Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Rando dans les Pyrénées en toute simplicité

Pic de Moredo par le Port d’Aula

17/06/2023 : Route fermée Lasserre (1138m) – Col de Pause (1525m) – Port d’Aula (2260m) – Pont de Perosa – Coma de Perosa – Collada del Ras (2158m) – Serra del Ras – Collada del Cap del Ras (2399m) – Pic de Moredo (2760m) – vallon de Cireres – Pont de Perosa – Port d’Aula – Col de Pause - Parking

 

« Figurez-vous qu’à la ferme d’Alos, au pied du pic, on ignore même son nom. On l’appelle ici « La Roca Blanca ». «Tres horas, por lo menos», a dit le jeune montagnard… C’est long, c’est très long, le Moredo. Pic totalement méconnu. En aviez-vous entendu parler avant ? Et, pourtant, c’est une randonnée exceptionnelle qui vous fera voir deux « pays » ». Voilà comment Michel Sébastien présente ce long périple de 12 à 15 heures, dans son livre « Sommets Pyrénéens » paru en 1983. Il y avait encore des coins peu visités. De nos jours ce n’est plus le cas, mais pour moi, ce sera quand même une journée complète en tierra incognita. Le topo donne une estimation horaire de 12h à 15h, c’est extrême. De plus des orages sont annoncés pour 15 heures. Et comme si cela ne suffisait pas, lorsque je me présente sur la route du col de Pause, un arrêté municipal de Seix en interdit l’usage. Je suis contraint de me garer 3,5km en aval du col, distance à rajouter à l’aller et au retour. Le problème est planté, il va falloir être efficace.

Départ dès 3h35 sous un ciel magnifiquement étoilé par l’absence de lune. Je découvre que cette route interdite à la circulation est en parfait état, pire encore, il n’y a pas une herbe qui dépasse, à faire pâlir de jalousie les routes nationales de l’Aude. 50 minutes pour avaler en côte les 3,5km de bitume qui mènent au col de Pause, puis j’enchaîne sur la piste du port d’Aula. Dans l’obscurité, et pour garder une marche efficace, je préfère rester sur la monotonie de la piste, en évitant les raccourcis du GR10. Dés 5 heures, j’éteins la frontale pour laisser mes yeux s’habituer à l’obscurité et marcher avec la lumière naturelle. Cet exercice oblige à être plus attentif. Le jour se lève lorsque je passe à l’’étang d’Areau. Sur ma droite apparaît l’imposante face est du Mont Valier et son couloir Faustin ; il fait peur par sa verticalité. Je me demande encore comment nous l’avons gravi en mars 2019. Sur ces considérations là, le chemin défile pour arriver au petit étang de Prat Matau, et en un ultime coup de rein, le Port d’Aula est franchi à 6h15 en 2h40. Cela représente quand même pratiquement 10 km pour 1120 mètres de dénivelé. L’objectif du jour apparait enfin.

 

Le jour se lève sur l'étang d'Areau

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Versant Est du Mont Valier et du col Faustin
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Port d'Aula en vue
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Etang de Prat Matau
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Lever de jour rougeâtre
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Borne frontière au Port d'Aula

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Passage en Espagne où la montagne est lézardée de sentiers laissés par le bétail. Il y a bien un balisage, mais très discret. Plus je perds de dénivelé, et plus je me rends compte que personne ne vient dans ce secteur, à part les vaches toujours très agitées de bon matin. Je surprends des biches qui filent au grand galop, puis ce sera au tour d’un isard. A la rupture de pente, il faut rester rive droite du torrent, cela passe partout dans la pelouse. Le sentier débouche sur une minuscule cabane qui sert de stockage au sel, et je pense que les chevaux qui se trouvent là en manquent, car ils s’approchent de moi avec instance en quête de ce fameux sel certainement. Mais dans la cabane, les sacs sont vides, je ne peux rien pour eux, alors sans trainer, je poursuis mon itinéraire. Le chemin traverse une zone de genêts et en l’absence de bétail, le sentier aurait disparu dans la végétation. Puis le sentier débouche sur la piste qui monte au Port de Salau où je découvre le premier panneau informatif. Je tourne à l’opposé, et je parviens au pont de Perosa après 3h55. Il est 7h35, es hora de desayunar aquí.

 

Pic de Moredo tel qu'on le découvre depuis le Port d'Aula

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Gros plan sur le pic de Moredo
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Il y a de la distance avant de toucher la cime
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Etang sans nom sous le Port d'Aula versant Espagnol
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Très gros plan sur le massif des Posets vu depuis le Port d'Aula
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Pic de Moredo vu depuis les Clots d'Aula
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Cabane sommaire proche des Bordes d'Isíl
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Les chevaux s'agitent sur mon passage
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Premier panneau signalitique sur le piste du Port de Salau
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Dernière information au pont de Perosa
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Pont de Perosa
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Courte pause et à 8 heures, je remonte le versant opposé d’où je viens, en suivant une piste qui met le cap vers l’ouest. On prend cette piste à la borda de Perosa (grange). Pas de problème de recherche d’itinéraire tant que l’on reste sur cette piste, mais il faut la quitter à 1850 mètres, pour remonter un ravin où coule un petit cours d’eau. Il y a une vague sente mais qui n’est entretenue que par la faune locale. Le plus simple est encore de rester proche de l’eau. Je m’arrête faire le plein d’eau à la source de ce ru et poursuivre. Je vais surprendre un sanglier à moins de 10 mètres qui mettra lui-même en fuite un chevreuil tapi tout proche. Plus loin encore, c’est sur une biche que je vais apercevoir à moins de 10 mètres ; quelle vie dans ce bois ! Plus vraiment de sentier, c’est la « selva », la jungle locale. Je vais de sente en sente pour garder une marche régulière, mais le rythme a fortement chuté dans cette végétation dense. Puis, au détour d’un col à 2100 mètres, mettre le cap vers le sud, toujours dans la végétation luxuriante. Enfin une clairière, les arbres s’effacent, il s’agit de la Collada del Ras. Il est 10 heures [5h50]. Courte pause pour boire et s’orienter, et en avant toute crête.

 

Port d'Aula

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Gors plan sur le port d'Aula versant Espagnol
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Port de Salau
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Gros plan sur les vestiges de bâtiments au Port de Salau
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Vue vers le Maubermé
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Gros plan sur le Maubermé
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Le pic de Moredo se rapproche
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La crête à suivre nommée Serra del Ras
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A la collada del Ras
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Alors que je crapahute seul, je n’ai pas vraiment la sensation d’être vraiment seul. La montagne résonne des sonnailles des vaches se trouvant sur ma droite dans la vallée de Llançanes. Pourtant sans sentier, tout passe sans difficulté jusqu’à se hisser sur la Serra del Ras. On devine facilement au loin qu’il y aura deux passages où il faudra réfléchir un peu. Cela me parait long. La cime est dans la ligne de mire, mais j’ai la sensation de ne pas m’en approcher. Toujours est-il que ce sommet tout blanc est une superbe citadelle.

 

Mont Valier dans le dos

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Panorama vers le nord
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C'est droit devant que ça se passe
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Sur ma gauche gros plan sur le massif des Mont-Rouch
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La longue Serra del Ras à suivreIMG_1107.JPG

 
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Ras de Bonabé sur ma droite
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On rencontre sur cette crête une première brèche qu’il faut négocier avec prudence versant ouest. La crête se poursuit pour poser le pied sur le calcaire. Par ce versant, à par la crête, il n’y a aucun autre accès possible. La crête est magnifique, avec une texture toute singulière au calcaire, composée de dalles et de fissures. C’est de toute beauté, mais la fatigue m’empêche de profiter pleinement de cette crête. C’est tout autant vertigineux à droite comme à gauche, et le fil de la crête demande un peu d’attention sans être extrêmement technique. J’arrive au sommet à 12h10 après 7h50 de marche. Il est grand temps de manger. Je suis assoiffé ! Mais un tour d’horizon s’impose avant toute chose. Etonnant sommet calcaire qu’est ce pic de Moredo, justement surnommé Roca Blanca. Abords rocailleux mais immense panorama, il sait récompenser les vaillants qui osent lui rendre une visite.

 

Première brèche délicate
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Grosse rampe avant la seconde brèche
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La partie rocheuse commence
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Isards au pied de la face nord
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A présent il faut mettre les mains

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Estany del Ras et au loin le Maubermé
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Le calcaire est compact mais moutonné
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Une partie de la crête parcourue
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Du sommet port d'Aula à l'épaule gauche et Mont Valier à l'épaule droite

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Tour d'horizon en images, qui n'est malheureusement pas exhaustif. La vue sur les sommets du Val d'Aran est à couper le souffle. Vers l'ouest le Néouvielle pointe sa cime, et vers l'Est c'est le massif de la Pique d'Estats qui ferme l'horizon.

 

Proche Tuc de Bonabé à l'ouest

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Massif des Besiberris
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Plein centre la Punta Alta
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Massif Aneto/Maladeta
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Massif des Posets
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Massif du Luchonnais
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Gros plan sur le pic de Néouvielle
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A gauche le pic du Midi de Bigorre
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Plein centre pic de Maubermé
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Port de l'Esque et pic de Barlonguère
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Mont Valier versant sud
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Pic de Quenca à droite
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Pic de Péguère au centre
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Massif des Mont Rouch à gauche
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Tout au N/E le massif de Tabe
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Je suis au point le plus extrême de la journée, je n’ai fait que la moitié du chemin et le ciel prépare méthodiquement son orage quotidien. Je me fixe l’objectif d’arriver avant la pluie dans le vallon de Cireres, car après quoi qu’il arrive dans le ciel, je ne serai pas en difficulté. Remise en action à 13 heures, tout d’abord par la traversée d’une fine arête menant à une seconde cime, puis contournement par les hauteurs de l’arête faîtière. Je trouve là les uniques cairns de la journée, indiquant le final de l’itinéraire venant d’Alós d’Isil. C’est l’unique itinéraire que j’ai trouvé dans l’ouvrage de Michel Angulo tome V sur les 1000 ascensions dans les Pyrénées. La crête s’effondre sur la Serra de Comabiera. Il y a un couloir à la côte 2325, unique accès sur cette rive au vallon de Cireres. La pente d’herbe pour accéder au couloir est plus raide que le couloir. Ce couloir se descend très  facilement. Une fois sur le plancher des vaches tout va devenir plus simple. Mais avant, je fais un nouveau plein d’eau potable où il faut aller chercher la source très haut pour éviter les déjections bovines.

 

Vallon de Cireres où il faut aller

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La courte arête faitière
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Droit vers la Serra de Comabiera
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La cime vu sous un nouvel angle
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L'intégrale de la Serra del ras
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Le point bas côte 2325 couloir à emprunter
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Nouvelle biche solitaire et lointaine
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Le couloir à descendre
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Face nord du pic de Moredo
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Pas vraiment de sentier, mais puisqu’il y a des vaches il y a un passage pour le bipède que je suis. Je vais suivre à ma convenance les sentes de vaches d’abord rive gauche, puis rive droite jusqu’à ce que le torrent forme une gorge. La sente passe rive gauche pour ne plus la quitter. Pas de balisage, mais le passage du bétail a laissé une trace sans équivoque. Le sentier débouche sur la piste matinale, la boucle est refermée. Je reprends mon itinéraire matinal. Il est 15 heures lorsque les premières gouttes tombent ; ce n’est qu’un avertissement, cela ne dure pas. Je passe pour la seconde fois au pont de Perosa à 15h30, après 10h15. Il reste encore 720 mètres de dénivelé positif à gravir, ce n’est pas une paille ! Alors je me hâte pour rejoindre avant la pluie la cabane qui abrite le sel, pour faire une courte pause, avaler du sucre, et me couvrir, car la pluie est à présent là de façon définitive.

 

Le couloir descendu

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Le plancher des vaches en fond de vallon de Cireres
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Dernier regard sur la face Nord du pic de Moredo
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Les premiers cumulus sur le Mont Valier
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Je connais la suite, il a bien un balisage, mais si discret que je le perds parfois. Qu’importe, il y a la visibilité, et aucun piège à éviter pour pouvoir marcher à vue. Le ciel se déchire, des grondements sourds roulent dans l’espace, la montagne résonne de l’orage. L’eau tombe, l’eau coule, je me hâte. La foudre semble loin mais les grondements poussent à avancer sans attendre. Alors que je passe bien à l’écart du troupeau de vaches sous les clots d’Aula, ces dernières se mettent à beugler et se lancent à mes trousses à la course. Que cherchent-elles ? Tout le troupeau est en action à mes trousses et j’ai beau les ignorer, cela ne les décourage pas pour autant. De qui dois-je avoir le plus peur, de la foudre ou des bêtes à cornes ? Les deux sont autant de motivation pour avaler la pente et oublier la fatigue. Elles vont cesser leur harcèlement proche du port d’Aula. Je franchis ce dernier à 17h15, en 11h46.

 

Ambiance humide au Port d'Aula

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Il ne reste plus alors que de la descente et de la piste. L’orage gronde derrière le Mont Valier, mais cela ne reste que de la pluie, fort heureusement pas de tempête. Je vais au plus direct, puis lacet après lacet j’arpente la piste pour parvenir au col de Pause où il me reste encore 3,5km de route. L’orage m’aura épargné, c’est bien là l’essentiel. Je retrouve le point de départ à 19 heures, et boucle ce périple transfrontalier en 13h20. Je n’ai croisé personne, ni de près ni de loin ; je n’ai pas prononcé une parole de la journée. Aller au pic de Moredo est la garantie de la solitude la plus totale. Je suis ivre de fatigue. Autant de distance pour un unique sommet, est-ce bien raisonnable ? La réponse est peut-être fournie par cette citation de Nicolas Chamfort : «Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu.»

 

Etang de Prat Matau

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Etang d'Areau
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Trace du jour :

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Les chiffres de la journée :

Temps de marche total 13h30 pour 48,4 km à 3,6 km/h

Dénivelé positif total : 3220 m – Dénivelé négatif total

Point culminant : 2760m

 



19/06/2023
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