Monteixó et pic de Norís depuis les orris du Carla
25/06/2021 : Orris du Carla – Etang de la Soucarrane – Port de Bouet (2509m) – pla de Boet – pla de la Selva – estany d’Aixeus – Pic de Monteixó (2905m) – Pic de Norís (2826m) – col 2606m – barranc del clot de l’Olla – pla de Boet – port de Bouet –Etang de la Soucarrane – Orris du Carla
Isolé au cœur du Vall Ferrera, le pic de Monteixò culmine quand même à plus de 2900 mètres. C’est une pyramide parfaite qui attire le regard depuis la Pique d’Estats, qui lui fait face au Nord. C’est lors d’une ascension de la Pique en 2011 justement, que ce pic de Monteixó avait attiré ma curiosité, et mon envie de découverte. Chaque fois que je me rends dans ce secteur, je ne reste jamais insensible à cet imposant sommet bien identifiable. Mais sa position très éloignée de la frontière, le rend pratiquement inabordable en une seule journée. En cherchant le moyen de m’y rendre, la distance en voiture m’avait rebuté. Selon le parcours routier que l’on pourrait emprunter pour se rendre au départ le plus proche depuis Carcassonne, cela va de 286 km à 340 km. C’est juste impensable, écologiquement et économiquement parlant pour moi. Il reste la solution de franchir à pied la frontière, depuis le Vicdessos. Là, c’est la distance pédestre qui avait réfréné mes ardeurs, mais la covid est passée par là. Lorsque j’ai découvert en juillet 2019 sur facebook ce périple réalisé par l’infatigable crapahuteur Rodolphe, j’ai compris que c’était possible. Je me suis naturellement inspiré de son parcours. Alors, en partant tôt, sur une belle journée d’été, cela vaut la peine d’être tenté. Ce voyage va me conduire loin dans le Vallferrera.
Départ dés 4 heures depuis les orris du Carla à Soulcem. La nuit est claire, la lune brille encore. Suivre la piste jusqu’à la passerelle de la cascade de Labinas, puis changer de rive. Remonter le cours d’eau jusqu’au panneau indiquant l’étang de la Soucarrane. Le sentier est détrempé, l’eau coule de toute part. Rapidement, j’ai les pieds moulés et le froid s’installe, alors il faut marcher pour contrer le froid. Dés 5h30, la luminosité est suffisante pour marcher sans frontale. Passage à l’étang de la Soucarrane à 5h50 en 1h50. De gros nuages passent la frontière, mais viennent se désagréger rapidement sur le pic de la Soucarrane ; le beau temps se met en place peu à peu. Le sentier est totalement libre de neige, ça monte sans encombre. Passage du port de Bouet à 6h30 en 2h30. Grosse pensée pour mes camarades qui m’avaient accompagné en octobre dans un enfer blanc sans consistance.
Pic de la Soucarrane et son étang
Versant est depuis le port de Bouet
Gros plan sur la destination du jour, ça fait loin
Je bascule instantanément sur l’Espagne. Ce versant est plus verdoyant que son opposé, donc plus « roulant ». Peu de balisage, mais l’itinéraire est évident. La perte de dénivelé est rapide jusqu’à ce que je rencontre un troupeau de plus de 50 bovins, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la vache n’est pas du matin. Ça beugle à tout rompre. Je me présente pour rassurer mon auditoire, mais certainement que mon accent a dû déplaire, car l’une d’entre elle se met en tête de se faire le randonneur français. Elle s’avance, menaçante, ne me lâche pas du regard. Alors que je contourne hors sentier, elle trottine encore dans ma direction puis cesse la menace. Ouf ! Répit de courte durée puis au dessus du pla de Boet un autre troupeau avec autant d’individus, et bis repetita. Quand 700 kg de muscle refusent de quitter le sentier, qu’importe ce qu’il y a autour, il faut se résoudre à sauter et laisser passer la bête. Fin des ennuis pour de bon. Je parviens au pla de Boet à 7h30, en 3h30.
Pour le moment il faut suivre la Molinassa
Face Nord/est du pic de Norís , repérage pour le retour
Il faut alors traverser le cours d’eau d’Arcalís à l’aide de deux passerelles, pour aller trouver le GR11 sur la rive gauche. Ce bout de sentier est de toute beauté, ombragé, très propre et abondamment ponctué de panneaux indicateurs. Déjà de très nombreux véhicules occupent le parking terminal, point de départ de l’itinéraire sud de la Pique d’Estats. C’est un pur régal d’évoluer dans ce sous-bois. J’arrive au pla de la Selva à 8h32, 959 mètres de dénivelé positif accumulés, et déjà 4h30 que je marche. Es hora de desayunar. Je trouve enfin le premier panneau parlant de ma destination.
Cabane de Boet
A prèsent suivre pla de la Selva
Panneau au pla de la Selva indiquant ma destination
8h50, je quitte le GR11 pour remonter la piste forestière menant au point de départ « officiel » du versant Nord du pic de Monteixó. C’est très roulant mais ça dénivèle trop peu. Des véhicules montent mais ils n’auront pas le plaisir de croiser un cervidé. Au bout de la piste débute le sentier. Il est 9h40 et l’horaire annoncé est de 3h pour le pic, pour 900 mètres de dénivelé positif. Il ne faut pas rêvasser. Le sentier est balisé de cairns et semble très fréquenté tant son état est excellent. Il remonte le canyon du ruisseau d’Aixeus. C’est vraiment très beau. Rien que pour ce bout de sentier, cela vaut le voyage.
Buenos días amigo ciervo
Cascade venant de l'estany d'Aixeus
Le sentier s’écarte ensuite du torrent et la pente se redresse nettement. Ça dénivèle fort, ne pas laisser le cœur s’emballer. On débouche alors sur un plateau surplombant l’estanys d’Aixeus où se trouve un relai météo. Fini la marche en pelouse, passage sans transition sur un terrain purement minéral.
Du beau monde dans mon dos (cliquer sur la photo pour agrandir)
Face nord/est du Monteixó
Estany d'Aixeus d'un peu plus haut, au fond pic de la Soucarrane
Gros plan vers le Nord/Ouest
Gros plan sur le pic de Certascan
L’itinéraire se faufile parfaitement bien dans une face bien austère. Inutile d’aller dans l’espace pour avoir l’impression de marcher sur Mars, le Monteixó est une réplique en plus accueillant. Malgré un terrain rocailleux et raide, l’effort est contenu et la prise de hauteur se fait sans douleur, d’autant que le paysage environnant donne de quoi s’évader. Tout est beau, il n’y a rien à jeter. Un plat est là, à 2730 mètres, pour faire une halte si besoin, avant d’avaler les presque 200 derniers mètres. Dans cette face ça passe partout. Il y a des cairns à droite et à gauche mais le plus direct reste encore le mieux. Je marche sans arrêt jusqu’à venir à bout de mon content d’énergie. Sommet atteint à 11h28, après 7h07. Je viens d’avaler en une matinée 2120 mètres de dénivelé positif. Ça c’est fait ! « Le bonheur ne se trouve pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir » Confucius. Entonces es hora de almorzar.
Il faut grimper au col tout à droite
Le final plus raide que ne laisse paraître la photo
La crête menant au pic de Norís et plus loin pic de Gerri
Panorama vers le nord depuis le sommet
Ce sommet est exceptionnel pour son panorama. S’il n’y avait pas des nuages à l’Ouest, on verrait nettement le massif de l’Aneto, les Besiberris, ainsi que la Punta Alta. La vue est fermée au sud par le pic de Salória et la Torre de Cabús. Au nord ce sont les pics de Pointe de Rabassère, pic de Turguilla et pic Près de Puntussan qui ferment l’horizon à la gauche des « 3000 ». Plein est, c’est le pic de Font Blanca qui se détache nettement. Un vrai régal à l’heure de la pause. Un couple de trailers arrive alors. Ils sont montés en 1h35 depuis le parking, quand moi j’ai mis 1h48. L’homme désigne le Mont Valier en me disant : « c’est lui l’Aneto ? ». Aaah les trailers, des machines à avaler les dénivelés, sans vraiment connaitre la montagne. Sin comentario !
Panorama vers le Nord
Vue vers le sud
La crête penche passablement - au fond droit pic de Coma Pedrosa
Estanys d'Aixeus et pic de Norís
Je viens de m’offrir une heure de contemplation, une heure de bonheur simple, une heure sans tapage médiatique, un peu plus près du ciel. 12h25, il faut déjà partir, je suis au point le plus éloigné de la journée. Je décide d’aller sur le proche sommet pic Norís à l’est, par une crête herbeuse. Les meilleurs passages sont soit sur le fil, soit en versant sud, mais ça penche fortement. Bâtons indispensables, chevilles sous contraintes, chute interdite. L’essentiel des difficultés se trouve entre le Monteixó et la côte 2784, ensuite c’est de la simple randonnée. Je foule le pic Norís à 13h13 [7h56]. C’est une cime étirée avec 2 extrémités occidentale et orientale. Il y a fort à parier qu’il ne reçoit pas souvent de visite.
Au premier plan la crête jusqu'au pic de Norís
Un bout de crête parcouru, le Monteixó s'éloigne
Les deux versants radicalement opposés de la crête
Vue vers le sud sur le pic de Saloria
Vue vers le Nord depuis le pic de Norís
Vue vers le Monteixó depuis le pic de Norís
Gros plan sur le pic de la Soucarrane et port de Bouet
La logique appellerait à descendre plein nord dans la douce pente verdoyante direction Lo Sentinella, mais craignant de m’enliser dans une végétation trop dense sous les 2500 mètres, je poursuis la crête vers l’est jusqu’à trouver un passage que j’avais repéré dans la matinée. Il s’agit d’atteindre un col 2606, au pied d’une nouvelle crête herbeuse trop fortement inclinée. Pas de grandes difficultés pour attendre ce col, en passant souvent sous la crête. Ce col est la sortie d’un couloir, mais cela passe plutôt bien. L’endroit est isolé. C’est grisant cette sensation de solitude, mais gare aux faux pas, cela pourrait être fatal.
Surprenant étang suspendu Estanyet de Norís
Plonger dans la pente en versant nord
La vie est dure parfois dans le coin
L’eau ne manque pas, c’est d’ailleurs la grande richesse de toute cette chaine de montagne. En l’absence de sentier, on peut suivre le torrent jusqu’à ce qu’il forme une gorge verticale. Partir alors sur la gauche dans les rhododendrons. C’est la partie la plus malcommode de la journée, mais le sol ne se dérobe jamais. Rencontre furtive avec une vipère, la perte d’altitude est rapide. On tombe sans faillir sur le sentier GR11 qui descend du cirque de Baiau. Il ne reste alors qu'à reprendre le chemin matinal.
La source du torrent sans nom coule avec un débit énorme
Pic et vallon d'Areste au Nord
Je passe pour la seconde fois au pla de Boet à 15h07, après 9h32 de marche. Le panneau informatif donne le ton : port de Bouet 1h35 et Etang de Soulcem 3h35. Cela donne une heure théorique d’arrivée à 18h42. Je dois faire mieux. Comme un cycliste, j’adopte la même attitude. Je mets la grosse plaque, je tombe une dent, et j’amène du braquet. Rien de technique, et pas de recherche d’itinéraire, ce n’est plus qu’un effort cardiaque à présent. Plié sur les bâtons, les jambes poussent vers le haut dans la pelouse mon corps fourbu. Je ne touche pas le sol, c’est grisant. Tiens, voilà à nouveau les vaches ! Or il est l’heure de la sieste de ce côté de la frontière, alors elles restent allongées indifférentes à mon passage. Parfait, cela me permet de monter d’une traite au col frontalier. 16h11, port de Bouet [10h35]. Je viens d’effacer les 630 derniers mètres de dénivelé positifs en 1h03. Il reste encore 860 mètres à perdre.
Tout est dit !
L'itinéraire vaguement suivi
Vue vers la France depuis le Port de Bouet
Crête du port de Rat au pic de Bareytes
Plus de fantaisie, je me contente de suivre le sentier. Cette descente est pénible, impossible de marcher vite. Nouveau passage à l’étang de la Soucarrane, définitivement mon étang préféré du secteur, par sa luminosité. Je croise une tondeuse géante sous l’étang : un troupeau de moutons qui montent en estive sous le port de Bouet. Un grand merci à eux pour cet entretien indispensable de nos sentiers. Au pied de la pente, je suis las du sentier, je n’avance plus. Je coupe le torrent de Soulcem et rattrape ainsi la piste en rive droite pour allonger le pas. La fatigue est là, il est temps d’arriver. Fin de la balade à 17h55, pour un total de 12h20. Je viens de gagner 47 minutes sur le temps théorique donné au pla de Boet. L’essentiel ayant été gagné à la montée. De quoi rentrer sereinement en voiture à présent.
Etang de la Soucarrane de mon coeur
Le Soulcem avant la cascade de Labinas
Il y a 5 ans, je ne me sentais pas capable d’un tel périple, mais la covid est passée par là. Il est urgent d’agir et de ne plus reporter à demain. Je me suis endurci physiquement et mentalement pour mettre toutes les chances de concrétiser des rêves, aussi fous soient-ils. Le Monteixó est de ces sommets pour qui l’on ne se déplace qu’une fois, il fallait qu’elle soit belle. En partant très tôt, je viens de m’offrir le périple le plus remarquable du Vicdessos/Vallferrera, sur une journée. « La marche ne consiste pas à gagner du temps, mais à le perdre avec élégance ». David Le Breton
Trace du jour :
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 12h20 pour 38,6 km à 3,1 km/h
Dénivelé positif total : 2915 m – Autant en négatif
Point culminant : 2905m
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