Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic du Montcalm en hivernale à la journée

23/02/2014 : parking de l’Artigue – Orri de pla Nouzère – refuge du Pinet – Pic du Montcalm (3077m) – aller/retour

 

Voilà enfin arrivé un week-end où il fait grand beau, sans nuage ni vent. Bertrand rêve de skier les pentes du Montcalm, le seigneur ariégeois dans le Vicdessos. Nous allons relever un défi de taille : aller au sommet en une journée et gravir les 1877m de dénivelé qui nous séparent, pour franchir les 3000m d’altitude. Avec de tels chiffres le ton est donné.

J’ai dormi au parking dans la voiture, ainsi que Mehdi, et Bertrand avec Jean nous rejoignent pour un départ nocturne à 6h20. Nous partons à 4, deux adeptes des skis et deux adeptes des raquettes, équilibre parfait donc. On trouve la neige dès le point de départ, mais pas assez gênante pour nous ralentir. Nous allons suivre la voie normale qui monte sur le refuge de l’étang du Pinet. A la lueur des frontales, nous longeons le torrent de l’Artigue, franchissons une passerelle. Après dix minutes passées parallèles au torrent, on monte à gauche dans le bois de Fontanal. C’est ici que commence vraiment l’ascension. Pour les avoir parcourus en été, je sais que ces bois représentent un sacré moment de grimpette. Petit à petit, le jour se lève et l’on devine sur notre gauche la Pointe de Belcaire.

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La neige, bien que présente en abondance, ne nécessite toujours pas l’utilisation des raquettes. Au moment où l’on sort de la forêt, le spectacle quotidien d’une aurore matinale se met en place. Le massif de Bassies, dans notre dos, commence à s’enflammer de rayons dorés.

 

Pic Rouge de Bassies au fond au centre avec le vallon de la Raspe

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Les crêtes du Picou Stèle, sur notre droite, s’éclairent à leur tour. Ce moment du lever du jour, qui se renouvelle sans cesse depuis que le monde existe, n’en finit pas de m‘émerveiller ; le contraste des couleurs chaudes sur cette immensité blanche apporte la promesse qu’une belle journée nous attend. Elle ne se démentira pas.

Nous arrivons aux ruines des orris du pla Nouzère à 7h40. C’est ici que les arbres s’arrêtent, 1700m d’altitude. Pour poursuivre convenablement notre ascension, chacun s’équipe enfin, skis ou raquettes.

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La suite de l’ascension se trouve sur notre droite ; on ne peut pas se tromper, c’est parfaitement tracé. Sur une longue traversée, on évolue en dévers, vraiment inconfortable en raquettes. Puis on monte directement dans la pente. Même si la neige a une bonne portance, on s’enfonce malgré tout de quelques centimètres, ce qui consomme de l’énergie. La pente est forte et ne laisse aucun répit. Avant de franchir l’ultime ressaut qui supporte le refuge du Pinet, l’inclinaison de la pente atteint son paroxysme. Il aurait fallu des piolets tractions pour le franchir mais nous ne les avons pas. De plus, la neige s’écoule sous nos pas, et c’est dans une débauche d’énergie que chacun arrivera à s’extraire de ce piège.

Ici c'est terriblement dur, le refuge est juste derrière

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Il est 8h56 quand nous arrivons au refuge. Nous avons mis seulement 2h20 pour l’atteindre. Nous sommes chaudement accueillis par « l’Amiral » Patrick et « l’Ancien » Alain, deux membres actifs et dynamiques du CAF de Carcassonne. Ils ont eu la sagesse de monter dormir la veille au refuge, afin de couper la course en deux parties. Le temps de se restaurer un peu, de chausser les crampons, et nous reprenons l’ascension à 9h25.

Depuis le refuge, le sentier en été contourne l’étang par la droite, mais en hiver, il est préférable de contourner par la gauche. C’est plus vertical, mais plus direct. Les skieurs sont 4 à présent, alors avec Mehdi, nous restons ensemble pour faire une trace en crampons. Une fois la butte qui domine l’étang du Pinet franchie, nous avons une longue traversée au dessus de gorges, formées par le torrent de l’Estats.

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Le refuge de l'étang du Pinet restera longtemps à l'ombre

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Ce passage, souvent délicat, exposé aux avalanches, se passe sans problème. Une fois arrivés à l’étang d’Estats, nous changeons de direction, nous tournons à gauche, cap Sud/Est. A présent la pente se redresse fortement. Cela nous conduit au bord de l’étang du Montcalm, dominé par la pointe éponyme.L'étang est là sous la neige.

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Jusque là, tout va bien malgré les 1300m de dénivelé gravis. Nous effectuons un nouveau rassemblement et c’est reparti dans des pentes toujours plus raides. Pour ne pas abimer les traces des skieurs, avec Mehdi, nous coupons tout droit, et c’est raide, mais raide ! Vers 2600m, c’est chacun pour soi. Je ne peux plus soutenir la cadence infernale de mes partenaires. Mehdi part en solo dans un mur, je ne peux plus suivre. Les 4 skieurs sont déjà loin, et je me retrouve alors seul. Je suis en panne de carburant, je n’avance plus. La pente ne laisse aucun répit pour celui qui est à la dérive. Je me force, je m’oblige, encore 50m, encore 50m de plus. Pourquoi, à quoi bon insister ? Malgré son nom qui évoque la sérénité, le Montcalm en hiver ne s’offre pas, il se conquiert de haute lutte. Je vais l’apprendre à mes dépens. Moi qui croyais le vaincre, c’est lui qui m’a mangé tout cru. A 2800m, je me pose sur une roche qui émerge dans cette mer de neige, et je tente de manger. Il est 11h18, je suis à bout de forces. Je suis en train de vivre le calvaire de Quentin au Canigou, en octobre dernier. Plus de jambes, le cœur qui s’emballe, et des questions plein la tête. Je sais que le reste de l’équipe a mis le cap sur la Pique d’Estats, mais je suis néanmoins seul.

Pendant que j’avale péniblement la moitié d’un croque-monsieur, 3 skieurs vont passer à moins de 2 mètres de moi. Aucun ne me verra !!! C’est en les saluant que chacun sursautera en entendant ma voix. Je ne suis donc pas le seul à être dans un état second. Le vent s’est levé et le froid s’empare de moi. Je dois choisir entre faire demi-tour ou poursuivre. A 11h35, je repars vers la cime. Je décide d’aller au moins à 2900m pour apercevoir enfin les 3 sommets de plus de 3000m qui trônent au fond de cette vallée interminable. La particularité du Montcalm, c’est qu’on ne le voit qu’au dernier moment, donc il faut poursuivre l’ascension. C’est la tête qui commande les jambes, car chaque pas où je m’enfonce jusqu’à la cheville, m’inciterait à renoncer. C’est vraiment épuisant. J’arrive enfin à une sorte de col, qui est en fait un carrefour pour choisir l’un des 3 sommets qui me font face. Je décide d’aller au plus court, sur le Montcalm, qui est à ma gauche. Je me raccroche à des symboles, passer au dessus de l’altitude du Carlit (2921m), puis arriver à 3000m. Je suis pris tantôt de froid aux pieds terrible, puis de fortes chaleurs. La thermorégulation ne fonctionne pas bien aujourd’hui, à moins que ce soit l’altitude. Une fois arrivé au col de Riufret, je sais que plus rien ne m’empêchera d’atteindre le sommet. Par chance, la pente est moins raide, et plus je m’élève, plus elle s’adoucit.

 

Guins de l’Ase (2960m), Mont Valier au fond

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La longue crête conduisant à l’avant sommet du Montcalm

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L’arrivée sur ce gros dôme se fait en douceur, heureusement, car aujourd’hui je ne pouvais pas aller plus haut. 12h46, le sommet est sous mes pieds. Je retire quand même un avantage à cette fatigue, c’est que les 3077m du Montcalm sont laissés de côté par tout le monde, si bien que je suis seul sur le toit de l’Ariège, alors qu’il y a foule sur l’Estats. C’est ça la vraie récompense.

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Pique d'Estats au centre, Pic du port de Sutllo à droite

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Sur 360°, une forêt de sommets dont je suis bien incapable de nommer. Je vais néanmoins reconnaître mon chouchou vers l’Est, le Canigou au fond à gauche, ainsi que le Carlit au fond à droite.

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A l’Ouest, le massif de l’Aneto est plus blanc que jamais.

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Par delà le Guins de l’Ase, se dresse la silhouette caractéristique du Mont Valier

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Je reste au sommet, pendant 20 minutes, en admiration devant tant de vallées, tant de sommets, tant de neige. Je regarde avec délectation, la Pique d’Estats, si proche, où mes camarades doivent se trouver.

A 13h06, je reviens sur mes pas, et je plonge dans la descente. Dans ce sens, c’est nettement plus facile. Je perds rapidement les mètres durement gagnés, c’est aussi ça la montagne. Le reste du groupe a déjà quitté le sommet de l’Estats, et nous nous retrouvons bien au dessus de l’étang du Montcalm, et nous poursuivons ensemble la descente.

 

A quelques virages de l'étang du Montcalm

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Les skieurs nous gratifient de magnifiques virages et disparaissent rapidement. Avec Mehdi, nous avalons la pente au plus vite. Nous nous retrouvons tous sur le balcon du refuge à 14h27. Cela fait 6h28 de marche, et mes jambes sont bien lourdes.

Nous prenons une petite collation au soleil, mais nous ne pouvons nous attarder car il reste encore 1000m à descendre. Je suis en manque d’eau, 1,5l avalé et il m’en manque. Heureusement que Bertrand et Mehdi en avaient en supplément. Alors à 14h55, c’est reparti pour le dernier acte de la journée.

 

Refuge du Pinet

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La neige, chauffée depuis quelques heures au soleil, porte très mal ; on s’enfonce autant que l’on glisse, mais on avance vite. Nos 4 compères skieurs vont dévaler d’une traite ce vallon, et disparaître dans la forêt. Nous allons mettre un peu plus de temps. Lors d’un passage en dévers, l’articulation de ma raquette droite casse. Heureusement, la fin est proche. Dans la forêt, elles ne me sont d’aucune utilité ; je peux me libérer les pieds. C’est sans aucune autre péripétie que je regagne avec Mehdi, notre point de départ à 16h11.

Sacrée journée, pour un sacré sommet. La raison recommande de faire une telle course en deux jours, surtout si l’on est en raquettes. A ski, c’est différent, mais encore faut-il savoir maîtriser de tels outils. Je reviendrai au Montcalm, c’est certain, mais l’eau du torrent de l’Artigue, aura bien coulé, sous les ponts de Vicdessos.

 

Tracé du jour sur carte IGN 1/25000

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 7h41 pour 17,2 Km à 2,2km/h

Temps pour atteindre le sommet : 5h10

Dénivelé positif total : 1886 m – Autant en négatif

Point culminant : 3077m.



21/02/2014
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