Puig de la Portella Gran – couloir NW en Y (PD sup)
26/03/2022 : Le Fanguil (1141m) – Jasse d’en Gaudu – Jasse de Delà – Couloir NW en Y (PD sup) – Puig de la Portella Gran (2765m) – Pic de Mortiers (2605m) – Puig de Terrers (2540m) – Col de Terrers (2407m) – vallon de Baxouillade – Le Fanguil
La versant Ouest du Puig de la Portella Gran (ou Pic de la Grande Porteille) est une face sombre composée totalement de couloirs. Aucune information sur ceux-ci. C’est certainement dû à l’éloignement du point de départ, et au manque de renommée du sommet. J’avais repéré ce champ des possibles il y a un an déjà, il ne me restait plus qu’à trouver un moment pour découvrir l’un des nombreux couloirs. Départ à 4h40 depuis le Fanguil en fond de vallée d’Orlu. Remonter l’Oriège en suivant le sentier du GR7. Laisser la Jasse de Gaudu, et traverser l’Oriège à la côte 1433m. Franchir le torrent n’est pas chose aisée, mais un pont de neige facilite grandement le changement de rive. Un sentier se dessine vers l’Est dans la clairière, avant de monter fortement en forêt, brutalement et sans répit. Il y a à cet instant 600 mètres de dénivelé à avaler pour se rendre à la Jasse de Delà, porte d’entrée de la combe de la Grande Porteille. Vers 1500 mètres, une longue langue de neige dure, reste d’avalanche, s’étire dans la pente. A 7h05, après 2h25, je fais une halte pour une pause « desayuno », et un cramponnage obligatoire.
Vue vers l'Ouest dans mon dos sur le massif d'En Beys
Vingt minutes plus tard, je reprends la marche. Il ne reste quasiment plus de dénivelé pour se rendre à la jasse de Delà. J’y parviens à 7h40 [2h40]. Un court instant pour inspecter l’état de la cabane, et je poursuis l’approche en mettant le cap au Sud. La cabane est posée sur une terrasse qui offre une vue imprenable sur la Dent d’Orlu. L’habitat est spartiate. Je doute quand même que du bétail trouve en ce lieu de quoi se nourrir durant tout un été. Il faut encore s’élever doucement dans ce cirque de la solitude. Le lieu est calme, paisible, un paradis de la solitude.
Cabane de Delà sous les contreforts du pic de l'Homme Mort
Pas de difficulté pour évoluer dans ce champ de roches recouvertes de neige, mais l’approche depuis la cabane va encore demander une heure, afin de se rendre au pied du couloir que je convoite. Je me présente au pied à 8h42, pour une approche totale de 3h38. J’adore cette approche de la montagne en pur style alpin. Dix minutes d’arrêt afin d’enfiler le casque et saisir les piolets, et à 8h52, j’engage la remontée du cône de déjection. Un couloir gelé en hiver est l’école de l’humilité. J’ai beau en avoir parcouru plusieurs dizaines, chaque nouveau couloir est un nouvel exercice qui est proposé, c’est une remise en question permanente. Tant de paramètres interviennent, que l’incertitude est le maitre mot, et la prudence son pendant. La neige porte plutôt bien, en avant pour la découverte.
La face Ouest est ses nombreux départs de couloirs
Face à moi le Puig de la Cometa d'Espagne
Le couloir tel que je l'avais découvert l'an passé
Départ du couloir sur le cône tout à droite
Le cône est long mais la bonne qualité de neige aide à passer ce rude moment. L’entrée du couloir est très large, et cela ne donne pas la sensation d’enfermement d’un couloir habituel. L’inclinaison dans la partie basse du couloir reste raisonnable, dans la continuité du cône. Mais cela va changer. Couloir en "Y" se divise en deux branches. Je choisis la branche de gauche qui semble plus raide après la division du couloir.
Le couloir vu depuis sa base
J'ai suivi la flèche
Entrée de la branche de gauche
Encore un effort avant de bifurquer à gauche
Après la division des branches, en effet, le couloir se redresse encore. Passant de 40° à 45°, les mollets commencent à bien chauffer. La qualité de neige reste constante et la prise de hauteur s’en trouve grandement facilitée. La pente se cambre toujours plus, 50° et la sortie se dessine sans pour autant arriver bien vite. Etonnamment, dans la partie haute, la portance de la neige devient médiocre là où un décrochage de plaque a eu lieu. Toujours sur la partie la plus haute du couloir, les déplacements de neige ont formé comme une vague ; c’est dans cette vague que la neige porte le mieux, c’est donc là qu’il faut « naviguer ». Peu à peu la pente se couche et finit pratiquement à l’horizontale à la sortie. Me voilà tout en haut à 10h14, pour un total d’efforts de 5 heures. Waouh, que c’est beau ! Je suis soulagé, d’en finir, d’autant plus que j’ai effacé le gros coup de fatigue de la Pique d’Estats il y a 3 semaines.
Entrée de la branche de gauche
La partie déjà gravie depuis la bifurcation
Dans la partie la plus inclinée
Le couloir pratiquement dans sa partie intégrale
La partie haute du couloir vue depuis la sortie
Sur la gauche un gros rognon rocheux, le sommet se trouve sur la droite. Suivre le bout de crête facile, et à 10h20 j’atteins le point culminant du jour [5h04]. Vue étendue et vent froid sont au rendez-vous, du grand classique pour un sommet dépassant les 2700 mètres. En avant pour un tour d’horizon.
Pic Péric (2810m) et Petit Péric (2690m)
Gros plan sur le pic de Tossa d'Alp (à droite sur la photo ci-dessus)
Vue vers le toit des P.O.
Foison de sommets vers l'Ouest
Le massif du Canigou attire le regard vers l'Est
Un regard dans le versant par où je suis monté
Tout proche le pic des Camporells 2671m
Vue vers le Donezan
Gros plan sur le Pic de Baxouillade et Roc Blanc en second plan
Malgré le soleil, le vent glacial venant du Sud me force à poursuivre sans plus attendre. Tout est envisageable depuis ce point, alors je décide de déambuler le plus possible sur les hauteurs ; cap au nord en suivant la ligne de crête séparant la réserve d’Orlu des vallées du Capcir. Descente sans difficulté sur une neige ramollie par les premières heures de la journée. Puis remontée facile sur ce désert d’altitude jusqu’au pic de Mortiers. De là d’où je viens, ce sommet n’a aucune prestance, il est à peine visible. Une vraie bouse molle, que je chevauche à 11h25 [5h52].
Sortie du couloir sur la flèche, et partie de l'arête descendue
La "toundra" version Pyrénées Catalanes
Puig de Portalla Gran dans mon dos
Etonnant bouquet d'ardoises
Le point culminant du jour s'éloigne
Pic de Mortiers tel une bouse molle
Je ne fais que passer, la vue n’est pas plus étendue que la précédente. Trois skieurs approchent rapidement, venant des Camporells, je leur laisse la place. Je poursuis ma chevauchée solitaire, toujours accompagné du vent de sud tenace. La cime suivante a le même profil aplati, c’est un sommet de plus offert en venant du Mortiers. Pourtant, le Terrers a fière allure depuis le fond de vallée du Galbe. Il est 11h55 quand je parviens sur cette troisième cime. Une matinée de 6h18 mérite une vraie pause repas. Je trouve un coin à l’abri du vent, et je me pose pour me restaurer à la terrasse de ce restaurant panoramique.
Dans le cratère à droite se cache l'étang du Diable
Vue d'où je viens
Gros plan sur la face Sud/Est du Pic de Baxouillade
Suite de la marche à 12h45. Il faut perdre un peu de dénivelé jusqu’au col de Terrers. Le GR tour des Pérics descend à gauche dans la vallée d’Orlu mais je pousse un peu plus la marche vers le nord pour descendre par un couloir proche de la porteille d’Orlu. Ce couloir en versant nord est fortement incliné ; c’est impressionnant, d’autant que la neige est encore très dure. Dans ce couloir il est prudent de bien lire le terrain avant de faire les pas de trop vers le bas. Une fois parvenu dans la cuvette, il faut suivre au mieux les ondulations des accumulations de neige, pour se jouer des pièges du terrain. La neige porte de plus en plus mal au fur et à mesure que je perds de l’altitude. On rattarpe le GR7 au niveau de l’élargissement du torrent de Baxouillade. Déchaussage définitif des crampons à 1700 mètres, juste avant d’entrer en forêt.
Pic de Terrers au relief rondouillard
Couloir à descendre, attention ça penche fortement
Pic de Baxouillade omni présent
La fière Dent d'Orlu, au second plan le massif de Tabe
Porteille d'Orlu à gauche, couloir de descente à droite
Ce n’est plus que de la randonnée pour finir la journée. C’est aussi raide sur cette portion, que la montée matinale. Une fois parvenu à la passerelle de la Jasse de Justinac, la suite n’est qu’une formalité sur piste. Fin de la boucle à 15h45 pour exactement 9 heures de marche effective. Réussite totale pour cette découverte. Une journée parfaite avec quand même pratiquement 1800 mètres de dénivelé. Comme dit cet adage en espagnol : "Solo tienes que vivir y la vida te dará aventuras.", ce qui donne « Tu dois seulement vivre, et la vie te donnera des aventures ».
Face Ouest du Pic de Baxouillade
Couloir en vue 3D
Trace du jour :
Trace du jour en vue 3D
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 9h00 pour 22,8 km à 2,5 km/h
Longueur du couloir : 280m
Temps dans la voie : 1h22
Dénivelé positif total : 1780 m – Autant en négatif
Point culminant : 2765 m
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