Coll de Baborte (2597m) – Barranco de Sotllo – Port de Roumazet (2571m) – Orris du Carla
Il y a bien longtemps que je cherche à gravir le pic dels Estanys, exactement depuis le jour où j’ai pris connaissance de ce sommet de presque 3000, depuis la cime du Pic de Sotllo en août 2015. J’avais trouvé un topo sur le site très riche de Philippe Queinnec, mais les informations fournies par ce dernier m’avaient fait renoncer, tout comme l’approche si lointaine avec un départ au nord depuis la France. Il est totalement exclu que je me rende en voiture dans le Vallferrera. Lorsque j’ai découvert la boucle de l’excellent site de Clément Tabouelle, cet itinéraire m’est apparu comme une évidence, mais à la condition d’avoir une météo parfaite et secondé d’une santé sans faille. Ce périple débute donc depuis les orris du Carla, un départ déjà bien haut en altitude. Il faut remonter le vallon de Riufret jusqu’au col, à 2978 mètres. Je serai solidement épaulé par l’équipe en or des infatigables catalans du Vallespir, j’ai nommé mon fidèle frère Yannick et mon ami Joël. Et quand les catalans du Vallespir font le voyage en Ariège, ce n’est pas pour y faire de la figuration. Au moment où nous nous lançons dans ce périple, nous n’avons aucune certitude sur ce qui va arriver, quels obstacles à franchir, quel sera le niveau de fatigue, notre volonté à venir à bout des difficultés. « Sans l’incertitude, l’aventure n’existerait pas ». Alain Séjourné
Nous passons une nuit à la belle étoile aux orris du Carla, mais passablement mouvementée par le rap trop fort de citadins venus amener le bruit des villes dans la quiétude de la montagne. Lever pour nous à 3h30 sous un ciel merveilleusement étoilé, nous démarrons ce périple à 4 heures. Le vallon du Riufret que l’on ne présente plus, est si incliné que chacun doit adapter la marche à son propre rythme sans essayer de suivre son partenaire. Ainsi, nous prenons de la hauteur et faisons des haltes pour se regrouper régulièrement. Le tracé a été adapté pour y faire passer une course de trail, donc le balisage ne pose pas de problème de recherche d’itinéraire. Le jour se lève au moment où nous passons sur la butte qui surplombe l’étang de Riufret. Nous poursuivons alors avec la lumière naturelle du jour naissant. Cette partie du vallon n’est plus composée que de roches rouges, ambiance martienne assurée. Aucun névé tardif n’est présent pour faciliter la marche ; un unique névé anecdotique conduit au pied du couloir terminal. Le final du couloir est totalement sur terrain terreux, pénible, éreintant. Nous sortons au col de Riufret à 7h35 pour une ascension de 1320 mètres en 3h15, sur seulement 6 kilomètres linéaires. C’est une inclinaison totale identique à celle d’un kilomètre vertical, c’est dire la violence de la pente. Il est grand temps pour nous de prendre le petit-déjeuner. Un vent important souffle au col, nous nous élevons encore un peu pour trouver la chaleur du soleil et un abri au vent.
Sentier au dessus de l'étang de Riufret
Lever du jour au fond sur le Pic de l'Etang Fourcat
Prise d'eau dans le ruisseau de Riufret dans la partie supérieure
Le Col de Riufret se rapproche, il y a encore 10 ans cette combe était remplie de neige
Gros plan sur le Col de Riufret
Névé moribond mais bien compact
La vue vers l'ouest depuis le col de Riufret
Gros plan sur le Guins de l'Âne depuis le col
Après cette pause régénérative de presque une heure, nous repartons à 8h27. Descente rapide au col de la Coumette, puis traversée sous la face sud du Pic de Verdaguer et s’engage sans tarder l’ascension du Pic du Port de Sotllo. Dans cette face Est totalement décomposée, un très bon sentier a été trouvé pour prendre aisément de la hauteur. Nous voici à 9h32 à 3072 mètres sur la plus haute cime du jour. Cela nous aura demandé 4h21. La vue est dégagée sur 360 degrés, nous allons profiter pleinement du moment, car la course en tant que telle commence vraiment là. Nous voilà partis pour une chevauchée en crête avec les instructions du topo de Clément Tabouelle. Nous passons intégralement en Espagne pour quelques heures.
Un étonnant névé tardif sous la paroi du Pic de Verdaguer
Montée au Port de Sotllo
Dire que la pente est forte est un euphémisme
Les étangs de la Coumette d'Estats
Sur le sommet du Pic du Port de Sotllo
Vue sur le versant ouest de la Pique d'Estats
La crête à suivre jusqu'au Pic dels Estanys au centre
Vue vers le Nord/Est sur le massif de Bassies
Gros plan vers l'Ouest sur des sommets déjà gravis
Le bassin lacustre des Estanys de la Coma de Sotllo
Joël passe en tête à présent, il est dans son élément. La recherche d’itinéraire et la lecture de la crête est un exercice subtil qui conditionne beaucoup l’évitement des difficultés majeures. Après s’être avancé sur la pointe la plus à l'ouest du pic de Sotllo, les passages techniques débutent par le passage d’un goulet très croulant. Il y en aura deux de plus. Il est toujours préférable de passer en versant nord pour éviter les plus gros gendarmes. Néanmoins, suivre le fil de l’arête par endroits est aussi possible et impressionnant par la verticalité de l’abysse versant sud. Arrive ensuite un premier petit mur que nous évaluons en II sup, et un second donnant l’accès à une brèche en III. C’est très impressionnant depuis le haut. Joël ayant bien décrypté la difficulté nous donne les consignes pour passer en désescalade. La suite ne présente pas de réels problèmes, mais c’est long. Cela conduit à une zone herbeuse plane où quelques isards nous observaient un instant plus tôt. Il reste alors trois nouveaux bastions rocheux à gravir ou contourner et donc trois brèches mais les difficultés vont décroissantes. Enfin, le Pic dels Estanys est atteint à 11h47, ce qui nous aura demandé 6h07 pour s’offrir l’une des plus hautes cimes locales. Il fait beau, il fait faim, il fait très chaud. Pause sur place naturellement. La découverte du vaste étang de Canedo au pied du versant ouest est la première surprise. Les autres surprises viennent du panorama étendu de toutes parts.
Premier canal croulant vue vers l'aval
Premier canal croulant vue vers l'amont
Premier passage en désescalade
Passage en herbe pour récupérer après les émotions
Il reste encore quelques pointes à effacer
Sur l'une des pointes
Le Pic du Port de Sotllo d'où nous venons
Un peu de largeur est appréciable
Joël en recherche d'itinéraire
La Coma de Sottlo se dévoile sur notre gauche
Un dernier effort avant la cime
Premier regard sur l'Estany de Canedo
La crête que nous venons de parcourir
Vue vers le nord
Les Vallespiriens sur le Pic dels Estanys
Vue vers le Pic de Certescan et l'Estany de Romedo
Toujours le bel Estany de Canedo
Le Pic de Baborte est imposant mais inoffensif
Quelques barbules qui paraissent inoffensifs se sont formés au moment où nous posions les pieds sur le sommet. Pendant le repas, ces barbules se sont agrégés pour former d’importantes masses nuageuses. 12h45, il est temps pour nous de bouger. Une forte descente survient immédiatement après la cime, pour remonter sans transition sur une pointe. Il s’agit là d’une escalade facile où il faut purger les rochers instables et les prises friables. Pas plus de difficultés techniques autres que la prudence. La crête s’assagit un peu pour s’élever une nouvelle et dernière fois sur une côte où il faut une énième fois poser les mains. Le versant opposé nous dépose au Coll de Canedo. Nous sommes ici au pied du pic de Baborte où il reste à gravir 200 mètres pour conclure cette crête fabuleuse. Ce n’est plus que de la randonnée, raide mais rien de plus. Le troisième sommet du jour, le pic de Baborte est gravi à 14 heures après 7h27 de marche. Les jambes sont déjà lourdes avec déjà plus de 2000 mètres de dénivelé positif mais nous ne sommes pas encore à la moitié du parcours. Le ciel s’est fortement assombri, et malgré la chaleur, le risque de pluie est bien réel. Nous convenons qu’il faut rentrer en allant au plus court, tout sur sentier au cas où l’orage nous surprendrait.
Nouveau rognon rocheux où Joël nous attend
Un peu de verticalité "facile"
Autre perspective sur l'Estany de Canedo
Les Estanys de la Coma de Sotllo
Dernière véritable difficulté technique
Au départ de cette verticale en II sup
Estany de Canedo sur fond de massif de Certescan
Estany Fondo vu depuis le Pic de Baborte
Vue vers l'Ouest depuis le Pic de Baborte
Gros plan sur le Mont Rouch au premier plan et Maubermé dans le lointain
La descente au coll de Baborte n’est autre que le sentier de la voie normale. Entre la chaleur, la fatigue et la nuit courte, le sommeil nous gagne. Nous parvenons au col à 15h02 pour 7h57. Une sieste s’impose, indispensable. Le soleil est ardent, un orage approche mais le repos est la priorité du moment. Nous nous couchons pour somnoler ; nous serons dérangés par trois catalans bruyants, c’était certainement l’heure de se remettre en marche car il reste l’essentiel du kilométrage à parcourir. A présent nous allons évoluer sur sentier avec un passage dans la Coma de Sotllo, un plateau lacustre suspendu d’une beauté sans nom. Puis il faut gagner l’axe principal du barranco de Sotllo. Le ciel gronde, le soleil vient de disparaitre sous un ciel gris, et nous ne nous en plaindrons pas. Bien que cette vallée soit très belle et jamais monotone, il semble que l’on n’avance pas. Le sentier ondule entre descentes douces et remontées brutales. Au panneau annonçant la direction de la France, nous nous trouvons alors au point le plus bas de cette ultime grimpette. Il nous reste à nouveau 500 mètres de dénivelé à gravir, et comme nous accusons déjà quelques 2100 mètres dans les jambes, ce dernier effort n’est pas à galvauder. Il est 17h39 pour 9h58 que l’on arpente ce massif. Pause goûter pour refaire le plein d’énergie, avant de se lancer à nouveau dans la pente.
La Coma de Sotllo
Plans de Sotllo, passage agréable sur passerelles
Vue de dos depuis les Plans de Sotllo
Vue en direction de la vallée de Baiau
L’ultime remontée se passe sur un beau terrain herbeux, un sentier agréable le long du Barranco del Port Vell, un ruisseau paisible. Le terrain est confortable mais la fatigue générale nous freine dans l’élan vers le haut. Le tonnerre gronde encore quelques fois faisant résonner longuement la montagne, mais uniquement des menaces sans eau. Quelle chance ! Chacun monte à son rythme, comme toujours nous opérons à des regroupements pour rester unis. Je parviens au port de Roumazet à 19h22 après 11h25 de marche effective. Cela nous aura demandé 1h30 pour gravir les 500 derniers mètres du col. Lorsque je parviens au col, je mets en fuite des femelles bouquetins et quelques isards. Nouvelle pause à ce col frontalier où l’on constatera qu’il y a du réseau téléphonique. Il ne reste plus que de la descente à présent.
Dans le vallon du Port Vell, le col en point de mire
Les femelles bouquetins en fuites
Un isard nous méprise à 20 mètres
La partie supérieure du col en versant Français est pénible car recouverte de blocs. La marche devient plus confortable lorsque l’on retrouve le moelleux de la pelouse à l’approche de l’étang de Roumazet. La partie terminale de la journée se déroule sur un sentier bien connu qui conduit à la vallée de Soulcem, puis la piste jusqu’au point de départ. L’essentiel du kilométrage journalier est là. Nous terminerons la journée à la nuit tombante mais sans toutefois avoir recours à la frontale. Fin de la boucle à 21h44 pour un total de 13h31. J’avais imaginé que c’était possible, nous l’avons concrétisé. Le fait d’avoir été trois dans ce périple a beaucoup contribué à la réussite de la journée, tant pour les recherches d’itinéraire en crête comme aux prises de décisions d’écourter la boucle par exemple. Merci à Yannick et Joël pour leur bonne humeur, bon humour, et soutient indéfectible. En cette année olympique, je reprends les paroles du baron Pierre de Coubertin, « L’alpiniste va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. » Aujourd’hui nous avons eu l’occasion de réaliser pleinement cette citation inspirante.
Etang de Roumazet
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 13h31 pour 26,25 km à 1,95 km/h
Dénivelé positif total : 2650 m – Autant en négatif
Point culminant : 3072m
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