Pique d’Estats en hivernale par le versant Nord
09/02/2019 – Jour 1 : parking de l’Artigue – Bois de Fontanal – Orris de Pla Nouzére – refuge de l’étang du Pinet
En 2014, j’avais eu la prétention de vouloir gravir à la journée, en plein mois de février, la Pique d’Estats. N’étant pas un skieur, tout se fait en raquettes ou crampons, et ce n’est hélas pas l’idéal. Mais je n’ai pas le choix ! J’avais dû me contenter du Montcalm tant les efforts à fournir furent importants. Fort de cette expérience, j’en ai tiré des leçons pour corriger mes erreurs. Je repars cet hiver à la Pique d’Estats mais sur 2 jours. Yannick se joint à moi dans cette aventure hivernale. J’ai prévu une mise en jambe à 13 heures, mais les gilets jaunes Ariégeois nous ont fait perdre 2 heures inutilement, sur la route.
Départ dans le virage du parking de l’ancien chalet du Montcalm, en direction de la voie normale du Pinet. Il est déjà 14h50. Les données sont simples : 1100 mètres à gravir pour atteindre le refuge du Pinet, le soleil se couche à 18h10 et il faut 3 heures en été pour parcourir cette distance. L’objectif est clair : arriver avant la tombée de la nuit. Nous chaussons les raquettes dès le départ du sentier, la quantité de neige dépasse déjà les 30cm. Malgré le fait que nous soyons en versant Nord, cette neige porte mal, et les raquettes n’empêchent pas de s’enfoncer. Au fur et à mesure que l’on s’élève dans le bois de Fontanal, nous croisons des skieurs qui descendent, et nous promettent avec beaucoup de condescendance, un enfer blanc avec notre équipement indigne.
Départ du sentier
En entrant dans le Bois de Fontanal
Dans notre dos le massif de Bassies où se dresse avec élégance la Pique de Belcaire
Nous parvenons aux orris de Pla Nouzére en 1h42. On jauge rapidement que la qualité de la neige ne nécessite pas l’usage des crampons. La neige est croutée et casse sous nos pas. Je marche devant depuis le début, c’est moi qui fais la trace. Cet exercice, bien qu’éprouvant, me permet d’avancer à mon rythme ; j’économise ainsi les forces de Yannick pour demain. Malin le grand frère ! Bien qu’invisible, nous suivons fidèlement le sentier d’été. Il est fait d’une traversée en dévers, mal commode en raquettes, puis de rampes successives. Tout se passe parfaitement bien. Point d’enfer blanc. Plus nous prenons de l’altitude, et plus la neige porte. Sur les crêtes le vent souffle fort, arrachant des volutes de neige ; nous avons la chance d’être sous le vent, bien à l’abri. Nous parvenons finalement à 18h25 au refuge, il fait encore jour, objectif rempli. Nous aurons mis 3h27, soit un différentiel minime par rapport à l’été, sachant que nous avons la voiture 1 km en aval du point de départ officiel. La forme est au rendez-vous, c’est ce qu’il faut retenir.
L'objectif est à vue
Le vent souffle fort sur la Pointe du Montcalm
Gros plan sur la Pointe de Belcaire et Pique Rouge de Bassies
Droit devant ce qu'il reste à parcourir
Dans notre dos, d'où nous venons
Il y a 3 hommes au refuge, 3 skieurs qui ont fait le sommet ce jour car la météo du lendemain sera moins bonne. Nous le savons mais nous aviserons. Très bonne ambiance dans le confortable refuge CAF, et malgré l’absence de poêle ou cheminée, nous ne souffrons pas du -1°C qui règne entre ces 4 murs. Tout le monde se couche très tôt ; il faut vite récupérer des efforts du jour, pour mieux repartir dans quelques heures.
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 3h27 pour 5,9 km à 1,8 km/h
Dénivelé positif total : 1115 m – Dénivelé négatif total : 10 m
Point culminant : 2224m
10/02/2019 – Jour 2 : refuge de l’étang du Pinet – étang du Montcalm – col de la Coumette – Pique d’Estats (3143m) – retour par le même itinéraire.
Le vent a soufflé parfois en rafale durant la nuit, il va falloir être vigilant. Lever à 5 heures, la nuit fut reposante. Nous quittons le refuge à 6h30 dans l’obscurité la plus totale. Heureusement, je connais parfaitement l’itinéraire, et la seule lueur de nos frontales suffit à ne pas s’égarer. Il n’y a eu aucune transformation de la neige durant la nuit, ce qui va nécessiter encore l’usage des raquettes. La première rampe qui domine l’étang du Pinet, est une première épreuve de force, tant la pente est inclinée. Le froid est mordant, le vent souffle de façon constante mais pas encore extrême. Ce doit être du 40 km/h. Protégés dans la carapace de nos vêtements, nous ne craignons pas ces attaques du froid. Il faut quitter les raquettes au profit des crampons, sitôt que l’on s’engage dans la traversée en dévers qui surplombe le ruisseau d’Estats. Le jour se lève à peine et les premières lueurs nous offrent de belles couleurs.
Passage en devers où se forme beaucoup de glace
Il n'y a pas de retouche des couleurs
Le massif de Bassies dans notre dos
Nous avançons sans trop de peine car la neige porte finalement mieux que prévu. Cela nous permet d’arriver à l’étang du Montcalm à 8h28, après 1h44. En distance totale pour le sommet, cela représente la moitié de l’itinéraire, mais en dénivelé, nous n’avons gagné que 300 mètres alors qu’il en reste encore 600. C’est dire si la pente va se cambrer à présent. Pause obligatoire pour une boisson chaude, et c’est reparti.
Dominant l'étang d'Estats, l'austère face Est du Guins de l’Ase
L'itinéraire à suivre pour se rendre à l'étang du Montcalm
La prise de dénivelé est constante et la pente reste en permanence soutenue. Le vent n’est pas assez fort pour nous faire rebrousser chemin. Si cela n’a rien d’un exploit de gravir la Pique d’Estats en été – je l’ai d’ailleurs gravie quelques fois à la journée – il en est autrement quand c’est au cœur de l’hiver. Chaque pas à un coût énergétique non négligeable, sans parler de la thermorégulation. Et aujourd’hui, pour ce qui est des conditions hivernales, nous sommes servis. A présent, c’est une longue épreuve d’endurance entre nous et la montagne. Avant le col de la Coumette, il est à nouveau indispensable de manger un peu. Cette bonne gestion de l’effort va nous ouvrir les portes des 3000 mètres. Je sais des lors que le sommet ne peut plus nous échapper.
Enfin objectif en vue
Nous allons rattraper un bout de crête où la neige a été soufflée par le vent, et sans aucune difficulté nous avançons vers le sommet. Le temps se gâte légèrement et l’on se presse pour arriver sur la cime avant que le panorama ne se bouche. 11h29, je touche la croix sommitale. Ça c’est fait ! Quel plaisir, mais quel plaisir ! Il aura quand même fallu 4h09 depuis le refuge pour arriver au sommet, mais qu’importe, nous l’avons fait. Il n’y a plus qu’à contempler le panorama qui nous est proposé.
Pic du port de Sutlló (3072m)
Pointe Gabarró (3115m)
Loin au Sud le Pic Monteixó (2905m)
Plus proche de nous en versant Sud
Hélas, la neige se met à tomber doublée de vent fort, et l’horizon lointain se bouche. Le temps passé proche du ciel n’aura été que de courte durée. Impossible de prendre le repas sur place, il faut se résoudre à redescendre sur terre. Plus question de couper la pente, le chemin le plus rapide est la ligne droite. La perte de dénivelé est rapide ce qui nous permet de se poser à 12h15 sous les 2700 mètres, alors que la neige a cessé de tomber. Là encore le vent va tourbillonner pour venir parfois cingler le visage. Décidément, la montagne nous parle et nous dit clairement qu’il ne faut plus trainer ici, quelque chose qui nous dépasse se prépare. 12h54, on plonge pleine pente.
Au dessous de l'étang d'Estats
Partout sur les sommets, une écharpe sombre enveloppe la montagne et descend dans la vallée. Des orages s’annoncent. Nous allons chercher l’efficacité sans vouloir chercher à tout prix à suivre nos traces du matin. Cela va nous conduire facilement à l’étang d’Estats, et pratiquement en courbe de niveau, on rattrape le sentier d’été. Nous ne faisons que passer au refuge, et sans attendre, nous profitons de l’enneigement conséquent pour viser au plus direct les orris de Nouzére. Lorsque nous y parvenons, la pluie se met à tomber. C’est ici que l’on rechausse les raquettes pour l’ultime partie en forêt. La neige est horriblement humide, aucune portance, c’est un enfer pour les chevilles. Que cette descente en forêt nous parait longue, interminablement longue !
Le refuge de l'étang du Pinet
Yannick en bas à droite traversant l'étang gelé
C’est sous une pluie intermittente que l’on conclut cette journée, à 16h14, pour 7h43. Il ne nous aura fallu finalement que 3h34 pour redescendre les 2000 mètres de la Pique d’Estats. Quelle journée ! Inoubliablement gravée dans nos mémoires et accessoirement dans les mollets. Gravir un sommet de plus de 3000 mètres dans les Pyrénées est toujours une expérience spéciale, encore plus quand cela se passe tout en neige et sur le plus haut sommet de Catalogne, le dernier bastion trimillénaire avant la Méditerranée. Pour aller plus haut dans les Pyrénées, il faut pousser vers l’Ouest jusqu’au massif de l’Aneto/Maladeta, c’est dire si franchir la barre de 3100 mètres est rare.
Tracé du jour sur carte IGN 1/25000
Les chiffres de la journée :
Temps de marche total 7h43 pour 14,1 km à 1,9 km/h
Dénivelé positif total : 966 m – Dénivelé négatif total : 2064 m
Point culminant : 3143m
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