Pic de Maubermé et Mail de Bulard depuis le bocard d’Eylie
23/09/2022 : Bocard d’Eylie (905m) – cabane d’Urets – Port d’Urets (2512m) – Pic de Maubermé (2880m) – Port d’Urets – Pic de l’Homme (2734m) – Pic des Couloumès (2648m ) – Mail de Bulard (2750m) – Tuc de la coume de Lauze (2489m) – col de l’Arech (1802m) – Gr10 – Bocard d’Eylie
« Affectueusement vénéré dans sa vallée du Lez et d’Eylie, le Maubermé est lui aussi une montagne ariégeoise. » Patrice de Bellefon. Telle une sentinelle posée sur la frontière franco-espagnole, le Pic de Maubermé est le plus haut sommet du Couserans et du Biros. Son imposante silhouette le rend parfaitement identifiable loin depuis le sud dans le val d’Aran. S’offrir ce prestigieux sommet en venant par le nord est un véritable périple ariègeois. Il faut accepter d'affronter pratiquement 2000 mètres de dénivelé d’une traite, sans le moindre refuge gardé pour fractionner l’ascension. Le topo de la voie normale passant par le port d’Urets annonce 5h50, uniquement pour le sommet. Me voilà averti. Je vais passer la nuit au Bocard d’Eylie, site minier désaffecté ; l’endroit est glauque au possible, aucun charme, à oublier après la nuit passée. Car se rendre au point de départ est déjà une aventure en soi, 152 km et 2h45 pour moi, le bout du monde version Ariège.
Départ à 5h10 sous un ciel sombre mais pas étoilé comme on serait en droit de l’attendre par une nuit sans lune ; même le bout du monde est pollué pour la luminosité. Après les bâtiments en ruines, on traverse le torrent du Lez et il faut remonter une piste plein Sud, en ignorant les balises du GR10 sur la gauche. On ignore ensuite le sentier qui part à droite vers le cirque de la Plagne, pour tourner à gauche après un passage bétonné. Je n’ai jamais mis les pieds dans cette vallée. J’aime ce genre de découverte totale. L’itinéraire est parfaitement balisé de blanc et rouge. Il monte progressivement en forêt par de très nombreux lacets. C’est agréable et jamais pénible. Dans l’obscurité de la nuit, je scrute le sol attentif aux balises, lorsque je vois une grosse trace au sol dans de la boue. Je suis surpris pas la profondeur de la trace, et je me dis benoitement que dans la vallée, les chiens sont bien portants. Affaire à suivre. Chemin faisant dans les pâturages proches de la cabane de Coumeda, je réveille quelques vaches paisibles endormies sur le sentier. Je ne verrai pratiquement pas les pylônes rouillés encore présents dans le décor. Je parviens au barrage et à la cabane d’Urets à 7h20, en 2h10. Le topo indique 2h50, je suis donc un peu en avance. Le jour se lève enfin.
Cabane d'Urets et port d'Urets dans le fond
L’itinéraire se poursuit toujours vers le Sud sur la droite du vallon. Je découvre rapidement le troupeau de moutons encore endormis dans un enclos. J’aperçois un puis deux patous au milieu du troupeau ; en définitive il y en a quatre. A peine plus de 20 secondes plus tard, les aboiements retentissent, le signal d’un danger est donné. L’information est passée de mon côté, et je fais un détour bien à l’écart de la clôture et du sentier. Pourtant les quatre molosses aboient sans relâche à tout rompre. Malgré mon éloignement, un seul plus féroce ou plus débile continue son rituel d’intimidation. Le sentier m’amène à contourner le troupeau par le haut en le prenant à revers, et bien que je sois très éloigné, subitement le plus débile sonne la charge ; les trois autres lui emboitent le pas. Je vois la distance de sécurité entre eux et moi fondre à grande vitesse. Il va y avoir une confrontation avec 4 molosses plus lourds que moi, dont je connais déjà l’issue. Oups il y a danger ! Je hâte le pas plus par reflexe que par conviction, quand le hasard du sentier me conduit dans une cuvette hors de vue des chiens fous. Les aboiements cessent. Je reste bien dans la cuvette tout en poursuivant l’ascension à vive allure. Je viens d’échapper à un très mauvais moment. Puis le sentier évite la source du ruisseau d’Urets par la droite, pour s’élever en une série de lacets au dessus d’une muraille rocheuse.
Port d'Urets en point de mire
J’aperçois ensuite bien au dessus de la barre rocheuse, une toute petite cabane très caractéristique, dont les montagnes ariégeoises sont constellées. J’en ai vues l’an passé toujours à l’écart des sentiers, dans des endroits improbables, et toujours fermées à double tour. A qui et à quoi peuvent-elles servir, car c’est grand comme un placard à balais ! Par une succession de lacets, le sentier se joue du relief en prenant de la hauteur efficacement ; parfois l’homme a placé des murs de pierre sèche pour faciliter le cheminement. On rencontre dans ce passage, une main courante pour sécuriser ces quelques pas au cas où il y aurait des restes de neige, ce qui n’est pas le cas en ce moment. Le final de l’ascension est surprenant avec des vestiges de bâtiments dans l’axe du col. Je parviens au Port d’Urets à 8h36, pour une ascension de 3h27, au lieu de 4h30. Il y a une étonnante cabane en plein col. C’est à l’intérieur que je vais prendre enfin le petit-déjeuner, non sans avoir avant, dévoré du regard, le panorama éblouissant vers le Sud. Les Pyrénées sont définitivement Espagnoles.
Le type de cabane fermée que l'on trouve un peu partout
J'avais froid aux mains, je comprends pourquoi
Cabane au Port d'Urets sous le versant Est du Maubermé
Lac de Montoliu et Tuc de Parros en Espagne
Gros plan sur une partie du panorama vers le sud
Arête Est à suivre
Lac de Montoliu et Tuc de Crabes
9h10, c’est parti pour l’acte 2 de l’ascension. La voie normale passe en versant Sud. Mais je suis attiré par l’arête Est, à cheval sur la frontière ; cette arête domine par le Nord les combes d’Urets, cela promet de beaux moments vertigineux. Sans informations claires, je me lance dans l’aventure. Dans un premier temps, ce n’est que de la randonnée sur de la pelouse, mais les choses se compliquent sitôt les premiers escarpements rocheux. Avant cela, j’entends un souffle caractéristique d’un sifflement dans l’air. C’est un vautour qui passe si proche de moi que j’aurai pu voir sa pupille dilatée. Je suis prévenu que l’on attend mon faux pas imminent pour passer à table !
Ça vole bas ce matin !
A partir de là, ça se complique
Face au premier ressaut rocheux, je cherche longuement le meilleur passage s’il y a. C’est un ensemble d’escaliers verticaux légèrement déversant, mais pas de prises pour les mains ; de plus, le rocher ne tient pas. Je range dans le sac tout ce qui peut gêner à de l’escalade, et je m’engage dans le mur. Je trouve un bon bac pour la main droite, rien pour la gauche, avec de fines réglettes pour les pieds. Je n’ai droit qu’à un essai. Je me hisse sur une étroite plate forme, et j’enchaine sans plus attendre. Ce mur ne dépasse pas les 5 mètres de haut, mais avec une exposition redoutable. Je viens d’acter le fait que je ne pourrais pas faire marche arrière. Je ne saurai pas poser une cotation sur ce passage, mais c’est clairement supérieur à du II. La crête se compose donc de ressauts et de brèches peu profondes. Il y a un nouveau ressaut au niveau d’une croix de lichens jaunes. J’ai trouvé le passage sur la gauche de la croix dans du II versant espagnol ; là encore, ce n’est plus de randonnée, presque de l’alpinisme. Les deux ultimes bastions rocheux me semblent trop redoutables à affronter seul, pour jouer le trompe-la-mort. On évite finalement aisément par le versant droit au Nord, ces obstacles verticaux. C’est par de la randonnée que s’achève cette longue ascension. Il est 10h20 lorsque je sors sur la cime du fier Maubermé, en 4h37. J’aurai mis 1h10 de moins que le topo, voilà qui me laisse du temps pour profiter du panorama et de la suite de la journée.
Second ressaut rocheux, passer à gauche de la croix jaune
Dernier bastion rocheux, sommet visible au fond à droite
A quelques pas du sommet
Vue vers l'Est sur l'Estanh Long de Liat
Vue très étendue vers le Sud
Gros plan sur le Luchonnais
Gros plan sur le versant N du massif d'Aneto
Le proche Mont Valier et Petit Valier
La lointaine Pique d’Estats
Plein Sud la Punta Alta
Autre panorama du pic de Contraix aux Besiberris et plus encore
Gros plan sur le Tuc Gran Colomèrs
Retour vers le Port d’Urets cette fois par la voie normale à 10h40. Cela se passe dans un couloir d’éboulis affreux. Le sol glisse, je vais même tomber trois fois. Pour une voie normale, cela demande de l’attention, mais c’est parfaitement bien cairné. Je vois au loin dans les pelouses des isards qui courent à grandes enjambées je ne sais pour quelles raisons, alors que sur la gauche, au même instant, je suis épié par des bouquetins. C’est la belle rencontre du jour. Cinq femelles et cinq petits m’observent à moins de 15 mètres pour les plus proches, mais sur des escarpements qui les mettent hors d’atteinte. Un beau moment que m’offre le Maubermé.
Couloir plongeant, chevilles en souffrances
De véritables funanbules
Mimétisme entre le petit et sa mère
Pas la même attitude pour les isards
Le couloir vu du bas, les bouquetins sont encore visibles sur l'arête tout à droite
Puis, après avoir quitté le couloir, je croise un jeune couple de trailers français. Nous parlons de nos ressentis de l’ascension lorsqu’ils me parlent de la trace d’un ours. Quelle trace de l’ours ? Cette profonde trace dans boue n’était pas celle d’un gros chien alors, mais celle du plantigrade dont tout le monde parle sans jamais l’avoir vu. Les forêts du Biros abritent donc au moins un ours, avec moi cela fait deux ! Nous nous quittons, chacun dans des directions opposées. Le sentier pour revenir au Port d’Urets est agréable et même rapide. Je ne fais que passer pour la seconde fois à 11h23 [5h20], et je mets le cap à l’Est en direction du Pic de l’Homme, sommet totalement espagnol. Le terrain ne pose pas de difficulté, et il y a même une sente pour s’élever au dessus du port. Je parviens sur ce second sommet à 11h23, en 5h20. La vue s’ouvre vers l’Est sur un surprenant altiplano et deux petits vallons.
Sentier à flanc en versant Sud du Maubermè
Pic de Maubermé vu depuis l'ascension du Pic de l'Homme
Marche finale vers le Pic de l'Homme
Au sommet du Pic de l'Homme vue vers l'Est
Autre point de vue sur le Lac de Montoliu
Autre vue sur le massif d'Aneto
Je vise le point terminal du plateau, c’est le Mail de Bulard. La descente du Pic de l’Homme se passe au milieu d’éboulis fins mais sans danger. Puis la suite se passe sur de la pelouse rase. Je me fixe le Mail de Bulard comme objectif pour prendre le repas. Nouveau sommet nommé Pic des Couloumés qui donne un nouvel aperçu d’où je viens. La succession de montées et descentes sont autant de casse-pattes, mais la vue est là pour faire passer ce moment. Je parviens finalement bien vite au sommet du Bulard. Par ce versant, c’est un sommet « cadeau » qu’il aurait été dommage de manquer. Je parviens enfin à destination à 12h55, pour un total de 6h46. Grosse pause contemplative.
Face Est du Maubermé vue depuis le Pic des Couloumès
Pic de l'Homme à G, port d'Urets au centre, Maubermé à D vus depuis le pic des Couloumès
Encore un peu de distance pour parvenir en haut du Mail de Bulard
Mont Valier et Pic de Barlonguère à droite
Vallée du Lez où l'on devine le hameau d'Eylie
Nouveau vol de vautours au dessus du Mail de Bulard
Vue vers l'Est depuis le Bulard
Estanh deth Pietá en versant Sud du Bulard sous la crête frontière
Vue vers l'Est, ici tous les versants sont taillés au couteau
Gros plan sur le Mont Valier, col Faustin, Petit Valier
La seconde partie de la journée va consister à perdre 1850 mètres de dénivelé. Cap plein nord à 13h38 sur une crête qui sépare le vallon de l’Urets à ouest, du vallon d’Orle à l’est. Le départ des « difficultés » est signalé par un cairn ostentatoire. Cette crête est aérienne, très vertigineuse, mais sans grandes difficultés tant que l’on a de l’adhérence sous les semelles. Il ne faudrait pas être pris par la pluie à ce moment de la journée. Il y a de petits ressauts et de minuscules brèches, tous évitables aisément. Cette fine arête doit être encore plus agréable à monter. On domine sur la droite les ruines d’anciennes mines. Cela se termine sur la cime du Tuc de la coume de Lauze. La suite n’est plus que de la randonnée.
Départ de la crête depuis le Mail de Bulard
Véritable point de départ des "hostilités"
Un peu d'ondulation jusqu'au Tuc de la Coume de Lauze
Le Tuc de la Coume se rapproche
Le Mail de Bulard vu depuis le Tuc de la Coume de Lauze
Après avoir parlé du pays avec un couple au Tuc, je file à grands pas dans la pelouse en direction du col de l’Arech. Un ciel sombre invite à donner du rythme. Par chance, c’est de la randonnée agréable sous les pylônes désaffectés. Un troupeau de moutons remonte vers le col depuis la cabane de l’Arech, emmené par un patou aboyeur. Je me signale au berger qui appelle certainement le chien puisqu’il cesse alors ses vociférations. Je passe au col de l’Arech à 15h14 [8h10]. On rattrape au col le sentier du GR10, cap à l’ouest.
La descente du Tuc de la Coume de Lauze
Je sais que les prévisions météo avaient annoncé une probabilité de 15% de voir tomber 1mm d’eau à partir de 15 heures et à partir de 17 heures une probabilité de 75% pour 3mm. Aaaah, les probabilités de pluie et l’Ariège ! Dés 15h25, c’est parti pour la douche. Par chance je rentre rapidement dans le bois des Rochers de Bastard, où le couvert des feuillus me servira d’abri. Le GR10 à cet endroit est magnifique, un plaisir à parcourir. La perte de dénivelé est rapide. Pourtant à 16h10, la pluie cesse, je ne suis plus très loin du terminus. Je finis cette intense et superbe boucle à 16h17, en 9h14. La descente du col de l’Arech n’aura demandé que 1h04 pour 850 mètres de dénivelé perdu ; c’est dire si le sentier est agréable. J’ai profité grandement de ce premier jour d’automne où la température a enfin retrouvé un niveau de saison. J’ai eu un tout petit aperçu des montagnes du Biros qui demandent à ce qui j’y revienne. Mais que c’est loin ! Le versant sud présente des pentes plus douces. Il y passe le GR11, un endroit de plus qui méritera une visite.
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 9h14 pour 26 km à 2,8 km/h
Dénivelé positif total : 2380 m – Autant en négatif
Point culminant : 2880m
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